Fanfiction Diablo III

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Texte de Guillaume

Par Guillaume
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Texte de Guillaume

"Ah, c'est vraiment trop bête."

Ce furent ses derniers mots. Peut-être également que ce ne fut pas exactement ce qu'il prononça au dernier instant. Peut-être la postérité, friande de moments de gloire et de paroles retentissantes, ne voulut-elle pas laisser passer ce qui était un si beau "morceau". Elle est comme ces restaurateurs consciencieux de Lhut Golein qui, sous les grains de sable que les vents et les siècles ont accumulé comme autant de trophées inconscients, témoins silencieux de leur pouvoir intangible et implacable, devinent plus qu'ils ne voient une antique mosaïque, jusque-là dissimulée aux yeux du monde et, bien que nous étant étrangère, curieusement intacte et familière, comme si elle n'avait jamais attendu autre chose que ce moment où, libérée de son linceul doré, elle entrerait dans notre existence pour y prendre la place qui lui revient de droit au milieu des légendes et des souvenirs. De même, chez les hommes, le travail du temps efface les erreurs et les fautes des héros d'antan, qui ne nous apparaissent plus alors qu'auréolés d'une gloire qui n'était peut-être pas tout à fait la leur.

Et, parmi tous ces héros, peu ont autant profité de cette vérité que celui qui venait de rendre son dernier soupir. Le tragique d'une vie suffit parfois à en excuser les dérives ; mesurée à cette aune, la sienne aurait bien mérité toute la pitié que l'on est en mesure d'éprouver pour ceux qui, parvenus aux plus hauts sommets, ont tout perdu à la suite d'un seul de ces revers désastreux dont la fortune a le secret, et dont elle semble éprouver un malin plaisir à frapper ceux qui s'élèvent trop haut au-dessus des autres. Pourtant, une telle pitié lui fut toujours refusée, tant de ces actes qui précipitèrent sa chute il résulta de malheurs pour le monde de Sanctuaire. Nul n'avait jamais connu son nom, qui ne put alors être maudit, mais son être, son souvenir même, devinrent objets de mépris et de haine : le héros, en l'espace de quelques jours et par sa propre faute, devint un monstre, et la rage lorsque l'on faisait allusion à lui brûlait même dans les coeurs les plus sages et les plus modérés.
Quelle avait été sa tragédie, et, plus important encore, quelle avait été sa faute? Car aujourd'hui, le temps a accompli son office, et seul subsiste le souvenir du héros vertueux, de l'homme qui avait ravivé l'espoir d'une communauté moribonde, qui se croyait condamnée à une longue et douloureuse agonie, de cet homme auréolé de gloire qui occupe dans nos mythes une place dont on a peine à croire qu'elle lui a été refusée pendant de nombreux siècles.

Il était arrivé un jour, homme étrange, avare de paroles, et poussé par on ne sait quelle force supérieure dont il semblait à peine conscient. Il était différent de ceux qui l'avaient précédé, des aventuriers sans scrupules et, semblables en cela à ces rapaces qui planent hors de notre vue au-dessus des terres en attendant le moment propice pour s'abattre et se repaître de la chair des morts et des mourants, attirés par la douleur et les souffrances qui émanaient des ruines de la cathédrale, symbole désormais souillé d'une foi disparue, et qui leur semblaient autant de promesses de richesses et de renommée. Lui, au contraire, n'avait pas leur exubérance et leur expression conquérante, qui, cherchant à les cacher, ne faisaient que révéler combien profondes étaient leurs faiblesses. Aucun de ceux qui s'aventurèrent dans les catacombes n'en ressortit vivant : leurs cris d'agonie déchiraient l'air fragile de la nuit, suspendue à ce dernier hurlement, qui laissait place au silence le plus opaque et le plus oppressant, un silence qui s'amplifiait, prenait toute la place que la nuit occupait auparavant, s'infiltrait dans les coeurs et les esprits et étouffait toute vie plus sûrement que ne l'eurent fait deux mains serrées autour de la gorge de leur victime.

Puis il arriva et s'engouffra dans l'antique bâtiment, gueule ouverte sur un abysse effrayant peuplé de nos pires cauchemars. Et ce fut à nouveau le silence, mais différent cette fois, peut-être pire encore. Ce n'était plus seulement le silence de l'ignorance, de la peur qui coud les lèvres et nous fait sursauter au moindre bruit, dont on ne sait ce qu'il annonce, mais dont on sait qu'il ne sortira rien de bon : au mieux, l'habitude qui a su conserver ses droits et qui seule nous empêche de sombrer dans la folie, le bruit de la porte de l'auberge, le soufflet du forgeron, le four du boulanger - autant d'éléments vides de sens lorsque la mort peut à tout moment vous envelopper et vous emporter à jamais, mais qui persistent pourtant, réconfort dérisoire auquel on s'accroche comme un naufragé à une planche, le seul élément qui reste du navire auquel il avait tout confié - et au pire l'inconnu, annonciateur d'une nouvelle souffrance que l'on ne peut même imaginer. Désormais, c'était le silence de l'attente, l'attente du cri d'agonie inévitable qui annoncerait que ce nouvel et dernier espoir avait échoué à son tour, et cette attente serait alors remplacée par celle de la mort.

Puis le cri retentit soudain, perçant, horrible, déchirant, et comme issu de chaque parcelle de la terre elle-même, comme si chacun de ses composants s'était mis à hurler avec la voix d'un enfant en proie aux pires déchirements. Nul n'avait jamais rien entendu de tel, ni ne l'entendrait de nouveau. Pourtant, contre toute attente, ce ne furent pas des flots de démons qui ressortirent de cet enfer, mais bien lui ; le cri que nous avions entendu n'était pas le sien, mais celui de son adversaire, terrassé dans les profondeurs de la cathédrale, dans des lieux où la réalité elle-même avait été altérée à un point tel qu'il refusât de dire ce qu'il y avait vu, ou ce qui s'était passé. Ce n'était plus l'homme sûr de lui, émanant d'une force qui n'avait pas à s'affirmer par des artifices externes, qui était revenu des enfers, mais un esprit tourmenté, inquiet : il avait changé, mais personne ne savait encore à quel point.

C'est ici que dans la légende, la vérité s'arrête. Nous croyons, à tort, que son ennemi, pas tout à fait mort, s'empara de son esprit à la faveur de cette faiblesse qui était désormais la sienne ; et ce serait alors que, dans un dernier éclair de conscience avant de se faire totalement posséder par celui qu'il avait cru vaincre, il prononça ces mots, qui dans toute leur simplicité et leur laconisme, cachaient tout le désespoir et l'impuissance de la résignation et de l'abandon après une vie de luttes dont on réalise au dernier instant qu'elles ont été vaines.

Ce que la légende, pour ne pas ternir ce héros, a oublié de nous transmettre, c'est qu'il s'était condamné lui-même, en plantant dans son front la pierre d'âme de son ennemi, le Seigneur de la Terreur. Ce n'est pas en profitant de sa faiblesse, mais bien de sa présomption et de son orgueil, que Diablo prit sa revanche sur lui - et bientôt sur l'humanité tout entière. Il le détruisit et le consuma peu à peu, jusqu'à ce qu'il ne reste plus de ce héros qu'une coquille vide que le Seigneur de la Terreur fit sienne, après y avoir puisé la force nécessaire pour renaître et assouvir sa soif de chaos. Ce n'était pas sans raison que les hommes d'alors prirent celui qu'ils avaient cru pouvoir être leur sauveur en aversion et n'eurent de cesse de condamner sa folie et d'effacer son souvenir des mémoires. Ils n'y parvinrent pas tout à fait, car comme on le sait, le souvenir de sa gloire lui survécut. Peut-être, finalement, est-ce mieux ainsi : peut-être, pour nous tous, vaut-il mieux un exemple de gloire, de persévérance et de victoire face aux ténèbres, que la véritable histoire de la chute du Héros de Tristram, de celui que l'on n'appela plus, alors, que le Rôdeur Noir.
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