Fanfiction Diablo III

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The wrong side

Par Gerakis
Les autres histoires de l'auteur

Chapitre 1 : Dawn of the night

Chapitre 2 : Blooddrunk

Chapitre 3 : Little undead girl

Chapitre 4 : Third Eye

Chapitre 5 : Betrayer

Chapitre 6 : Only One

Chapitre 7 : Empty life

Chapitre 8 : Come to immortal

Chapitre 9 : Silver flesh

Chapitre 10 : Any means necessary

Chapitre 11 : Right in Two

Les landes gelées, immenses et désolées. Il n'y avait guère plus que quelques buissons épineux et rabougris qui arrivaient à pousser sur cette terre. Le ciel était gris, lourd, moche, près à se transformer en orage. Le vent balayait les roches sèches et tranchantes, complétant ce tableau peu idyllique. Le seul point d'eau à des kilomètres était un marécage puant particulièrement immonde et infesté de cadavres en décomposition.

L'homme s'arrêta de marcher, il en avait assez de recevoir de la poussière à travers son casque. Il cligna des yeux d'agacement, il détestait ce pays aux couleurs sombres et à l'air pesant. L'endroit était dangereux pourtant il ne portait qu'une armure de cuir cloutée noire coupée au niveau des épaules. D'épais bracelets hérissés de pointes ceignaient ses poignets, ils étaient encore tachés de sang sec. La boue et la terre collaient à ses bottes renforcées par des lames d'acier, elles avaient la même couleur que le reste de l'équipement. A sa ceinture pendait une épée longue rangée dans son fourreau.

Le guerrier grogna et enleva son casque en forme de crâne grimaçant, ce genre de figure était utile pour impressionner l'ennemi mais tenait particulièrement chaud.

« - Dépêchez vous un peu bande d'abrutis, le camps des rogues ne doit plus être trop loin et j'en ai assez de traîner ici ! »

Il avait parlé sans se retourner, d'une voix autoritaire et puissante. Il coinça son casque sous son bras et reprit la route. Il entendit très bien les protestations et les injures de sa troupe mais fit comme si il n'avait rien entendu. De toute manière le tonnerre gronda si fort qu'il couvrit toute parole. La pluie se mit d'abord doucement à tomber, puis se fut une véritable averse qui tomba, assourdissante et glacée.

« - Il ne manquait plus que ça... »

Marmonna le guerrier en sentant l'eau ruisseler sur son visage et tremper ses longs cheveux noirs. Les bottes s'alourdirent de boue et le vent envoyait les gouttes directement sur le visage, obligeant à garder les yeux à moitié fermés.

Il fallut finalement bien plus qu'une heure pour que le camps soit en vue. Et la pluie ne s'était pas arrêtée une seule seconde, au contraire. La nuit avait même eue le temps de tomber. Le casque en forme de crâne fut remit, l'épée dégainée. C'était une lame d'acier gravée de runes et de symboles antiques, la garde en forme de gargouille et incrustée de pierres précieuses auraient suffit à faire pâlir le meilleur des artisans. Le guerrier n'eut rien à dire pour que sa troupe sorte ses armes, elle le fit instinctivement, par habitude.

Il y'avait une sentinelle à l'entrée, même à travers la nuit et la pluie elle avait sentie quelque chose arriver et son arc était bandé. Mais ses yeux n'étaient pas assez perçants pour distinguer autre chose qu'une série de silhouettes. Par-dessus le tonnerre elle demanda :

« - Arrêtez vous, et dites moi qui vous êtes, sinon je vous tuerais à vue ! »

Le guerrier s'avança, il y'avait un brasero couvert par une tôle en acier qui éclairait faiblement l'entrée du camp. Tout en marchant l'homme parla :

« - Pas d'inquiétude je ne suis... qu'un simple voyageur... »

Le crâne en acier brilla à la lumière, reflétant la figure horrifiée de la sentinelle, la bouche grande ouverte. Clignant des yeux un instant elle décocha instinctivement sa flèche. Le projectile n'atteignit jamais sa cible, se brisant sur un des épais bracelets renforcés du guerrier, dressé devant sa poitrine. La seconde suivant la rogue gisait par terre, profondément égorgée d'un revers de lame, son sang imprégnant la terre détrempée.

« - Ne laissez aucun survivant. »

Des cris d'alarmes s'élevèrent dans tout le camp mais la surprise était là. Deux autres sentinelles coururent vers les intrus, armées d'épées. Une flèche se planta dans l'oeil de la première, transperçant sa tête et la tuant sur le coup. L'autre eue le temps d'échanger une passe avec le guerrier au crâne avant de finir tuée par la hache d'un autre combattant en épaisse armure de plate. La double tête de l'arme trancha le corps de la rogue avec violence, la coupant presque en deux.

Les envahisseurs se dirigèrent rapidement vers les tentes, avant que la résistance ne s'organise. Une femme à la peau particulièrement pâle et vêtue d'une tunique serrée couleur nuit entra dans le premier baraquement. Ses bottes de cuir l'amenèrent face à une dizaine de rogues en préparation, à peine sortie du sommeil. La première à lui faire face était nue et tenait fermement une longue lame, défiant la femme au sourire cruel. Un véritable tourbillon d'acier tomba sur l'humaine. Armée de deux épées courtes crantées l'intruse infligea de douloureuses blessures, arrachant la chair nue. Il s'ensuivit un massacre particulièrement sanglant ou les rogues sans armures se firent déchiquetées jusqu'à la dernière. Leurs cadavres s'empilèrent rapidement sur le sol. A l'extérieur les cris de douleur et de terreur emplirent l'atmosphère. Une odeur de chair brûlée commença à chatouiller les narines de la meurtrière. Elle savait qui en était la responsable. En sortant elle vit une torche humaine hurler à travers le camp, l'eau ne pouvant éteindre le feu magique qui la consumait.

Le guerrier au crâne passa devant elle, une série de corps dans son sillage. Le reste de la compagnie saignait les derniers gardiens un peu partout. Mais un peu plus loin il restait un ultime cercle défensif, une poignée de rogues entourées d'un cercle bleu aveuglant, une barrière magique. La tueuse à la peau pâle passa une de ses mains dans sa ganache de cheveux secs et désorganisés. Ils étaient si sales qu'ils en devenaient durs. Elle prit la même la direction que son capitaine, essayant d'apercevoir les survivantes à travers la pluie. La troupe d'envahisseur se retrouva tout autour du dernier carré.

« - Akara je suppose que tu es responsable de cette bravade magique ? »

L'homme au crâne avait prononcé cette phrase d'une façon presque moqueuse. La nervosité des rogues était presque palpable. Il restait une jeune femme armée d'un simple marteau de forgeron, la grande prêtresse et cinq archères qui avaient leur arcs pointés vers le guerrier.

« - C'est... Astucieux. Et que comptes-tu faire maintenant ? »

L'ecclésiastique, Akara, la guide spirituelle des rogues, avait les yeux braqués vers son adversaire, on pouvait y lire une haine terrifiante.

« - Je ne sais pas qui tu es, démon, mais je ne serais pas la seule à me dresser contre toi, et si ce n'est pas moi qui te tuerais quelqu'un d'autre s'en chargera ! »

Un rire tonitruant éclata sous le casque, il était bien plus inquiétant que l'orage. La voix puissante de l'homme reprit ensuite plus calmement :

« - Tu as entièrement raison, tu ne seras pas la dernière et tu ne me tuera pas, après cet échange de banalités nous devrions passer à des choses plus sérieuses... Ton bouclier me carboniserait si je le franchissais, mais toute magie peut-être dissipée n'est-ce pas ? »

Les survivantes tremblèrent à cette déclaration, elles se mirent à chercher un sorcier du regard. Sur leur gauche il y'avait une personne particulièrement maigre et vêtue d'une vieille robe décharnée. Son visage était masqué par une large capuche tombante. Instinctivement les rogues tournèrent leurs arcs, dès que l'étranger entama une incantation les cordes vibrèrent et une volée de flèches fila droit vers la cible. Cela aurait été mortel pour n'importe qui, mais les projectiles passèrent à travers la toge miteuse sans plus de dommages. Akara aperçue la main tendue du sorcier : elle était totalement squelettique, il ne subsistait même pas un lambeau de chair. Comment transpercer des os avec des flèches ? Elle ne se posa pas la question bien longtemps car son bouclier commença à trembler. La prêtresse essaya de contenir l'assaut magique, elle y parvint dans un premier temps mais la pression se fit se forte que rapidement elle la dépassa complètement. Le mort-vivant avait un pouvoir bien plus grand qu'elle... La barrière céda soudainement alors que les archères retendaient fébrilement leurs arcs.

Une flèche venue des ténèbres transperça la gorge de l'une d'elle, son cri de souffrance se transformant en gargouillis immondes. Une langue de flamme traversa le campement et brûla une rogue à la poitrine. Le feu se répandit et le corps entier fut calciné, la peau coulante comme de la cire chaude. La fille au marteau fit face au terrible leader des attaquants. Il balança son épée si fort que l'impact de la parade se propagea dans tous les muscles de l'humaine. D'un revers il balaya la garde de la pauvre femme. Quel homme pouvait avoir une telle force ?

Alors qu'il écartait le marteau en appuyant sa lame contre, il envoya un coup de gantelet terrible. Les pics d'aciers déchirèrent le visage de la combattante. Aveuglée et meurtrie elle sentie à peine l'acier pénétrer ses viscères et lui ouvrir le ventre.

Akara hurla de colère et de tristesse, ses dernières soeurs et amies étaient en train de se faire tuer. Elle voulu invoquer un nouveau sort mais elle se crispa en sentant un souffle glacé sur sa nuque. Sans avoir le temps de se retourner une série de crocs se plantèrent sauvagement dans son cou, une traînée de sang coula sur la poitrine de la prêtresse. Une main se posa sur un de ses seins, l'attirant en arrière, alors qu'un poignard passa devant elle et déchira sa chair au niveau de son coeur. L'assassin relâcha sa victime, sa bouche noire maculée de sang.

Il ne restait plus de rogue dans le camp.

Le capitaine de la sanglante coterie enleva de nouveau son casque. Son visage était dur et avait une teinte rouge sombre, ses yeux étaient couleur braise. Un sourire carnassier étira la face infernale du démon.

« - C'est une belle victoire mes frères ! On va pouvoir quitter ces lieux dès demain... Servez vous des tentes pour la nuit, elles sont pleines de chair. »

La compagnie ne perdit pas plus de temps et sélectionna le baraquement le plus imposant. En son centre était installé une grande table avec des bancs alors que les côtés étaient bordés de lits à même le sol. Des corps gisaient un peu partout.

« - Après un combat rien ne vaut un bon repas ! »

Un colosse en armure poussa la femme à la peau pâle, première à être entrée. Le type était bardé de fer des pieds à la tête. L'acier de ses épaulières était forgé en forme de bouches grimaçantes, l'ensemble de la cuirasse était du même genre. Seul le casque était un simple heaume portant deux ailes de dragon tendues vers l'arrière. Il ne couvrait pas la totalité du visage carré de l'immense guerrier. C'était un démon lui aussi, mais sa face était bien moins fine et sculptée à la serpe. Il avait les traits grossiers d'une brute primaire. A la main il portait une large et lourde hache à double tranchant, il la tenait comme si il se serait agit d'un bâton de bois...

Le monstre attrapa le premier cadavre venu et le posa sur la table comme un sac de patate. Il retira son casque, révélant un crâne chauve, et arracha un bras au corps.

« - J'adore les cuisses ! » Tonna t-il d'un ton presque joyeux.

La femme pâle restée à l'entrée soupira en se pinçant l'arrête du nez. Ses doigts étaient fins et longs et parfaitement cadavériques.

« - Ce n'est pas une cuisse Daggot, mais un bras !
- Bah ! J'm'en branle pas mal ! Pour moi ça se ressemble et ça se mange ! »

Joignant le geste à la parole et mordit un carré de muscle et l'arracha d'un coup de dent. Un bruit mat de chair mastiquée emplit la tente.

« - Comment peut-on être aussi bruyant en mangeant ? se lamenta l'assassin.
- Tu m'énerves Crista, si tu continue j'vais me fâcher, et j'ai pas envie de me fâcher alors je serais encore plus énervé... Et puis les autres, où sont-ils ?

La tueuse ne releva pas la provocation, se contentant de fermer les yeux, s'imaginant en train de planter ses deux lames dans la tête de cet abruti, dans l'espoir d'y trouver une cervelle.

« - Ils doivent arriver... »

Daggot croqua une nouvelle fois le bras, Crista n'avait pas très faim, les mort-vivants ne mangent que pour le plaisir... Alors elle dégaina ses dagues et les nettoya un peu. Humaine elle avait dû être très belle. Ses yeux noirs étaient ternes et cernés. Sa peau blanche restait lisse mais à certains endroits de vilaines cicatrices gâchaient ce travail de conservation. Le corps en lui-même gardait de belles proportions mais paraissait négligé, les morts ne se lavaient pas souvent non plus... Et encore moins ceux qui passaient leur temps à se battre. Ce qui était sûr c'est que Crista ne voulait pas finir desséchée comme Kretor... Pour ça elle goûterait suffisamment souvent de chair pour s'entretenir.

En pensant à la liche, celle-ci entra dans la tente, son vieux manteau dégoulinant d'eau. Ses os grinçaient légèrement à cause de la pluie, c'était un phénomène inexplicable. Daggot apostropha le sorcier millénaire :

« - Ahaha voilà le sac d'os ! J'espère que tu es prêt pour jouer aux osselets ! »

Le colosse pouffa de sa propre blague, alors que les yeux de Kretor flamboyèrent. Une voix d'outre-tombe particulièrement glacée siffla aux oreilles du guerrier :

« - Toujours aussi inapte aux sarcasmes... Les temps ne changent pas pour les heureux... »

Daggot fronça les sourcils sans vraiment comprendre la phrase, seule Crista eue un sourire moqueur.

« - Je ne vois pas ce qu'il y'a de drôle... marmonna la montagne a mastiquant un nouveau quartier de viande. »

La liche alla s'asseoir aux côtés de l'assassin, ses os cliquetants.

« - Que font les autres ? Je pensais qu'ils arriveraient avec toi, demanda Crista.
- Le capitaine veut les voir avant, dans sa tente.
- Ah ! Maintenant il se baise les deux en même temps, quel salopard ! s'exclama Daggot, un sourire envieux sur les lèvres. »
Kretor ne broncha pas mais la femme mort-vivante ne pu s'empêcher de critiquer :
« - Tu ferais mieux de faire attention à ce que tu dis imbécile, si il t'entendait...
- Bah ! Dis plutôt qu't'es frustrée qu'il ne veuille pas d'une sale goule comme toi ! Mais écoute... Moi j'pourrais bien te consoler un peu !
- Je crois que je préférais embrasser un étron plein de sang ! »

Le colosse se tendit, pendant un instant on cru qu'un combat allait éclater, mais un rire gras et stupide envahit de nouveau la pièce.

« - Hé bien fais-toi plaisir l'amie, je finis mon repas et je te fais ça ! »

Crista serra les dents et se leva. Elle marcha un peu le long de la table puis sortie dehors avant de faire un meurtre de plus. Il pleuvait toujours à torrent, et c'était très bien pour calmer son humeur incendiaire. Elle marcha un peu et tomba sur le cadavre de la prêtresse Akara, qu'elle avait tuée un peu plus tôt. En face il y'avait la tente personnelle de l'ex guide spirituel. Par curiosité Crista s'en approcha, mais s'arrêta net lorsqu'elle entendit le cri de jouissance d'une femme.

« - Evidemment... »

Les cris se répercutèrent plus d'une fois avant de cesser, pour recommencer peu après. L'assassin renifla et se retourna, prête à partir autre part. Mais elle se retrouva face à une autre femme. Elle était grande, habillée d'un pourpoint de cuir et d'un pantalon lacé. Dans son dos il y'avait un carquois et un arc long couleur ébène. Une épée était aussi accrochée à sa ceinture. Deux petites cornes ceignaient le haut de son front, une immense natte de cheveux tressés tombait jusqu'au bas de ses reins. Cette démone était simplement magnifique, les yeux braise et le visage harmonieux, elle provoquait le désir d'un simple regard.

« - Crista qu'est-ce que tu fais là ? Tu te cherches quelque chose de tendre à manger... »

La mort-vivante n'en revenait pas de s'être fait surprendre, la pluie puissante avait couvert le déplacement de l'archère. Si elle avait encore eue du sang dans les veines la femme pâle aurait rougie.

« - Non... Je m'ennuyais.
- Le capitaine ne me demande pas ce soir alors je fais comme toi.
- C'est bien triste, Iléisis. »
La phrase était purement hypocrite, à vrai dire elle se moquait pas mal de ce que faisait la succube, toute les démones étaient arrogantes et suffisantes.
« - Ce n'est pas si triste, tu es là. »
Crista haussa un sourcil, cet échange de mondanités commençait à la lasser.
« - Oui sûrement... »
La diablesse caressa la joue de l'assassin, puis passa derrière la nuque de celle-ci et l'entraîna dans un baiser chaud et intense. La tueuse ne fit rien pour se défendre et répondit pleinement à l'étreinte, serrant la démone contre elle, passant ses mains sur ces fesses. Leurs deux langues se mélangèrent, celle de Crista était glacée alors l'autre était sucrée et brûlante. Un soupir d'aise fit frémir le corps de la succube lorsque que sa partenaire quitta ses lèvres pour l'embrasser dans le cou, léchant sa peau avec délicatesse.

Mais soudainement une dague vola au niveau de la gorge d'Iléisis et Crista se retira en arrière.

« - C'est vraiment triste ma petite traînée... »

Un sourire mauvais se dessina sur le visage de la démone. Il n'y avait rien de pire que céder à une succube pour la repousser ensuite, c'était remettre en cause tout son charme et sa sensualité. Crista n'ayant plus de sentiments de désir, elle n'eue aucun problème pour arrêter sa provocation.

« - Vous êtes si fades, vous les morts... Ton goût ne me manquera pas. »

Iléisis se détourna et s'éloigna, disparaissant sous la pluie. L'assassin la regarda un instant puis décida de se choisir une tente pour elle seule, elle n'avait pas envie de retourner supporter Daggot. Sans perdre plus de temps elle entra dans la première venue, il n'y avait aucune lumière, c'était parfais. On y sentait l'odeur de la mort. Crista n'avait pas besoin de dormir mais elle aimait rester dans le noir, tranquillement, souvent elle en profitait pour s'entraîner.

* * *

Une aube pâle et terne se levait sur le campement des rogues, l'air était frais et humide mais la pluie s'était enfin arrêtée. Le ciel était toujours aussi lourd et seule une lumière grise éclairait les cadavres glacés des anciens occupants. Le capitaine venait tout juste de sortir de sa tente, son casque sous le bras. Il avait à repartir rapidement.

Toute la compagnie savait qu'elle devait le rejoindre dès maintenant, le gradé n'aimait pas les retards. A la suite de l'officier une démone vêtue d'un simple corselet de cuir. Elle ne portait ni chaussures ni pantalon, mais elle tenait un long bâton de bois noir entre ses mains. Si l'arme pouvait paraître simple elle dégageait un grand pouvoir. Cette femme était une infernale mais pas une succube, c'était une sorcière bien plus dangereuse... Néanmoins elle ne manquait pas de beauté non plus, ses courbes lisses donnaient des jambes parfaites et un corps sculptural. Son visage rivalisait aisément avec celui d'Iléisis, l'archère arrogante.

Face au capitaine tout le monde était regroupé. Daggot se tenait à l'arrière avec son immense hache, Kretor se tenait immobile et fixait quelque chose que personne ne voyait et Crista jetait des regards noirs à Iléisis juste à côté d'elle. Sethra la magicienne vint rejoindre la troupe, ses fesses nues suivies avec attention par l'abruti de Daggot.

« - Puisque Akara est morte, Diablo va pouvoir établir une base arrière sûre, sans plus d'obstacle, nous pouvons partir loin de cet endroit... Pesant. Il va falloir rejoindre le cloître des anciennes rogues, une faille vers l'enfer est ouverte là bas. Je ne veux pas traîner alors on se dépêche ! »

Mais à l'instant ou le capitaine allait commencer la marche il entendit une personne courir de façon effrénée. Il tourna la tête vers la source du bruit : Un lamentable déchu cavalait à toute vitesse vers eux.

« - Puissant Vankhar, puissant Vankhar ! J'ai un message à vous confier ! »

Le piaillement criard du démon inférieur agaça les oreilles de l'officier. Il jeta un regard meurtrier à l'intrus puis lui fit signe de continuer.

Entre deux halètements le déchu articula :

« - Le Seigneur de la terreur est mort hier soir même !
- Quoi ? Comment est-ce possible ! ? Répond imbécile ! tonna le capitaine irrité.
- Des humains sont parvenus jusqu'à lui et ont miraculeusement réussis à le tuer ! On parle déjà de héros envoyés des anges et des célestes !
- Quelle arrogance de la part de mortels... Qui t'a envoyé ? »
- Je me suis enfui de moi-même, je savais que vous deviez détruire le camp des rogues... »

Des murmures de colère et de surprise parcoururent la compagnie, qui était ces héros imprudents et tout de même dangereux pour avoir réussit à détruire Diablo ? Cela paraissait improbable ! Il fallait absolument tirer cette histoire au clair, la disparition du Seigneur de la Terreur changeait la donne dans le conflit contre Sanctuary...

« - Bien... Nous allons voir. Mais ne m'appelle plus jamais par mon nom, les faibles comme toi ne doivent le prononcer.
- Je ne recommencerais pas puissant seigneur...
- Je le sais, répliqua trop calmement Vankhar. »

D'un flexion de poignet il dégaina son épée et décapita le déchu, il devait se passer les nerfs. La tête du monstre sauta dans les airs, comme si l'on avait sabré une bouteille... Alors qu'il rangeait son arme il lança Sethra la sorcière :

« - Prépare un sort télépathie, il faut que je m'entretienne avec Baal pour la suite des évènements. »

La diablesse hocha la tête et commença à incanter d'une voix grave, transformée par la magie. Le reste de la compagnie n'ayant d'autres choix que l'attente. Une fois le sortilège lancé Vankhar ferma les yeux, se concentrant sur sa tâche. Il croisa les bras et appela une essence particulière.

Mais alors qu'il s'attendait à la trouver rapidement il ne décela absolument rien. Il dû s'y reprendre à plusieurs fois avant de capter un signal faiblissant qui correspondait à Baal ! Cela ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose : Le dangereux démon était en train de mourir ! C'était impossible ! Méphisto avait déjà cédé il y'a une dizaine de jours, à présent les trois frères étaient vaincus. Vankhar cessa immédiatement la communication télépathique. Son visage était indescriptible et toute sa compagnie le regardait étrangement.

« - L'enfer n'a plus de dirigeants, le conflit semble être perdu pour l'instant. »
Des années s'écoulèrent après la mort des trois frères. Les héros humains chassèrent la majorité des démons de Sanctuary, aucun ne fut assez fort pour leur résister. Si bien que ce monde pu vivre en paix pendant un long moment, oubliant les affres douloureuses du passé. Les terres meurtries récupérèrent, et les villes autrefois assiégées prospérèrent. A force on fit passer l'invasion infernale pour une légende bonne à raconter dans les tavernes, source de combats épiques menés par les héros des temps anciens.

Vankhar soupira. Son souffle se répercuta dans la caverne glacée ou il était installé. Dehors un blizzard sans nom sifflait et hurlait, il était impossible d'avancer plus loin pour l'instant. Surtout que les démons n'appréciaient pas vraiment le froid glacial. Un épais manteau de fourrure couvrait son armure de cuir, son casque était posé près d'un feu magique allumé par Sethra. La sorcière habituellement à demi nue portait elle aussi de chauds vêtements.

Voilà des années que le capitaine Vankhar errait avec sa compagnie sur Sanctuary, se faisant le plus discret possible, évitant toute confrontation. Particulièrement bon tacticien il avait réussit à échapper aux humains et avait pu continuer ses recherches. Oui, car si il n'était pas retourné à l'abris des enfers c'est uniquement parce qu'il avait quelque chose à accomplir. Plusieurs fois les membres de sa troupe avait manqué de lui désobéir, mais sa poigne était telle qu'il avait réussit à la garder entière. Cela était aussi dû à son pouvoir... Il aurait aisément pu triompher de quiconque. Sauf d'une coalition des mortels de Sanctuary, sinon il ne serait pas en train de se cacher dans un trou glacé !

Au cours de ses nombreuses campagnes il avait découvert l'existence d'un lieu rituel oublié sur le monde matériel. Un endroit perdu au milieu des étendues glacées du Nord. Il avait mit plusieurs dizaines d'années pour obtenir des informations précises sur la position de cet endroit. Au départ il n'avait même pas cru à cette histoire, il ne s'en préoccupait que maintenant, alors que l'enfer n'avait plus aucun dirigeant. En fait il espérait pouvoir prendre le pouvoir. Un sortilège antique particulièrement cruel et puissant pourrait lui permettre d'atteindre son but. Evidemment il avait préféré ne parler à personne de tout ceci, il ne valait mieux pas causer des envieux. Sa compagnie ne savait pas pourquoi elle était là, et c'était très bien ainsi.

A présent Vankhar était très proche de son but, ses pouvoirs de divination couplés avec ceux de Sethra auront tôt fait de révéler ce qu'il cherchait depuis si longtemps.

Au fond de la caverne Crista se tenait loin du feu, les morts-vivants ne craignaient pas les températures extrêmes. Kretor la liche était à ses côtés, semblant méditer profondément. Il devenait rare de voir des nécromenciens aussi puissants garder une telle distance avec le monde. Plus couramment le pouvoir leur montait à la tête... Pourtant celui-ci restait de marbre. Crista se demandait quel genre de contrat pouvait lier la liche à Vankhar, car de tous le vieux tas d'os était probablement le plus puissant, le seul ayant les capacités de défier leur capitaine.

La tueuse regardait Daggot d'un oeil noir, comme d'habitude. Régulièrement elle jetait aussi une mine méprisante à Iléisis, la maudite et arrogante archère. D'un air distrait la succube tenait une flèche entre les mains, à l'hampe sombre et à la pointe crantée. Impossible de retirer un projectile pareil sans causer une douloureuse hémorragie. Le séjour sur Sanctuary commençait à se faire long pour Crista. L'errance et l'obligation de se terrer au plus profond de pays perdus semblaient ne vouloir prendre fin. Parfois la tueuse était lasse de tout ça. Elle ne se rappelait de rien avant sa « résurrection ». Elle avait beau essayer de se souvenir, il n'y avait rien. Impossible de savoir ce voulait dire le mot ressentir. Les sensations physiques étaient absentes, la plupart de ses émotions avaient disparues, il ne lui restait plus que la haine et la colère. Une espèce de faim dévorante, une douloureuse envie de se venger contre quelque chose qu'elle ignorait. Elle secoua la tête, c'était stupide de se torturer la tête avec ça : Les sentiments ressemblaient à des poids, elle l'avait observée chez les mortels.

Des heures s'écoulèrent encore, peut-être même une journée entière. Le blizzard cessa enfin de siffler, laissant un ciel si bleu qu'il en devenait blessant. La réverbération sur la neige forçait à plisser les paupières. Vankhar ouvrit les yeux, il venait de rompre son sort. Sethra était en face de lui, son regard félin brûlant d'un nouvel éclat.

« - Nous avons trouvés... »

Le capitaine hocha la tête. Il était satisfait. Il se leva d'un coup, sa troupe fit de même. Crista se demandait bien ce que leur commandant cherchait, et elle allait enfin savoir.

« - Nous devons partir sans plus attendre, il y'a quelques kilomètres à faire, autant profiter du beau temps. »

Kretor s'appuya sur son bâton noir, faisant grincer toute son osseuse carcasse. Le givre n'arrangea rien au bruit. Daggot soupira bruyamment :

« - Bah mon vieux, tu t'arranges pas !
- Toi non plus, marmonna la liche, irritée.
- Hein ? »

Avant que l'information ne percute vraiment le cerveau du stupide démon, Vankhar ordonna à tout le monde de se dépêcher. Les disputes cessèrent immédiatement...

Quelques secondes plus tard et la compagnie marchait dans la neige glacée, qui montait jusqu'aux genoux. Seul l'énorme Daggot marchait tranquillement, ce qui agaça Crista au plus haut point. La mort vivante devait presque pousser la poudreuse pour avancer. A perte de vue on ne voyait que du blanc et un ciel étincelant. Le groupe se déplaçait au fond d'un vallée, sertie d'hautes chaînes montagneuses. On se serait cru au bord du monde, il n'y avait pas âmes qui vivent à des centaines de kilomètres, l'endroit être totalement hostile.

Au bout de deux heures, Vankhar posa le pied sur une immense plaque de pierre. Il était arrivé au bout de la vallée, on ne pouvait continuer qu'en commençant l'ascension d'immenses pics. La dalle sur laquelle le démon se trouvait était parfaitement circulaire, grande d'une dizaine de mètres. La neige ne semblait pas vouloir la recouvrir, comme si elle fondait à son simple contact. Des milliers de runes étaient gravés à la surface de la roche. Le reste de la compagnie observa l'endroit avec perplexité. Kretor ressenti une puissante énergie magique enracinée dans la pierre, purement mauvaise. Un mal antique et particulièrement malsain.

« - Voilà... Enfin... »

Vankhar s'avança au centre du cercle. Daggot qui ne comprenait rien à la magie se gratta le bras.

« - Chef, c'est quoi ça ? »

Le commandant ne répondit pas immédiatement, fixant les symboles avec attention. Sethra faisait de même. Finalement il releva les yeux vers les autres.

« - C'est la pierre de Angash le Noir. »

La mâchoire de Kretor grinça à cette déclaration. Angash était un nécromant particulièrement redouté et dangereux. Il fut l'auteur de nombreux rituels qui lui procurèrent la vie éternelle ainsi que de dangereux pouvoirs, capables de détruire des mondes entiers. Mais il trouva la mort il y'a maintenant plus de mille années, tué et éparpillé aux quatre coins de Sanctuary par une confrérie d'Archanges. Néanmoins ses grimoires et ses rituels sont toujours recherchés, bien que pour la plupart passés à l'état de mythes. Kretor fut impressionné de se trouver face à l'un d'eux.

« - Un sort d'absorption d'âme, chuchota la liche. »

Vankhar, qui l'avait parfaitement entendue, rétorqua :

« - Impressionnant n'est-ce pas ? Dommage que l'on doit être vivant pour pouvoir l'utiliser... Angash a toujours méprisé les revenants, il s'en servait comme esclave, c'est pour cela qu'il tenait temps à tromper la mort par d'autres rituels... »

Les yeux glacés de la liche transpercèrent le démon, énonçant clairement un « Je le sais très bien ». Mais Kretor ne pu s'empêcher de suivre les runes pour en comprendre rapidement le sens.

« - Sethra et moi devons rester dans le cercle, les autres doivent sortir, cela pourrait nuire au sort. »

Daggot ne se posa pas de question et s'éloigna de toute magie. Illéisis suivit le mouvement, ne s'intéressant pas vraiment à la situation. Seule Crista mit un instant à se déplacer, le fait que Vankhar devienne plus puissant qu'il ne l'était déjà impressionna la tueuse.

« - Commençons tout de suite. Je place le Sud. »

Le capitaine se dirigea vers l'un des bords du cercle. Il ferma les yeux et mit ses bras en croix. Sa voix grave entonna une incantation. Sethra se mit à l'opposé et fit de même. Ils firent ensuite l'Est et l'Ouest. L'invocation dura plus d'une heure... Kretor suivait le tout avec attention, tout comme Crista, même si elle comprenait beaucoup moins bien le sens du rituel... A son terme un déchaînement d'énergie déferla du cercle, elle puait le mal. Elle explosa d'une lueur rouge sang, si blessante qu'on ne pouvait la regarder longtemps. Soudainement elle se concentra et fila vers Vankhar. Elle siffla comme un vent furieux et entra en lui par tous les pores de sa peau. Le démon hurla à la mort. Son cri refléta une telle douleur que le reste de la compagnie cru que ça en était fini de lui ! Un dernier puissant éclair de magie le frappa et puis le calme retomba. Le capitaine, à genou, se redressa, il ne semblait pas avoir tant changer que ça.

« - Ca... Ca a marché !
- Qu'est-ce qui a marché chef ? demanda Daggot d'une voix grave.
- Le sortilège imbécile ! Je peux absorber les âmes et leur essence vitale, ce qui me rendra plus fort, et à long terme, bien plus fort que le Seigneur de la Terreur ou même les trois frères réunis. Plus l'âme sera pure plus elle sera précieuse... Où puis-je trouver les âmes les plus innocentes, ou les plus pures ?
- Les humains sont de grands pécheurs, lança Illéisis, mais pas lorsqu'ils viennent de naître...
- Oui les enfants, c'est une excellente idée, conclu Vankhar. »

Si Crista aurait été vivante, elle aurait sûrement frémit. Non pas tant à l'idée de tuer autant d'enfants, mais surtout que son maître allait devenir impossible à arrêter. En un sens, elle était jalouse. Kretor resta impassible, quelques de ses os craquèrent, impossible à dire si il s'agissait du froid ou parce qu'il rageait intérieurement.

« - Il faut retourner à la « civilisation », nous avons du travail. Commençons par les villages, le temps que l'ennemi s'en aperçoive, ma puissance aura suffisamment grandie pour que je puisse les vaincre. Sanctuary a été ramollie par plusieurs dizaines d'années de paix, personne ne s'attend à un nouveau règne de l'enfer. »

Il s'arrêta un instant puis ordonna à Sethra :

« - Téléporte nous où il faut, un bourg de tes souvenirs. »

La démone hocha la tête et commença à incanter. La compagnie se regroupa, sans trop avoir le choix, pour ceux qui se posaient des questions, c'est-à-dire tout le monde sauf Daggot. Le mana prit la forme d'un puissant sortilège de transport, il enveloppa chaque cible et quelques secondes plus tard les rematérialisa à des milliers de lieues. Cela causait toujours une légère désorientation à l'arrivée, comme après avoir chuté dans le vide puis s'être arrêté d'un seul coup.

Vankhar reconnu immédiatement l'endroit, un sourire se dessina sur son visage, quelle ironie de se retrouver ici. Sethra avait très bien choisie. La compagnie était devant une grande chapelle, celle de Tristram. Le capitaine démon passa son heaume en forme de crâne, puis d'une voix sifflante précisa à ses hommes :

« - Laissez moi les enfants. »

Le massacre qui suivit fut d'une rare violence. En moins de quelques minutes le village entier gisait par terre. Les cadavres étaient atrocement tailladés et mutilés, ou certains carbonisés par la magie noire des démons. Il n'y avait plus qu'une horrible odeur de chair brûlée et de mort. Sur une petite place au centre du village, Daggot traînait les corps, il s'était mit en tête de faire un décompte pour sa gloire personnelle. Crista le regardait avec un air navré. La tueuse se tourna vers Kretor, juste à côté d'elle :

« - Ou est allée Vankhar ?
- Il est allé dans la chapelle, avec les enfants.
- Je vois... »

Le ciel était devenu rouge sombre. Il ne fallut pas attendre plus de quelques minutes pour entendre des hurlements stridents venus tout droit de là bas. Le rituel abominable de vol d'âme était sûrement en train de faire effet. Crista fut satisfaite de ne plus en avoir pour une fois.

Lorsque le calme retomba Vankhar reparu avec sa très fidèle Sethra. Un grand sourire malsain étirait son visage.

« - Il m'en faut plus. Nous allons nous établir ici et je vais vous commander de me rapporter le plus d'âmes possible à travers tout Sanctuary. »

Crista osa tout de même contester un point :

« - Ne craignez vous pas voir arriver trop vite des armées ici, en restant statique ?
- Je ne crains plus rien, je le laisse ça aux autres. »

La phrase avait été dite avec un tel aplomb et une telle assurance que l'assassin ne risqua pas à autre chose.

« - Je vais bâtir ma demeure ici. Kretor, je vais avoir besoin de toi. Quant à Daggot et Illéisis, partez tout de suite chercher des âmes, ramenez les vivantes jusque ici. Crista tu vas surveiller le mouvement ennemi, espionner pour mon compte, en parfaite discrétion. »

Le fait que Vankhar est somme toute toujours besoin de sa compagnie, rassura quelque peu celle-ci. Le capitaine ne pouvait pas être partout en même temps, ça restait peut-être sa seule faiblesse. Lorsque ses hommes furent partis en mission il se tourna vers la liche.

« - Nous allons combiner nos magies avec Sethra pour construire un endroit digne de moi. Je vais vous communiquer ce que j'ai en tête... »

Une image furtive, mais qui resta pourtant définitivement imprégnée, passa dans la tête des sorciers. Lentement ils encadrèrent la chapelle de Tristram et entamèrent une puissante invocation. Rapidement ils connectèrent leur mana. L'énergie combinée était colossale. Kretor se rendit compte de la force soudaine de Vankhar, elle était déjà bien plus élevée qu'avant. Les incantations se poursuivirent jusqu'à leur paroxysme, d'immenses rayons violacés sortirent du sol autour de la cathédrale. La terre trembla, dans le ciel se forma un large et inquiétant tourbillon noir. Un vent puissant se mit à souffler, si fort qu'il commença à faire trembler les maisons de Tristram, seuls les sorciers ne semblèrent pas affectés. Les toits s'arrachèrent, les briques s'envolèrent, les immenses rochers plantés dans le sol s'élevèrent et même les ossements des morts furent tirés par le siphon. Tout matériau dans un rayon de plusieurs centaines de mètres fut absorbé. Ensuite, progressivement, les matières furent recrachés et commencèrent à s'assembler grâce à un ciment magique. Tout tourbillonnait de façon irréelle dans les airs.

La structure était extrêmement complexe mais les trois puissants lanceurs de sorts arrivèrent à la suivre. Les heures se déroulèrent comme des minutes, tout s'enchaînait parfaitement, l'immense bâtisse prenait forme, petit à petit. Le mana cumulé arrivait à faire frémir les montagnes. Bientôt une véritable forteresse sombre se dressa dans les airs, maintenues par une magie antique et noire comme les plus horribles ténèbres. Une place forte d'os, d'acier et de pierre magique s'élevait à des mètres de hauteur. Vankhar sourit d'un air satisfait, il se gargarisait de son pouvoir nouvellement acquit.

« - Cet endroit ne sera plus Tristram, mais mon domaine, le lieu de départ de mon dominion sur Sanctuary ! »

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Crista courait dans les plaines vides d'un monde qui ne se méfiait pas de sa perte. La morte cavalait sans s'épuiser, les hautes herbes fouettant ses jambes, le vent glacé sifflant sur son visage sans l'affecter. Elle courrait en recherche de l'ennemi, la moindre rumeur l'intéresserait. Mais pour l'instant elle se posait plus de question sur la puissance toute nouvelle de Vankhar qu'autre chose... Les âmes innocentes rapportées allaient le rendre plus grand que Diablo ou n'importe qui d'autre ! En un sens la tueuse craignait de finir esclave d'un démon qu'elle méprisait...
Elle marchait dans les rues d'un village inconnu, avec suffisamment peu d'habitants pour qu'il ne soit même pas indiqué sur les cartes. Son corps entier était couvert de plaques d'armure, comme si il avait naturellement été fait d'acier. Son visage était masqué par un heaume à ailes courtes, les jeux de lumière empêchaient de voir le reste. Un bouclier était porté par son bras droit, il était noir aux contours dentelés de rouge. D'une main elle tenait une énorme masse d'arme à la tête carrée, égayée de quelques crans ailés particulièrement meurtriers.

Les autochtones la dévisageaient avec un air hallucinés, jamais ils n'avaient vus une femme aussi impressionnante.

« - Qui... Qui êtes vous ? »

Le maire de la communauté se tenait au milieu de l'unique route de la bourgade. La puissante humaine s'arrêta. Aucun sourire sur son visage, aucune expression. Sa voix était parfaitement atone.

« - Une combattante. »

Elle continua à avancer, personne n'osa l'en empêcher. Crista la fixait depuis un toit, à l'abri des regards. Elle n'avait jamais entendue parler de cette femme... Etrangement elle semblait au dessus de la plupart des mortels, une aura incroyable émanait de cette guerrière... Sa curiosité piquée à vif, Crista décida la suivre. Bientôt elles furent toutes les deux hors du village, la mort-vivante s'accrochant aux ombres de la forêt naissante. Pas même une brindille ne craqua sous ses pas.

L'étrange guerrière continuer d'avancer, poursuivant un objectif inconnu. La nuit commençait à tomber, si bien qu'il devenait réellement impossible de discerner l'assassin. Mais au bout d'une minute la végétation commença à s'éclaircir et une petite clairière s'imposa. Au centre de celle-ci un feu était allumé, une silhouette était assise en face des flammes.

« - Comment sont les environs ? »

La femme en armure ne répondit pas tout de suite. Elle continua d'avancer d'un pas ferme. Une fois arrivée juste à côté de l'homme assis elle se pencha et lui murmura quelque chose à l'oreille. Même les sens aiguisés de Crista n'arrivèrent à capter les mots prononcés. Le type était encapuchonné et ne sembla pas broncher. Pendant un court instant la tueuse eue un mauvais pressentiment, l'impression d'être découverte... Et si l'homme était un sorcier ? Le corps de la mort-vivante se tendit, prêt à bondir.

Doucement l'humaine se tourna vers Crista, on pouvait juste entendre le crépitement des flammes. Sans hésiter elle commença à s'avancer alors que l'homme en robe de moine se levait.

Les pupilles de Crista s'étrécirent, il n'y avait plus aucun doute. Elle tira silencieusement ses dagues crantées, son pied arrière se planta dans le sol et lorsque sa cible ne fut plus qu'à deux mètres elle s'élança hors des buissons où elle était cachée. L'attaque soudaine ajoutée à la pénombre aurait dû surprendre n'importe quel guerrier, mais visiblement pas l'étrange femme. Elle brisa l'assaut d'un coup de bouclier violent, l'assassin perdit l'équilibre et roula sur le sol, arrivant à se rattraper avec souplesse. La masse de l'humaine arriva ensuite à une vitesse impressionnante, Crista venait à peine de se relever. Ne tentant pas de parer une arme aussi lourde la tueuse se baissa pour esquiver. L'acier la frôla de peu mais cela lui permis de passer à l'offensive de nouveau. Sans perdre de temps elle avança sur son adversaire tout en restant près du sol et envoya ses deux dagues de bas en haut. Les lames ripèrent sur l'armure sans arriver à la percer. Le crissement métallique fut suivit par un nouveau coup de bouclier. Mais cette fois-ci Crista roula sur le côté avant de le recevoir.

La tueuse se remit debout, le moine semblait uniquement observer le combat. L'humaine revenait à l'assaut, sa masse d'arme décrivant de dangereux arcs de cercle. La mort-vivante dû faire appel à toute sa dextérité pour éviter chaque coup particulièrement précis. Crista chercha une faille dans l'armure de la guerrière. Elle remarqua la jointure interne du coude et un accès entre le casque et le reste de la cuirasse. L'assassin feinta pour que son ennemi vise son flanc, elle se concentra et réalisa un bond sur place véritablement impressionnant. L'action difficile fut parfaitement exécutée. Crista retomba derrière son adversaire et pivota sur elle-même. Une main fila attraper le cou de l'humaine pour la tirer en arrière et l'autre frappa sauvagement, enfonçant jusqu'à la garde la dague meurtrière de l'assassin.

Un sourire se dessina sur le visage de la tueuse, le sang chaud coulait sur ses mains. Elle sentit surtout le corps de la guerrière frémir. Certes l'humaine avait été particulièrement douée mais la vitesse de Crista était inégalée. Elle arracha le heaume de sa victime et l'attira vers elle avec sa lame plantée. D'un geste elle retira l'arme, les crans provoquèrent une giclée de sang impressionnante.

Mais alors qu'elle s'attendait à voir la femme tomber celle-ci resta debout. Le moine croisa les bras, comme si il se lassait. Soudainement la combattante se retourna, envoyant un revers de masse mémorable à l'assassin. L'arme arriva en plein dans le torse de Crista, ses os craquèrent et se brisèrent. Elle fut projetée à plus d'un mètre en arrière. Si la tueuse avait été humaine elle aurait succombée sur le coup. Mais elle se releva tant bien que mal. De rage elle voulu voir le visage de son adversaire, mais le bouclier dressé de la guerrière lui bloqua la vue.

Crista roula sur elle-même pour ne pas se faire pulvériser par la charge, puis d'un bond s'éloigna du combat. Elle comptait revenir mieux préparée, et surtout informée de la surprenante résistance de l'étrange combattante. Il fallait aussi qu'elle prévienne Vankhhar, elle avait la sensation que la présence des deux inconnus n'était pas fruit du hasard, il s'agissait peut-être même d'agents du Zakarum.

Les royaumes de Sanctuary étaient en crise depuis des années, il est bien connu que lorsque les mortels n'ont pas ennemi commun à affronter ils passent leur temps à s'entretuer. Mais peut-être que les disparitions répétées d'éclaireurs et de villageois commençaient à intriguer suffisamment pour que les rois et les seigneurs s'y intéressent. Dans ce cas une coalition face à un nouvel envahisseur démon était possible.

Alors que l'assassin courait pour rentrer à son repaire, le mystérieux moine ramassa le heaume de la guerrière et lui rendit. La plaie béante de la femme avait déjà arrêtée de saigner, il ne restait plus qu'une cicatrice. Elle remit son casque et s'immobilisa.

« - La petite abeille va sûrement aller prévenir sa ruche de notre présence... »

La phrase de l'homme était tranquille, comme si il ne craignait pas la suite des évènements.

« - Il faudra plus que des piqûres, répondit la combattante d'un ton si mécanique qu'il ne paraissait pas humain.
- Je sais, mais nous allons nous dépêcher, Jotun nous attend pour aller à Tristram.
- Jotun...
- Je sais, tu n'aimes pas ses manières, mais nous avons besoin de toute notre force pour enquêter sur les derniers évènements, une terrible source de magie a été détectée il y'a quelques mois à peine. La présence de cet assassin ne fait que confirmer nos soupçons, certains craignent déjà le retour des démons, et il se pourrait que cela soit possible... »

Le moine alla s'asseoir en face de son feu. Il soupira, et jeta une brindille dans les flammes.

« - Par la Grâce assis-toi ! Le fait que tu sois toujours debout me rend nerveux... »
La femme reste immobile.
« - Je ne peux m'asseoir. Je vais monter la garde.
- Comme d'habitude, » soupira de nouveau l'homme encapuchonné.

Un jour de course effrénée plus tard et Crista arrivait en vue de la monstrueuse citadelle dressée par la vantardise de Vankhar. La forteresse flottait à plusieurs mètres du sol, tel un sombre et inquiétant joyau. De longues tours effilées déchiraient les cieux, faites de pierres noires et ardoise. Les créneaux renforcés par de l'acier ou des os. A une centaine de mètres à la ronde il n'y avait plus que de la terre battue, Vankhar comptait y construire une ville dès qu'il aurait suffisamment d'esclaves. Pour pénétrer dans l'édifice il fallait se placer sous sa base et prononcer un mot de pouvoir. Si il était annoncé par un mortel le malheureux était foudroyé sur place.

Crista se téléporta dans la forteresse, arrivant dans un hall sombre uniquement éclairé par des braseros rougeoyants. Elle parcouru plusieurs couloirs aussi avenants avant d'arriver dans l'immense salle principale. Sous de hautes voûtes sculptée se tenait un trône de marbre noir, surplombant la pièce depuis de nombreuses marches.

Sethra se tenait dans l'ombre du siège, appuyée sur son bâton de puissance. Lorsque Crista se présenta elle se retira un peu plus, laissant l'attention de Vankhar se porter sur l'arrivante. Son regard si fier écrasait la tueuse, on pouvait y voir cruauté et intelligence. Posant son poing sur sa poitrine Crista salua son maître et attendit qu'il lui permette de parler.

« - Mon éclaireuse est de retour... De quelles nouvelles es-tu porteuse ? »
La réponse ne se fit pas attendre.
« - Des guerriers ont été lancés à notre poursuite. Je crains que l'élimination systématique de tous les habitants approchant la région soulève quelques questions. »

En effet, pour ne pas se faire découvrir Vankhar se contentait de tuer les personnes se retrouvant par mégarde ici. Cela allait du bûcheron à la patrouille militaire. Sans compter les enfants qu'il volait aux villages avoisinants. Si son domaine était protégé contre la divination cela ne pouvait qu'intriguer aussi.

Au final il n'avait fallu que quelques mois pour que des agents du Zakarum viennent enquêter. Quelques mois qui avaient suffit à considérablement accroître la puissance de Vankhar.

« - Combien sont-ils ?
- Deux pour le moment. »
Le seigneur démon fronça les sourcils.
« - Tu n'as pas leurs têtes ? »

Crista avait attendue la question. Comment expliquer, qu'elle, une tueuse redoutable, avait due battre en retraite face à deux humains ? Si elle n'avait pas été morte elle aurait sûrement transpirée et son coeur se serait emballé.

« - J'ai affrontée une combattante étrange. Aucun de mes coups ne semblaient pouvoir en venir à bout. Pourtant ils étaient mortels. Elle n'avait pas de peurs, ni de faiblesses, je pense que...
- ... Tu as échouée, coupa Vankhar d'un ton puissant. Mais visiblement nous avons à faire à des âmes de valeur. Attire-les ici, je m'occuperais d'eux. Si ce sont des serviteurs du Zakarum leur pureté me sera d'autant plus profitable. »

Alors que Crista allait répondre une voix arrogante et bien connue s'éleva dans son dos :

« - Ne voulez-vous pas que je m'en charge, seigneur ? »

Jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule la tueuse reconnu sa concurrente : Illéisis. Serrant les dents elle eut une furieuse envie de planter ses dagues dans le crâne de la démone.

« - Vous allez vous en occuper toute les deux, au plus vite. »

Faire équipe ? Crista allait protester lorsque son maître leva une main, signe que la conversation était terminée.

Elle salua Vankhar et tourna les talons, rageuse. Au passage elle jeta un regard meurtrier à la succube qui souriait de façon malsaine. Elle lui ferait ravaler ses paroles et ses flèches en tant voulu. Sans traîner elle rejoignit les quartiers qui lui étaient dédiés. Il s'agissait de grands et luxueux appartements se trouvant à l'autre bout de la forteresse. Un luxe d'ailleurs inutile car Crista se moquait pas mal de se genre de détails mais son maître adorait impressionner. Une lourde porte de bois noir fermait l'accès à la pièce, sans serrure ni poignée. Pour l'ouvrir il suffisait de murmurer un mot de pouvoir.

Le sol était couvert d'un épais tapis rouge, des armoires sculptées encadraient un lit large aux couvertures riches et soyeuses. Comme si Crista dormait... En un sens la tueuse savait que Vankhar avait fait exprès pour lui rappeler ce genre de détails. Un râtelier d'arme était dressé contre tout un pan de mur, enfin un meuble utile. Une petite table soutenait un lourd chandelier allumé par des bougies éternelles et magiques. Une fenêtre donnait sur une vue extérieure magnifique : le ciel couchant et ses dégradés majestueux.

Les sangles de l'armure noire de Crista furent retirées par ses mains expertes. Le cuir était enchanté, taillé dans la peau d'un animal aujourd'hui disparu, étonnement résistant. De légères bandes d'acier avaient été ajoutées sous la cuirasse pour renforcer le tout. En réalité il s'agissait d'un véritable chef d'oeuvre. Elle disposa les pièces sur un chevalet, posant sa ceinture et ses dagues sur le lit et ses bottes à son pied. Elle ne portait plus qu'une tunique crasseuse qu'elle arracha littéralement pour la jeter au loin. D'un air dubitatif elle observa les blessures récoltées il y'a peu. Sa chair avait était meurtrie à différents endroits par la masse de la guerrière. Heureusement elle avait pu manger entre temps pour se reconstituer. Comme toute les goules le cannibalisme lui permettait d'éviter la décomposition si il était régulier. Mécaniquement elle commença à nettoyer son équipement avec une brosse qu'elle trouva dans l'armoire.

On frappa à la porte.

Agacée Crista ne répondit pas.

On frappa de nouveau. Elle ferma les yeux les mains crispées. Ce qu'elle détestait être dérangée lorsqu'elle entretenait son armure. Elle chuchota le mot de pouvoir et la porte s'ouvrit. C'était Kretor. La tueuse s'en était doutait car il était bien le seul à être suffisamment distingué pour frapper à une porte. La liche avait tendance à avoir un comportement quasi-aristocratique par instant.

« - Que veux-tu, Kretor ? »

Entièrement nue, Crista n'était vraiment pas trop mal conservée. Si elle n'avait pas été aussi sale et hirsute elle aurait pu être désirable. Elle ressemblait à une sorte de vagabonde mort-vivante. Mais l'antique liche se moquait pas mal du physique. Ses os grincèrent. Tendant un bras il referma la porte d'un courant d'air magique.

« - Je suis venu te parler de Vankhar... »

Ne s'arrêtant pas d'astiquer son cuir Crista le laissa continuer.

« - Je peux sentir sa puissance, elle est véritablement immense. D'ici peu il aura égalé celle de Diablo. Le sortilège qu'il a déclanché est incroyable. Tu sais comme moi qu'il méprise les morts. Nul doute qu'une fois ses objectifs accomplis il se débarrassera de toi et de moi. »

Fronçant les sourcils la tueuse se tourna vers Kretor répondant d'une façon directe qui la caractérisait bien :

« - Je sais cela ! Que veux-tu faire ? Le tuer avant qu'il ne soit trop tard ? Une certaine ironie flottait dans le ton de l'assassin.
- Même maintenant nous n'en serions pas capable, surtout avec Sethra et Illéisis à ses côtés. »
En entendant le nom d'Illéisis Crista eue envie de cracher par terre.
« - Ces deux chiennes le serviraient jusqu'au bout ! Ce crétin de Daggot aussi.
- Nous n'avons que deux solutions : Fuir en sachant qu'il finira par nous rattraper au vu de sa puissance. Ou alors aider à sa chute. Les serviteurs du Zakarum sont là, une coalition est toujours possible. »

Cette fois ci Crista s'arrêta, son regard agressif se posa sur la liche. Une alliance avec cette faction dégoûtante ? Qu'elle méprisait plus que tout ? D'un ton sifflant elle répliqua :

« - Ils auront surtout envie de nous tuer eux aussi ! Et même si ce n'était pas le cas je ne travaillerais jamais avec ces illuminés... Je m'étonne de te voir échafauder des plans aussi saugrenus, tu as l'habitude de ne rien partager...
- Il y'a bien longtemps que je réfléchis à me débarrasser de Vankhar, les derniers évènements ont accélérés la procédure. Et je ne parle pas d'une alliance ouverte avec le Zakarum, mais plutôt d'une trahison de notre maître au moment précis. »

Le ton caverneux et froid de la liche n'avait jamais été aussi insidieux. Crista n'aurait pas imaginée que Kretor nourrisse une telle haine à l'égard de Vankhar, jusqu'au point de risquer de la partager avec quelqu'un d'autre. Finalement la tueuse se rendit compte qu'elle ne savait absolument rien des motivations de l'antique sorcier, ni de comment il s'était retrouvé au service de cette compagnie alors que les liches travaillent généralement pour leur propre compte.

« - Je pourrais te dénoncer, peut-être que cela m'assurerait une place de survivante.
- Tu sais très bien que tu te condamnerais aussi, Vankhar est suffisamment paranoïaque et trop fier pour faire confiance à un cadavre. Il nous tuera tout les deux. »
Sur ce point là Kretor avait raison...
« - Réfléchis bien à ce que tu vas faire », souffla le timbre d'outre tombe de la liche.

Avant que Crista ne réponde le mort-vivant avait déjà disparu, se téléportant quelque part dans la forteresse. Instinctivement l'assassin se remit à son travail, l'esprit un peu plus préoccupé qu'auparavant. Visiblement la liche était prête à tout pour renverser le maître des lieux... La conversation avait sûrement due être masquée par magie mais le fait que Crista soit dans la confidence n'améliora pas ses tendances paranoïaques. Surtout qu'à dire vrai elle avait bien envie de tuer Vankhar ainsi que ses serviteurs.

Une fois son armure propre elle commença à nettoyer ses dagues. Elles avaient tuées tant de gens, goûtée tant de chaires différentes. Le souvenir de leur acquisition revint à Crista, cela datait de l'époque de son humanité. Elle les avait eues lorsque qu'elle eue atteint le rang de lieutenante des Vierges Noires, un ordre d'assassin sévissant sur Sanctuary. Il agissait de femmes, toutes vierges, prêtes à verser le sang pour défendre le monde de dirigeants odieux. Aujourd'hui ce mouvement a disparu.

Elle avait été une des dernières membres... Tuée lors de la dernière guerre de Sanctuary. Son corps avait été mordus plusieurs fois par des goules. Un nécromancien avait ensuite achevé sa transformation, il ne voulait pas d'un simple cadavre ambulant mais plutôt d'un parfait assassin à sa disposition. Il lui donna conscience et les pouvoirs d'une goule majeure, un être bien plus supérieur, agile, et vicieux que les autres morts-vivants. Ce qu'il n'avait pas prévu c'était qu'il mourrait quelques temps après dans sa propre tentative de transformation en liche. Le sort avait mal tourné... Du coup Crista fut d'abord errante, une faim et une colère sans nom en guise de sentiments. Il lui fallait tuer, tout le temps. C'était un désir dévorant. Elle était entrée au service de Vankhar bien plus tard, par un pur hasard... Hasard auquel elle ne préféra pas penser ou développer dans son esprit.

A la place elle réalisa plutôt qu'à part le combat et la guerre elle n'avait absolument jamais rien connu d'autre. Aucun autre sentiments ou expérience. Et que maintenant elle ne pourrait plus jamais rien ressentir d'autre. En un sens, au moins, elle ne pouvait pas avoir de regret puisqu'elle n'y avait jamais goûtée.

Une fois ses armes propres elle s'entraîna. Crista s'entraînait jours et nuits, des enchaînements de prises rapides et complexes. Il fallait une très bonne dextérité et préparation pour pouvoir battre des ennemis ayant, la plupart du temps, une allonge bien supérieure à une dague. Cela lui permettait aussi de ne pas penser à l'équipe qu'elle allait devoir former avec Illéisis la garce. Si un accrochage arrivait, la succube se débrouillerait toute seule et avec un peu de chance elle y laisserait sa maudite peau. Pour le moment il n'y avait qu'à attendre que l'ennemi s'approche un peu pour retrouver sa trace... Ou ses futurs alliés malgré eux...
Jotun était un humain. Enfin... Une véritable montagne pour dire vrai, si bien que l'on plutôt cru à un géant. L'homme devait bien mesurer prêt de deux mètres vingt, une taille exceptionnelle. Ses bras ressemblaient aux racines noueuses d'un chêne centenaire, si massifs qu'ils auraient pu soulever ou briser n'importe quoi. Si il avait une sacrée bedaine il y'avait tout de même bien plus de muscles que de graisses. Son visage large et rond était à demi masqué par une très longue barbe noire divisée en tresses par des bagues d'acier. Des sourcils broussailleux soulignaient ses arcades proéminentes qui couvraient un regard bien vivant et impressionnant de force. Le tout encadré par de longues mèches noires crasseuses et pleines de feuilles ou de terre. Justement Jotun était une force de la nature... Sur lui il n'avait que de vieux vêtements de toile usée jusqu'à la couture, même pas de sandales. Il n'avait pas d'armes, ni d'impressionnants artefacts. Pourtant il était plus puissant que la plupart des guerriers, sorciers ou autres combattants.

Jotun était druide.

Pour être exact il était un maître de la tempête, capable de déchaîner la furie des éléments en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Les légendes racontent qu'il est tellement en phase avec la nature qu'il ne peut mourir, qu'il revient à la vie grâce au pouvoir des forêts et que sa peau est bien plus dure que l'écorce. Oui, il faisait parti des légendes vivantes.

Et à présent, de toute sa stature, il dominait les nouveaux arrivants de sa forêt. Il s'agissait d'une femme en armure, certes plus petite mais tout aussi impressionnante de charisme. Tout comme l'homme encapuchonné qui l'accompagnait. Lui ne portait pas d'arme, juste une simple chasuble de moine, mais l'aura de mystère qui l'entourait le rendait presque inquiétant.

Le colosse était assit au pied d'un chêne, mais même là il arrivait à la hauteur de ses interlocuteurs. Sa voix tonnante et rocailleuse s'éleva :

« - Héléna la fameuse et incroyable guerrière de Vif-Argent. Mais que vient-elle donc faire dans ma forêt... Une mercenaire qui traîne ses plates par ici ce n'est sûrement pas d'une bonne augure n'est-ce pas ? »

La femme en épaisse armure ne répondit pas, ses yeux invisibles s'étrécissant sous son casque. On sentait tout de même une certaine colère à l'entente du mot « mercenaire ». Si l'autre homme n'avait pas prit la parole la tension aurait été suffisante pour être malsaine.

« - Puissant Jotun, seigneur des Tempêtes, je suis Ademènes plus connu sous le nom de ...
- Porteur de Douleur, et cesses de m'annoncer ce titre, je l'aime pas, il est trop impersonnel ! Appelle moi mon vieux ou Jotun tout court ! Mais par ma barbe ta présence ici est encore plus intrigante car tu n'as strictement rien à faire dans ma forêt. »

Un sourire étira le visage du mystique encagoulé, ses mains se croisèrent.

« - Je n'ai en effet pas l'habitude de ces lieux, mais je n'ai pas le choix. Quelque chose d'important mérite d'être partagé... »

Et Ademènes expliqua alors les tenants et les aboutissants de la situation, Jotun l'écoutant avec attention pendant que la guerrière les accompagnant restait de marbre dans son coin. Elle était déjà au courant.

A plusieurs lieues de là Crista avançait dans de hautes herbes. Les plantes caressaient sa peau morte et blanchie. Derrière elle marchait Illéisis, ses fesses nues à peine couvertes par le haut de son tabard. La démone estimait que son agilité était suffisante comme défense. La mort-vivante avait retrouvée les traces de ses cibles, une traqueuse comme elle n'avait pas eue de difficulté. Néanmoins elle avait du retard, bien qu'elle le rattrapait très vite. Elle ne pouvait pas non plus s'empêcher de penser aux paroles de Kretor... Allait-elle faire ce qu'il avait dit ? Voir même forcer la chose en poussant Illéisis dans un piège ? Ce n'était pas l'envie qui lui manquait...

Ruminant de noires pensées Crista avançait en jetant des coups d'oeils par-dessus son épaule, au cas ou sa concurrente aurait les mêmes idées qu'elle. La démone était arrogante mais il aurait été inconscient de trop la sous-estimer.

Après de nombreuses minutes à traverser une plaine verdoyante Crista arriva en vue d'une forêt particulièrement profonde. Un silence surprenant s'en dégageait, il n'y avait même pas un oiseau. La piste qu'elle suivait se perdait à l'orée des bois. A vrai dire il y'avait un sol piétiné qui indiquait que plusieurs personnes étaient restées là pendant un moment. Les muscles de la tueuse se tendirent, ça n'était pas normal. Illéisis s'était approchée elle avait vu que quelque chose n'allait pas.

« - Qui y'a-t-il ? »

La mort-vivante ne répondit pas immédiatement, ses yeux se plissèrent puis elle se tourna vers la succube.

« - On a vidé l'endroit il y'a peu, on nous attendait. Puisqu'il n'y a pas d'autres traces il y'a du avoir une téléportation.
- Bien joué nous sommes arrivés trop tard ! »
La voix sifflante de la démone irrita sérieusement Crista.
« - Silence ! Ou je te tranche la langue ! »

Illéisis ricana et darda un regard méprisant vers l'assassin, comme si elle venait prononcer une mauvaise plaisanterie. A vrai dire la blague risquait de devenir réalité à n'importe quel moment... La tension était si forte qu'elle menaçait d'éclater à tout moment. Seul le côté « professionnel » des deux guerrières les empêcher de se jeter l'une sur l'autre pour s'écharper.

« - Comment on les retrouve maintenant ? »
Crista grimaça et se retourna vers sa coéquipière, rétorquant d'un ton haineux :
« - Quelle importance puisque Vankhar veut qu'ils arrivent jusqu'à lui ! »

Un sourire moqueur se dessina sur le visage de l'archère, elle croisa les bras et braqua son regard vers la mort-vivante.

« - Bien bien... Et alors que faisons nous ? Nous revenons les mains vides ? Je doute que notre maître apprécie... Ce qu'il voulait ce que nous suivions l'avancée de la troupe ennemie.
- Je sais très bien ce qu'il faut faire. Mais je ne peux tracer la magie ce n'est pas la peine d'y revenir ! De toute manière ils ne doivent plus êtres loin de la place forte, il ne va être très difficile de les retrouver du coup...
- Deux échecs de suite, j'espère que Vankhar saura te le faire comprendre. »

Les mains serrées à s'en faire blanchir les phalanges, Crista jeta un regard glacé à Illéisis. L'arrogance de la démone commençait vraiment à la rendre folle. Elle ferma les yeux un court instant pour se calmer, inspirant profondément.

« - Silence.
- On trouvera une remplaçante à l'éclaireuse...
- Silence...
- Cela ne sera sûrement pas une mort-vivante...
- IL SUFFIT ! »

Faisant volte-face Crista avait dégainée ses deux dagues crantées, prête à se jeter sur sa némésis. L'autre avait prit son arc et encochée une flèche à la vitesse de l'éclair, visant son adversaire. Elles restèrent ainsi un moment, en chien de faïence. Si la tueuse avait une furieuse envie de combattre elle risquait de s'attirer les foudres de Vankhar un peu trop tôt... Ou alors... Elle tuait la démone et continuer à traquer les humains, observant la situation de loin, abandonnant son maître.

Elle se rappela les paroles de Kretor une nouvelle fois : trahir Vankhar au bon moment. Et ce n'était véritablement pas le bon moment... Mais Crista n'en pouvait plus, elle avait trop servit de manière ingrate. De plus, Illéisis faisait exprès de la provoquer pour la pousser à la faute. Serrant ses armes la mort vivante siffla d'une voix haineuse :

« - Espèce de petite pute je vais te saigner comme il faut ! »

Les deux femmes n'étaient pas très sages, rivales depuis plus de deux cent ans. Leur colère allait enfin pouvoir éclater. La tension éclata d'un seul coup et la succube tira, son trait filant à une vitesse folle. Crista courant droit sur son adversaire roula soudainement au sol pour esquiver le projectile mais Illéisis avait anticipée la manoeuvre : La flèche frôla l'épaule de l'assassin, ricochant sur un os de manière assez douloureuse.

Se relevant d'un bond Crista lança une de ses dagues d'un geste parfait. La démone n'avait pas prévue cette contre-attaque et frémit de surprise alors qu'elle était en train de recharger. Sans autre solution elle se jeta sur le dos, encochant d'un même mouvement. La lame siffla au dessus d'elle alors que la tueuse lui sautait dessus. Faisant appel à tout son talent Illéisis relâcha sa corde en visant à l'arrachée. Elle toucha Crista à son poignet droit, dressée au dessus de sa tête, tenant fermement sa seconde dague. Serrant les dents la tueuse dû lâcher son arme mais tomba tout de même sur l'archère. De rage elle abattit son poing indemne sur le visage de la démone. En tant que goule ses griffes étaient particulièrement développées et elle traça une triple traînée sanglante en travers de la tête de son ennemie.

Gémissante, Illéisis riposta d'un coup de genou dans le ventre de Crista, la renversant sur le côté. Elle jeta son arc et se releva, se mettant en garde face à la mort vivante debout elle aussi. L'infernal succube feinta un coup de poing et balança un coup de pied fouetté dans le genou de l'assassin. Celle-ci grimaça de douleur mais ne fléchit pas. Au contraire elle hurla de rage et riposta avec un enchaînement de griffe rapide qui fit mouche. La démone fut touchée au ventre et à la poitrine, des gerbes de sang tachant l'herbe verte. Reprenant de la distance Illéisis dégaina un long couteau de chasse et envoya un revers précis et vicieux. Crista essaya d'esquiver mais elle avait mal évaluée la longueur de la lame qui lui entama le ventre sur plusieurs centimètres. Un liquide noirâtre se mit à couler de la plaie. Elle grogna de rage, comme un félin blessée. Se ramassant sur elle-même la mort vivante bondit sur l'archère, bloquant la lame de celle-ci en lui attrapant le poignet au dernier moment. Elle la renversa sur le dos et lui attrapa son autre main, posant ses genoux de part et d'autre de la démone allongée. La goule avait plus de force physique que la succube, ses muscles fins mais endurcis par la non-vie bloquèrent fermement les bras d'Illéisis.

« - Alors tu prends ton pied la catin ? »

Crista darda un regard provocateur, immobilisant sa victime, elle avait la situation en main et profitait pleinement de ce moment. Alors qu'Illéisis se débattait, contractant ses muscles au maximum, l'assassin se baissa ouvrant une large bouche de crocs acérés. La diablesse essaya de bouger la tête sur le côté mais elle avait trop peu de marge de manoeuvre et Crista mordit profondément la chair tendre et infernale. Elle sentit la peau se déchirer progressivement et le sang chaud se déverser sur sa langue. Illéisis se retint de crier par fierté, mais son corps se couvrit de sueur à cause de la douleur. La tueuse arracha la viande qu'elle avait dans la bouche, léchant la large plaie d'une manière presque érotique. Le sang dégoulinant sur le menton elle se ravissait d'avance du festin de sa pire ennemie. L'extase fut si puissant qu'elle relâcha un peu sa prise, la pensant déjà assez affaiblie.

Mais l'énergie du désespoir suffit à Illéisis pour renverser Crista, lui plantant par la même occasion son couteau dans le bas du ventre. La lame s'enfonça profondément et sans peines jusqu'à la moitié. La succube se releva avec difficulté, une main plaquée sur sa gorge pour tenter d'endiguer l'hémorragie. Elle récupéra son arc et s'échappa vers la forêt, le souffle court. Sa vue se troublait déjà, si elle ne trouvait pas rapidement un endroit pour se soigner elle risquait d'être trop affaiblie et de se faire rattraper par Crista.

La mort vivante se tenait à genou, une main posée sur la garde de l'arme dépassant de son abdomen. Alors qu'elle voyait sa Némésis s'enfuir elle retira le couteau en serrant les dents. Elle le laissa tomber par terre et récupéra ses dagues, laissant son sang noir goûter sur le sol. Par malchance elle n'était plus en état de suivre Illéisis pour le moment, mais elle devait se mettre à l'abri le temps de se régénérer, sinon l'archère risquait d'essayer de l'abattre depuis la lisière de la forêt. Elle s'éloigna donc dans la direction opposée, boitillante.

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« - Les habitants disent que leurs enfants ne sont pas revenus, ils jouaient dans les champs et ont disparus. Il n'y a pas de trace de corps, ce ne sont pas des animaux sauvages, ils ont été emmenés, simplement. »

Ademènes avait les bras croisés, parlant de son ton calme et posé habituel. Assit en face de lui sur la place du petit village, Jotun gardait un air pensif.

« - Et ils ont cherchés à savoir, non ? »

L'encapuchonné eu un sourire, il répondit avec une voix malicieuse :

« - Vous le savez bien mieux que moi. La nature a dû vous le dire : Ceux qui sont partis ne sont jamais revenus. Tous s'accordent pour dire que quelque chose d'étrange de déroule dans les environs de ...
- Tristram. Je n'ai plus de contact là bas, je ne ressens plus rien. La nature semble repoussée de cet endroit. A coup sûr quelque chose de malsain en rapport avec l'assassin que vous avez croisés hier...
- Vous voyez... »

Restée impassible jusque là, la guerrière en plate s'anima soudainement, se déplaçant d'un pas mécanique vers les deux interlocuteurs.

« - Trêve de paroles, il faut aller voir ce qu'il y'a là bas. Inutile d'enquêter plus longtemps.
- Je me serais empressé d'approuver si le mal responsable n'était pas aussi flagrant, rétorqua Jotun avec un large sourire.
- Il fait juste preuve d'arrogance. »
Face au ton glacial de la guerrière le druide se sentit étrangement visé. Il laissa échapper un rire puissant et grave, répliquant ensuite en passant une main dans sa barbe :
« - Je vois ce que tu veux dire... Nous verrons si l'arrogance est justifiée, cette absence de discrétion ne présage pas grand-chose de bon, ni de sage.
- Pas de tutoiement. »

Les sourcils broussailleux de l'homme colossal se froncèrent, marquant une expression plus navrée qu'autre chose. Avant qu'il ne puisse réponde Ademènes avait déjà enchaîné :

« - Bien, nous irons voir de toute manière. Je sonderais bien l'endroit mais il semble s'opposer à toute divination. Il ne reste plus qu'à y emmener nos propres yeux. »

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Crista se traînait dans la forêt, les mains couverte de sang, le souffle court. Elle avait encore du mal à croire s'être faite avoir par la stupide Illéisis. Quoique la succube avait manquée de peu son allé simple pour l'au-delà. Il lui fallait de la chair. Durant ses nombreuses explorations du secteur elle avait repérée un village non loin, il devait sûrement y avoir des victimes potentielles. Et avec le nombre de disparition actuelle cela ne se remarquerait même pas.

Il lui fallait parcourir encore un ou deux kilomètres avant d'y parvenir, elle espérait qu'Illéisis soit en train d'agoniser au fond d'un ravin, se vidant lentement de son sang. Mais elle se doutait que ce genre de mauvaise herbe survivait facilement aux blessures.

« - Maintenant je n'ai plus qu'à partir au plus loin de cet endroit et... »

Un crépitement d'énergie la fit sursauter, instinctivement elle se retourna, l'arme à la main. Une forme fantomatique venait de se former derrière elle. Il s'agissait de Kretor et son vieux bâton noir. La liche semblait flotter dans les airs, en réalité il ne s'agissait que d'une image d'elle. Crista n'appréciait vraiment pas la magie, trop de surprises imprévisibles.

« - Inutile de fuir, en ce moment même Vankhar te surveille, il est déjà au courant de ta trahison. Sethra pourrait l'emmener ici séant, par chance il t'estime trop peu pour se déplacer, il a chargé Illéisis de t'éliminer.
- Cette chienne ne me retrouvera jamais, siffla l'assassin en rangeant ses armes.
- Détrompe toi, ton ancien maître t'a jeté un sort qui laisse une odeur particulière que seul les démons peuvent ressentir. Tu es traquée. »

Sur le moment Crista jeta un coup d'oeil tout autour d'elle, prise d'une soudaine paranoïa, se méfiant de chaque craquement de branche. Mais elle se reconcentra sur Kretor, la démone ne pouvait pas revenir tout de suite du fait de son état.

« - Ta chance serait de rejoindre les humains, Vankhar n'arrive pas à les retrouver, ils résistent à la divination. Un sorcier puissant doit les accompagner. »

L'image de l'homme habillé comme un moine vint à l'esprit de la tueuse. Cet homme étrange était resté bien trop calme lorsqu'elle l'avait rencontrée pour être dénué de pouvoir.

« - Les rejoindre ? Maintenant ? Ils négocieront pas, et je n'en pas la moindre envie !
- Tu sais comment entrer dans la forteresse, c'est quelque chose que tu pourrais marchander. Je vous attendrais à l'intérieur. »

Le visage de Crista se déforma de colère, elle n'arrivait pas se remettre de la situation :

« - C'est de la folie ! Vankhar ne fera qu'une bouchée d'eux... Le plan est trop grossier pour fonctionner, même si je me doute que tu protèges cette conversation. Et quand bien même, par miracle, les mortels arriveraient au moins à faire battre en retraite les démons, ils essayeront de nous tuer. Et si Vankhar est encore en vie nul doute qu'il essayera de nous punir en premier pour notre trahison ! »

Croisant lentement les bras, Kretor grinça des dents. Sa voix d'outre-tombe résonna dans toute la forêt :

« - Connaîtrais-tu la peur ?
- L'instinct de survie, ne mets pas en doute mes capacités. »

Le ton de Crista était devenu acide. Elle enchaîna sans laisser le temps à la réplique :

« - Bon je vais essayer de retrouver les humains et j'aviserais leurs chances, je verrais ensuite. De toute manière il est clair que Vankhar voudra me tuer, il est trop fier pour me laisser sans châtiment... Je pense suivre ton plan, il sera plus facile de fuir les mortels.
- Décision des plus sages. Nous nous reverrons à la forteresse. »

L'image de la liche se dissipa rapidement en une volute de fumée. Crista pesta de colère, elle n'aimait pas être embarquée malgré elle. Mais la vengeance valait le coût : Sa servitude n'avait que trop durée. Des siècles à être l'esclave d'un démon. L'idée de pouvoir faire payer cela suffisait à rendre la mort-vivant ivre de folie.

Mais pour l'instant elle devait manger...
Les pieds posés sur la terre battue, Jotun restait perplexe face au phénomène qui se dressait en face de lui. Une immense forteresse volante crevait les cieux de sa noire cime. De Tristram il ne restait rien. Même l'antique cathédrale avait disparue. Il restait un trou donnant sur des galeries auxquelles on avait arraché toutes les pierres.

Ademènes restait les bras croisés, observant les lieux d'un oeil critique. Si il était d'habitude imperturbable on pouvait lire de nombreuses interrogations sur son visage. Seul la guerrière qui l'accompagnait semblait se moquer totalement de la situation, comme si tout cela était normal.

« - Alors c'est à ça que nous avons à faire ... Il n'y a plus de doutes : Un démon est à l'origine de tout ceci. Et il ne peut être seul. Reste à savoir si il est conscient de notre présence. »

Lâchant un rire grave Jotun s'exclama :

« - Non, j'ai bien ressenti plusieurs tentatives de divination, mais la nature nous a protégée ! Il n'a pas réessayé depuis. Mais nous sommes sûrement traqués par quelques serviteurs infernaux... Rien ne remplace les anciennes méthodes. »

Hochant lentement la tête Ademènes approuva. Il jeta de nouveau un coup d'oeil à la forteresse.

« - Je n'essayerais pas de me téléporter directement la dedans, les protections magiques doivent être suffisantes pour détruire les intrus. Il doit y'avoir un moyen plus simple connu des démons.
- On pourrait utiliser la magie pour s'élever jusqu'à la bonne hauteur, ajouta sereinement le colossal druide.
- C'est une possibilité, mais j'ai peur qu'elle soit bien moins discrète. Des alarmes doivent êtres placées un peu partout.
- Je sens que nous allons bientôt avoir notre solution... »

La phrase avait été prononcée par Héléna, nonchalamment, comme si il s'était agit d'une évidence. Elle ajouta mécaniquement :

« - L'abeille est revenue. »

Un sourire s'étira sur le visage du Porteur de Douleur. L'étrange moine se tourna vers la végétation derrière eux, qui s'arrêtait ensuite sur les kilomètres entourant la forteresse.

« - Montres-toi. Il n'y aura pas d'agression directe si tu n'attaques pas. Il est impossible de se cacher aux yeux de la guerrière de Vif-Argent, inutile de perdre ton temps ! »

D'abord il n'eut aucun mouvement, rien de perceptible. Puis ce furent les arbres eux même qui s'écartèrent lentement. Leurs écorces craquèrent et les racines les tirèrent vers un autre endroit. Il en fut de même pour le reste de la végétation. Des buissons changèrent de forme et les herbes semblèrent avancer tranquillement aux pieds des arbres. Si bien qu'à la fin, alors que d'ultimes feuilles tombaient des branches encore secouées, une sorte de sentier s'était formé. Au milieu de celui-ci se tenait Crista, l'air véritablement contrariée, arme à la main.

« - Je hais les druides... »

Jotun eu un large sourire, les bras croisés. Ademènes toussota, il regarda un instant autour de lui puis s'avança lentement vers la mort-vivante, l'air parfaitement calme et sûr de lui.

« - Bien, deux raisons sont possibles pour expliquer ta présence ici. »

Il s'arrêta à environ un mètre, distance dangereuse connaissant les réflexes foudroyants de la tueuse. Mais celle-ci ne bougea pas, se contentant de lancer un regard glacial et légèrement méprisant à l'homme en face d'elle.

« - La première est que tu nous espionne. Dans ce cas là... Nous allons devoir t'arrêter, d'une manière... »
La voix du moine se fit plus sourde, plus lourde de sous-entendus.
« - ... Ou d'une autre. »

Crista vit la guerrière en armure complète bouger imperceptiblement la tête, comme si on venait d'évoquer son nom.

« - La seconde est que tu es venue pour partager quelque chose. Il n'est pas rare pour les démons se fassent trahir par leurs subordonnés, n'est-ce pas ? »

Un silence s'installa. L'assassin pencha la tête sur le côté, comme pour essayer de mieux voir son interlocuteur. Mais la capuche de l'homme empêchait de discerner le haut de son visage. On ne pouvait apercevoir que son imperturbable sourire, presque malsain.

« - Je ne suis pas là pour me battre, bien que cela ne soit pas l'envie qui m'en manque. »

Pour prononcer cette phrase Crista avait dû faire un effort colossal, elle allait devoir négocier avec des envoyés du Zakarum. Cette seule pensée suffisait à lui fouetter le sang. Elle contracta sa mâchoire et souffla de colère, elle n'avait vraiment pas de choix. Ademènes semblait attendre autre chose puis finalement il répondit d'une voix lente et pesée :

« - Et donc, qu'as-tu à dire ? »

Toujours avec ses dagues en main Crista désigna la forteresse flottante d'une pointe de lame.

« - Je sais comment entrer à l'intérieur. J'ai aussi un allié.
- Intéressant... Tu espères donc bien que nous nous débarrassions de ton maître ? »

La tueuse sembla réfléchir un instant puis jeta un regard brillant de haine au moine.

« - Oui j'aimerais beaucoup le voir mourir. Même si je doute que vous soyez à la hauteur.
- Pourquoi se retourner contre lui alors ?
- Car il ne me laisse pas le choix, et ça ne concerne personne ici. Que voulez vous de plus ? Je vous amène la solution à votre problème, vous voulez tuer Vankhar et je ne le défendrais pas. Maintenant je n'ai pas non plus envie de supporter votre présence trop longtemps, alors faisons vite. »

Le Porteur de Douleur hocha la tête, comme si la réponse l'avait satisfait. Mais il répliqua en levant une paume vers le ciel :

« - Vos motivations sont en effet personnelles. Mais vous pourriez très bien essayer de nous emmener dans un piège, directement entourés d'ennemis bien préparés et armés... »
Il s'approcha tout en continuant à parler :
« - Etre une fieffée menteuse à la langue plus fourchue qu'un serpent de Kurast, n'ayant qu'une seule envie : planter ses dagues dans notre dos. Votre allié pourrait simplement être votre maître, une ironie intelligente et cruelle. »

L'humain se tenait à présent à un pas de Crista. Vu de près il y'avait quelque chose de réellement malsain en lui. Si il portait une simple chasuble de moine il n'avait rien de pieu ou de pur. Son assurance et son aisance à la persuasion le rendaient d'autant plus étrange. La tueuse doutait fortement qu'il soit totalement mortel. Jotun et Hélèna n'avaient pas bougés, se contentant d'observer la scène.

« - Vous avez raison sur un point, siffla Crista, j'ai envie de vous tuer tout les trois. »

Elle planta ses yeux dans le regard invisible d'Ademenès. Malgré le peu de distance qui les séparait elle n'arrivait toujours pas à voir son visage.

« - Mais je ne le ferais pas, j'ai trop d'intérêts à vous voir occuper Vankhar. Et je me met en danger aussi en provoquant cette... Alliance.
En prononçant ce mot Crista eue une moue de dégoût. Elle rajouta avec le même air contrarié :
« - Vous pourriez très bien essayer de me tuer une fois entrés dans la forteresse. Les larbins du Zakarum ne laisse pas de mort-vivants en vie. »

L'étrange moine éclata de rire, Jotun eu un grand sourire. Alors que l'assassin haussa un sourcil, intriguée par la situation, Ademenès lança d'un ton chargé de sarcasmes :

« - Le Zakarum ? Ressemblons-nous à des paladins ? Réellement ? Une belle coterie que nous sommes, mais nous ne travaillons sûrement pas pour la « Sainte-lumière ». Sais-tu seulement qui je suis ? »

Crista fut déstabilisée par ce changement soudain. Elle avait toujours cru pactiser avec l'ennemi. Alors qu'en réalité elle ne savait pas de qui il s'agissait. D'ailleurs aucun d'eux n'avaient confirmés vouloir tuer Vankhar. Il existait des humains cruels capables de se mettre au service des démons. La tueuse se mit encore plus sur la défensive, se retrouvant face à l'inconnu.

« - Je suis Ademenès. On me surnomme aussi le Porteur de Douleur. Je te laisses imaginer le genre d'actes qui construisent un tel titre. Ici il y'a Hélèna, guerrière de Vif-Argent. Les raisons de sa présence ne vous regardent pas, mais elle ne travail pas pour le Zakarum soyez en certaine. Et Jotun le druide ne défend que la nature, sûrement pas un quelconque ordre d'homme. Si il est là c'est seulement parce que l'équilibre a été perturbé. »

Il ajouta ensuite avec un nouveau sourire, plus sombre que le précédent :

« - Mais rassurez vous, nous somme bien là pour tuer le démon responsable de tout cela. Et je me moque bien de savoir qu'une mort-vivante s'échappe et sème la mort quelque part à Sanctuary. »

En un sens Crista se sentait soulagée. En un autre elle ne savait plus trop ou elle mettait les pieds. Mais étrangement elle croyait les paroles de l'humain. L'homme était réellement persuasif, son magnétisme était grand.

« - Admettons... Après tout je n'ai pas le choix de toute manière. Je vais vous dire comment entrer, et ce n'est pas un piège. »

Ademenès acquiesça, les mains croisées.

« - Je sais, je sens que vous ne mentez pas. C'était juste pour vous tester. »

Jetant un regard meurtrier au moine elle répondit froidement :

« - Ne me testez pas trop. »

Elle rangea ses dagues et passa une main dans ses cheveux secs et sales.

« - On peut entrer dans la forteresse en se plaça sous sa base et en prononçant un mot de pouvoir. Les mortels sont tués sur place.
- Personne ici ne l'est, il me semble. »

Jotun hocha la tête et la guerrière ne bougea pas. Mais au vu de la résistance incroyable d'Hélèna il était évident qu'elle n'avait plus toute son humanité. Crista haussa les épaules, ça allait être un peu plus simple finalement.

« - Bon si voulez entrer suivez moi, je vous guiderais ensuite. Je ne vous conseille pas de trop tarder, Vankhar vous recherche activement. Même si il ne pensera pas tout de suite à vous trouver ici son pouvoir est immense.
- Je sais cela. Allons-y immédiatement et voyons de quoi il est capable. Connais-tu ses serviteurs ? demanda Ademènes en entamant la marche vers la forteresse.
- Oui il a trois fidèles. La plus dangereuse est sûrement Sethra, c'est une sorcière qui a de puissants pouvoirs. Après il y'a un crétin du nom de Daggot, c'est une brute sans cervelle. Et ensuite... »
La mort-vivante serra les dents et enchaîna d'une voix haineuse :
« - Cette pute d'Illéisis. Une archère. Je ne sais pas si elle sera à la forteresse, elle me traque. »

Se contentant d'acquiescer le leader de la troupe continua son avancée. Quelques minutes plus tard et ils étaient tous arrivés. Crista sorti ses armes, elle se concentra un instant et une fois prête se tourna vers les autres :

« - Le mot est... So'Rek. »

Un halo bleu se forma autour de l'assassin, il ne fallu qu'une seconde pour qu'il l'englobe totalement et la fasse disparaître. Elle se retrouva dans une salle circulaire bien familière. Presque instantanément après le reste de la coterie débarqua, aucun ne semblait troublé par les lieux.

Un courant d'air glacé traversa la pièce, Crista reconnue immédiatement l'odeur de mort que transportait Kretor avec lui, une aura particulièrement marquée. A travers l'un des couloirs rejoignant la salle, une silhouette maigre et toute de noir vêtue s'amena, cliquetante. Ademenès paru sur la défensive, mais il ne décroisa pas les mains pour le moment.

« - Je suppose que c'est votre allié.
- Bonne supposition... »

C'était la voix d'outre-tombe de la liche. Elle était à présent visible à la lueur des torches. On aurait presque pu voir les flammes danser au fond de ses orbites creux et vides. Appuyé sur son bâton, l'antique sorcier s'arrêta devant les nouveaux venus placés en demi-cercle.

« - Sachez que Vankhar ne sait pas encore que vous êtes là, mais cela ne saurait tarder. Je vous conseille de vous dépêcher. Je peux vous emmener directement dans la salle ou il se trouve. L'endroit n'est protégé que contre les signatures magiques extérieures. »

Jotun posa ses mains sur son ventre, il jeta un coup d'oeil à Ademenès et lança d'un ton bonhomme :

« - L'effet de surprise serait intéressant. Ce démon doit vraiment être extrêmement confiant pour être aussi peu prudent. Bien que sa puissance ne soit que récente... »

Kretor grinça, il frappa le sol de son bâton ;

« - Oui elle est récente. C'est la puissance dégagée par le rituel qui vous a alerté ? Enfin peu importe nous ferions mieux de nous hâter avant qu'il nous trouve en premier. Nous aurons le temps de parler plus tard... Si discussion il y'a. »

Crista serra les poings. L'idée de combattre Vankhar n'était pas très engageante. Pour venir à bout du démon il fallait être extrêmement déterminé et chanceux, la supériorité numérique ne sera pas de trop. Surtout que l'infernal n'était pas seul.

Ouvrant les bras, la liche commença à incanter. A présent plus personne ne pouvait reculer. Les humains paraissaient tous imperturbables, ils n'imaginaient peut-être pas encore ce qu'ils allaient devoir affronter. Où alors leur expérience les rendait beaucoup trop confiants. Le sort se termina et engloba tout les protagonistes dans un halo aveuglant. Le transport magique donnait toujours une fausse impression de tomber dans le vide, ce qui pouvait être très déstabilisant pour ceux qui n'en avaient pas l'habitude. Mais ici personne ne broncha, et tous réapparurent dans une immense salle, face une sphère noire obsidienne. Une sphère de divination via laquelle Vankhar pouvait pratiquer ses sorts à distance. C'était un objet précieux qu'il avait lui-même conçu.

Sethra était là, le maître des lieux avec elle. Ils semblaient scruter la boule noire. Il y'avait quatre accès possibles à la pièce mais l'endroit était dépourvu de mobilier ou de fenêtres.

Vankhar sorti de sa transe, l'air contrarié et particulièrement irrité.

« - Tu ose me trahir, liche ? Tu ignores notre pacte ? !
- J'en subirais les conséquences une fois que je verrais ton cadavre pour en faire une marionnette. »

La phrase paru agacer le seigneur démon au plus haut point. Son regard méprisant se posa les autres. Il jaugea ses adversaires avec un air dégoûté.

« - C'est avec ça que tu comptes me vaincre ? De frêles mortels ? Pathétique...
- Les démons aiment toujours parler avant de se faire tuer ? siffla Crista qui commençait à s'impatienter.
- Silence goule incapable, je te ferais disparaître toi aussi... Es-tu si pressée de mourir ? Comme tes « amis » du Zakarum ? »

Vankhar insista bien sur le mot « ami », on pouvait sentir beaucoup de sarcasme et d'ironie dans sa voix. Ademenès eu un sourire et s'avança, au mépris de tout danger. Il se place en face du démon, sans ciller.

« - Créature intéressante que voilà. Nous ne venons pas au nom du Zakarum. Tu ne sauras jamais pourquoi tu es chassé. »

Haussant un sourcil, l'infernal resta un court instant intrigué. Puis dégainant sa terrible épée il lança d'une voix tonnante :

« - Si, je le saurais. Je l'extirperais à ton cadavre agonisant.
- Négociations... Intéressante. Je suis sûr que cela sera très enrichissant. Hélèna, il est temps pour toi d'avoir un adversaire à ta mesure. »

Le type parlait d'une voix nonchalante, comme si il s'était agit d'une banale partie de plaisir. La guerrière s'avança, l'arme à la main. Jotun haussa les épaules et Crista tendit ses muscles au maximum, prête à bondir. Pour le moment il n'y avait pas de traces de Daggot ou d'Illéisis.

Sans prévenir la combattante de Vif-Argent s'élança la première, brandissant sa masse d'arme. Ademenès décroisa les bras et l'affrontement commença.
Vankhar n'aurait jamais cru voir une humaine courir si vite. La guerrière était arrivée à une vitesse phénoménale. Sa masse s'était abattue avec une force incroyable. Si il n'avait pas été un démon il n'aurait jamais pu parer un coup pareil. D'une flexion de poignet il avait dévié l'attaque au dernier moment, le choc retentissant dans toute la pièce. Les âmes qu'il avait volé s'agitèrent, elles affluèrent en lui. La puissance conférée dépassait l'entendement.

En un battement de cil il riposta d'un revers de lame qui fracassa la guerrière. Elle bloqua avec son bouclier mais ses pieds glissèrent sur le sol sur un mètre environ. Mais le plus étonnant et qu'elle resta en garde, comme une statue.

Sethra commença à incanter, l'énergie magique s'étira au bout de ses doigts, le mana se transformant rapidement en flammes impressionnantes, formant une énorme sphère entre ses mains. Elle lança le projectile qui fila droit sur Crista, le feu crépitant arrivait à toute vitesse. L'assassin bondit sur le côté et Kretor leva une main, prononçant un puissant contresort. La boule s'effrita et disparue en volutes de fumées. Les deux sorciers s'observèrent. Ils allaient faire parler leur art.

Vankhar fit reculer Hélèna d'un nouveau coup d'épée, il vit Crista arriver sur sa droite et Jotun par la gauche. Le druide tendit son bras qui se transforma en une longue et large épine qui ressemblait à un énorme pieu. Le démon se déplaça si vite que personne ne pu le suivre. Il fusa vers l'assassin et lui asséna un coup d'épaule qu'elle ne vit même pas. Elle fut projetée au sol avec tant de force que les dalles de pierre se fendirent littéralement sous son poids. Crista recracha la poussière et un peu de sang, baignant dans les éclats de roches. L'infernal se retourna pour esquiver l'offensive d'Hélèna. La guerrière frappa plusieurs fois mais Vankhar allait beaucoup trop vite. Ses mouvements étaient hors du temps humain. Il larda la combattante d'attaques, chaque coup fracassa l'armure. La tornade de lame fit voler le heaume de la femme, lui coupa un bras et traça une large plaie sur sa gorge. Cela n'avait duré qu'une seconde. S'arrêtant pour contempler son oeuvre, Vankhar fut surprit en voyant que la guerrière le fixait toujours et que son bras s'était recollé.

Elle avait les cheveux presque blancs, son visage était d'une beauté époustouflante. Mais la seule chose qui choqua le démon fut le regard sans âme d'Hélèna. Ses yeux étaient blancs lumineux, comme si un soleil brillait dans chaque orbites. Son arrêt fut dangereux, Jotun lui asséna un terrible coup dans le dos. L'immense épine le perfora et ressorti par sa poitrine. Crachant du sang Vankhar reçu un revers de masse magistral en plein dans la mâchoire. Un horrible craquement d'os emplit la salle et il fut projeté au sol. Il hurla un cri inarticulé et se releva. Son visage déformé et hideux se régénéra à une vitesse folle, le puzzle sanglant reprit son apparence d'avant. Usant de sa rapidité et de sa force il réengagea l'affrontement, dominant ses adversaires. Le ballet de lame allait bien trop vite...

Ademenès observa la situation. Il vit ses alliés reculer sous les assauts furieux de l'infernal. Un sourire rivé aux lèvres il regarda ensuite Vankhar venir vers lui, enfin il ressenti plutôt une sorte de courant d'air. Mais alors que le démon allait arriver à sa portée, l'humain leva une main et l'air paru s'épaissir, devenant extrêmement compact. La course de Vankhar se retrouva ralentie d'une manière incroyable, c'est à peine si il arriva à bouger. Il jeta un regard meurtrier à son adversaire, il voulu le frapper mais il allait bien trop lentement à présent. Ademènes prononça un mot de pouvoir et le démon se retrouva violemment projeté en arrière, la force du sort claqua dans toute la salle et il fut stoppé par un mur. La pierre explosa et l'infernal passa de l'autre côté dans un fracas abominable. L'onde de choc arracha les pierres qui retombèrent sur Vankhar, écroulé dans un nuage de poussière.

Le silence retomba pendant un court instant, Crista se releva, faisant craquer ses os. Elle aperçu l'étrange Hélèna sans son casque. La guerrière lui jeta un regard troublant, il paraissait continuellement brûler de colère et de haine froide. De manière presque fanatique.

Sethra contrait les sorts de Kretor, mais lorsqu'elle vit son maître s'envoler elle s'arrêta. D'une incantation elle s'éleva au dessus du sol, une main levée vers le ciel. D'un seul coup toute source d'énergie sembla filer vers elle, le mana présent dans toute la salle s'accumula dans son corps. Le courant était si fort et si intense que les combattants plissèrent les yeux, comme prit dans une puissante bourrasque. L'air crépita, saturé, plein de puissance. L'incantation continua, Kretor ne comprit que trop tard les intentions de la succube. Il se dépêcha d'ériger un bouclier mais lorsqu'elle relâcha son pouvoir tout fut bouleversé. Une immense vague de mana brûlant s'échappa de son enveloppe, les flammes coururent à une vitesse impressionnante, emplissant toute la pièce. C'était une véritable avalanche de feu, la température explosa, les murs noircirent et on entendit les hurlements infernaux de l'âme de la démone. Son corps se dispersa, elle n'était plus que flammes.

Hélèna disparue, engloutie par le déluge. Encadré par un bouclier qu'il avait du mal à maintenir, Jotun se tenait encore debout, Crista s'accrochait à côté de lui, les oreilles vrillée par le flot. Elle n'arriver pas à croire que Sethra aie pu lancer une attaque pareille. Ademenès n'était plus visible, elle ne voyait plus que du feu, résistant sur son îlot. Même protégée elle sentie sa peau craquer à de nombreux endroits, à la limite de la calcination. Serrant les dents elle vit le colosse fumer lui aussi.

Au bout de plusieurs secondes les flammes disparurent, un calme relatif retomba. Sethra s'était sacrifiée en un assaut surpuissant, mais nul doute que son âme n'avait pas été perdue... Elle avait sûrement rejoint le corps de son maître. Clignant des yeux Crista regarda la destruction autour d'elle. Tout était couvert de cendre, il restait encore des flammèches accrochées à différents endroits. Elle remarqua Hélèna debout. En réalité il ne restait que son armure, parfaitement intacte. Mais à la place de son corps se trouvait un squelette noircit, elle avait été totalement incinérée par le sort. Comment était-ce possible qu'elle soit toujours droit après le souffle ?

L'assassin écarquilla les yeux lorsque la guerrière tourna la tête pour la regarder, des muscles se reformant à vue d'oeil sur son visage. Bientôt la chair se superposa. Le spectacle était hallucinant. En moins d'une minute la combattante était de nouveau là, comme si il ne s'était rien passé. Kretor avait disparu, il n'y avait plus de trace de lui et Ademenès était à peu près dans le même état que Jotun : un peu roussi.

« - Maudite succube, elle donne son pouvoir à... »

Mais le porteur de Douleur n'eut pas le temps de finir sa phrase que des gravats volèrent dans tout les sens. D'un bond Vankhar venait de se relever, semblant encore plus en forme qu'auparavant. Des flammes étaient accrochées au long de ses bras.

« - Quelle nouvelle source de pouvoir... MAGNIFIQUE ! »

Sans laisser le temps à la réaction il passa à l'offensive, jetant des boules de feu dans tous les coins de la pièce. Jotun en dévia une qui lui arrivait dessus et il riposta en invoquant la nature.

« - Cet endroit trouble l'équilibre, il ne doit pas exister... Que la Terre et les Vents me donnent le droit de le rendre à néant. Par les puissances Elémentaires... »

Son incantation continua alors que Vankhar comprenait ce que le druide voulait faire. Si il le laissait agir l'endroit entier se retrouvera cible du courroux de Gaïa jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. En réalité c'était la seule chose que le démon craignait. La nature était quelque chose de trop dangereux et d'imprévisible. Il s'élança, laissant des flammes dans son sillage. Hélèna s'interposa, l'accueillant d'un coup de bouclier suivit d'une masse rageuse. Vankhar para l'attaque et fit reculer son adversaire, il voulu utiliser sa vitesse inhumaine mais Ademenès l'en empêcha d'un sortilège qui ralentissait les gestes de l'infernal. Ce qui réussit juste à le descendre à une dextérité déjà supérieure aux autres. Crista en profita donc pour attaquer sur le flanc, se jetant dans une offensive furieuse et audacieuse. Vankhar la remarqua et esquiva les premiers coups mais une dague trompa sa garde et lui écorcha le visage, il se fallu de peu pour que cela touche un oeil. Grognant il fut forcé de reculer, Hélèna revenant à la charge.

Ademenès sourit et Jotun termina son appel. Le tonnerre gronda et toute la structure trembla. On pu entendre des craquements étranges, comme si le bâtiment se déchirait. Vankhar savait que c'était le cas, les pierres retournaient à la nature. Elles s'arrachèrent une à une pour tomber de la forteresse. De l'extérieur des pans entiers furent détruits, éboulés. Il échangea plusieurs passes alors que la pièce était secouée de terribles tremblements, elle crissa et craqua comme autant de cris d'agonie. Le vent s'engouffra par des interstices déjà formés, il siffla à en faire mal aux tympans.

Gardant son calme le seigneur démon para les attaques combinées de Crista et d'Hélèna. Son épée ne cessait de tournoyer pour repousser les assauts de plus en plus haineux. N'ayant pas le temps de se frayer une brèche il tendit sa main libre et projeta une nouvelle boule de feu. L'assassin roula sur sa droite pour éviter le projectile, les flammes explosèrent le sol en un puissant impact. Des grêlons de pierre frôlèrent le visage de la goule.

Jotun hurla en levant les bras au ciel et la pluie se mit à tomber, battante. Un flash lumineux se propagea dans la pièce, il fut suivit d'un éclair abominable qui surprit tout les combattants. La foudre frappa le sommet de l'édifice, un orage courroucé s'abattait à présent sur le bâtiment. De nouvelles briques tombèrent, un mur entier s'ébranla et fut littéralement happé par le déluge, on pouvait maintenant clairement apercevoir l'extérieur et le temps devenu apocalyptique. Le druide entama encore une incantation, il comptait bien encore aggraver la situation.

Vankhar sentait le vent tourner, si il n'agissait pas rapidement il pourrait perdre beaucoup trop à son goût. Son visage fut déformé par la rage et il envoya une salve de projectiles enflammés, main tendue vers ses assaillants. L'air crépita et Crista en esquiva deux pour se retrouver au contact, ses deux dagues plongeant vers le bras découvert du démon. L'acier se fraya un passage douloureux dans la chair, les crans de l'arme aggravant encore plus la blessure. L'infernal serra les dents et leva son épée pour parer un coup d'Hélèna, mais la guerrière ne recula pas et donna un violent revers de bouclier, porté sur la tranche, qui fit perdre l'équilibre à Vankhar. Crista fut emporté avec lui et retira ses dagues pour les planter autre part. Une gerbe de sang gicla et elle se remit à genou, croisant le regard haineux de son adversaire. Elle l'attrapa essaya de lui ouvrir la gorge mais le démon lui bloqua le poignet au dernier instant. Toujours allongé il répliqua d'un coup de pommeau, la tempe de Crista vibra et un voile passa devant ses yeux. S'accrochant elle glissa sa seconde arme dans le ventre du démon, l'enfonçant jusqu'à la garde. Un plaisir immense l'envahit lorsqu'elle le vit frémir de douleur.

Hélas il fallait plus pour vaincre Vankhar. Il cracha un mot de pouvoir et des langues d'énergie pures s'échappèrent du corps de l'infernal, elles filèrent et transpercèrent la goule en plusieurs endroits. Les pieux magiques firent fi de l'armure et infligèrent une souffrance horrible à Crista. Le choc la jeta en arrière, une marée de sang noir s'écoulant des plaies. Elle toussa et essaya de garder son sang froid, mais elle arrivait même plus à ressentir le contact de ses armes.

Au loin dans le ciel déchiré on pouvait apercevoir des tornades se former et converger vers la forteresse déjà en ruine. Jotun semblait satisfait de son travail. Le tonnerre frappa une fois de plus. Mais cette fois-ci le druide tendit une main vers le ciel et d'un geste surréaliste paru déplacer l'éclair vers une nouvelle cible ! La foudre fila directement sur Vankhar qui se relevait, le frappant de plein fouet. Il fut aveuglé et tomba plusieurs mettre en arrière, son corps sonné émettant des fumeroles. Néanmoins il se redressa, usant de régénération. Les âmes qu'il conservait le soignaient bien trop vite.

Ademenès le comprit d'ailleurs à cet instant. Même si le groupe réussissait à infliger des blessures au démon, celui-ci récupérait trop vite pour que cela soit efficace. Il ne restait qu'une solution. Le Porteur de Douleur aurait voulu la mettre en application une fois Vankhar mort mais il avait sous-estimé l'ennemi. Son but était de récupérer les âmes, chose compliquée lorsqu'un corps les retenait. Ses alliés allaient devoir le distraire suffisamment.

Alors qu'il se tournait vers le démon, la forteresse fut secouée d'un violent spasme et le toit s'arracha littéralement. Une tornade se déchaînait non loin, déchiquetant tout sur son passage. Le vent balaya la scène, accompagné de la pluie qui obligea les protagonistes à plisser les yeux. Jotun était le seul à ne pas être inquiet. Hurlant par-dessus la tempête, Ademenès cria à Hélèna :

« - Retient-le du mieux que tu pourras, il ne faut pas qu'il m'approche. »

La guerrière ne répondit rien mais avait entendue. Elle se doutait qu'il devait s'agir d'un nouveau sortilège. Elle se plaça devant le démon, sa silhouette découpée par le déluge, imperturbable. Son casque avait disparu, ses yeux scintillaient de leur étrange lueur. Vankhar se jeta à l'assaut, elle bloqua sans trembler et riposta aussitôt. L'infernal esquiva d'un bond en arrière et revint immédiatement à la charge, prenant son épée à deux mains pour asséner un coup plus puissant. D'une agilité étonnante la guerrière se déporta sur la gauche pour éviter et balança sa masse dans le ventre du démon. L'impact le fit tituber mais il se remit bien vite en garde, comme si de rien était. L'affrontement semblait pouvoir durer des heures.

Sous la pluie battante Ademenès incantait, immobile, comme si il priait. Ses mots étaient incompréhensibles et presque inaudibles. L'homme s'attaqua à l'enveloppe de Vankhar, d'abord il ne se passa rien puis le démon ressenti un tiraillement, il savait exactement à quoi cela était dû. On voulait lui prendre son pouvoir. Qui était assez fou pour tenter ça ? Le moine à n'en pas douter. Concentrant son énergie il envoya une onde de choc vers Hélèna. La guerrière qui se jetait sur lui fut repoussée et glissa si vite vers le vide qu'elle manqua de tomber de la forteresse. Son trajet écrasa les dalles encore intactes, Jotun la récupéra d'une main, empêchant sa chute.

Vankhar couru vers Ademenès, qui, légèrement inquiété, accéléra encore son incantation. Le démon tenta de repousser l'incursion mentale, il s'étonna de la volonté de l'humain, elle était extrêmement puissante. Il eut beaucoup plus de mal qu'il ne l'aurait pensé. Si bien qu'il s'arrêta pour mieux stopper le sort. Mais cela ne fit que retarder l'étrange moine qui accentua la pression, l'infernal grimaça, il fallait que cela cesse. Un terrible duel mental s'engagea entre les deux adversaires. Alors qu'il bloquait un nouvel assaut psychique, Vankhar incanta dans un même temps, faisant preuve d'une concentration incroyable. Il tendit le bras vers Ademenès et projeta un éclair d'énergie dévastateur. Le trait magique craqua et frappa l'humain qui tituba en arrière. L'attaque le brûla non pas à l'extérieur mais à l'intérieur, s'en prenant directement à son âme. Les tourments encourus étaient bien pires...

Perdant sa concentration l'humain canalisa la souffrance qu'il ressentait pour l'extérioriser. Serrant les dents il l'expulsa en une onde de magie sombre, dissipant le sort qui le consumait. Reprenant son souffle il vit Vankhar se jeter sur lui. Il esquiva au dernier instant. Le démon emporté par sa charge se retrouva dos à Ademenès qui en profita pour lui envoyer un rayon d'énergie douloureux. Grognant et encore plus énervé, l'infernal fit volte-face, se retrouvant devant les trois humains. Il commençait un peu à s'épuiser, il ne pensait pas avoir à faire à si forte partie. Le vent lui envoya la pluie dans les yeux, il serra son épée, transpirant de colère.

« - Ton petit jeu ne marchera pas... Tu veux essayer de me couper de mes âmes. Mais je ne me laisserais pas avoir aussi facilement... »

Ademenès eut un nouveau sourire, puis il invoqua soudainement un arc électrique qui manqua de frapper Vankhar. Le démon avait anticipé la manoeuvre et contra le sort d'un seul mot. Il fallait qu'il en finisse maintenant. Les tornades approchaient, bientôt il n'y aurait plus rien du tout. La tempête s'accentua dangereusement. Il bloqua la masse d'Hélèna, guerrière qui paraissait impossible à tuer. D'ailleurs ses adversaires paraissaient tous difficile à éliminer.

Quand on ne peut tuer il faut éloigner, voilà ce que pensa le démon.

A présent les combattants s'affrontaient sur une plate forte volante, dénuée de murs ou de toit. Il ne restait vraiment plus rien de la forteresse. Vankhar dévia encore une attaque, mais au lieu de passer à l'offensive, il recula. Il réalisa un bond de plusieurs mètres en arrière pour prendre de la distance. Jotun hurla une incantation par-dessus le déluge et la foudre convergea vers le démon. Il n'avait prévu cette riposte et se protégea avec un bouclier, tant bien que mal. Le pavois magique se fissura et il fut en bonne partie touché par l'éclair. Il posa un genou à terre, totalement sonné. Hélèna fonçait vers lui. C'était maintenant ou jamais.

Se redressant de toute sa stature il lança toutes les forces qui lui restait en un ultime assaut. Les incantations qu'il prononça étaient particulièrement noires et inquiétantes. L'énergie s'accumula autour de lui, comme un manteau sombre. Son mana devint si ténébreux qu'il disparu pendant un instant. Il voulait en finir. Il ouvrit les bras, la tête penchée en arrière, ses mains gorgées de magie. Hurlant sa rage il fit un geste vers l'avant et immense arc de cercle rouge balaya toute la plate-forme. Le maléfice crépita et se propagea à une vitesse folle, ne laissant aucune possibilité d'échappatoire. Hélèna fut la première touchée, frappée dans sa charge. Il ne cria pas mais son corps entier fut secoué par des spasmes douloureux. La vague la repoussa comme un fétu de paille. Elle essaya de résister mais ses membres ne répondaient plus, totalement engourdis. L'acier de son armure racla la roche, elle vit le vide approcher une nouvelle fois. Et cette fois-ci rien n'était là pour la retenir. Dans un ultime effort elle jeta une main pour se raccrocher au rebord. Son gantelet métallique s'enfonça dans la pierre, si fort qu'elle broya la surface et se retrouva avec de la poussière dans la main. Perdant sa prise elle chuta. La guerrière disparue dans la tempête, happée par les vents furieux, tombant à plusieurs centaines de mètres de hauteur.

Jotun avait lui aussi été sévèrement touché, emporté par la lame de fond magique. Il avait été tiré de la même façon qu'Hélèna. Mais alors qu'il allait tomber lui aussi les vents le sauvèrent, formant un tourbillon sous son corps. Néanmoins sa peau était brûlée par l'énergie maudite et ses muscles totalement paralysés. Visiblement le sort ne se contentait pas seulement d'infliger des blessures, il vidait de force les victimes. Le druide se traîna sur la plate-forme, épuisé. Les seuls se tenant encore debout étaient Ademenès et Vankhar. Le premier était essoufflé et peinait à ouvrir les yeux. Il avait dévié le puissant sortilège du démon. Le second était dans un état à peine meilleur, l'effort qu'il venait de fournir l'avait fatigué. L'infernal s'appuya sur son épée, un rire amer et rauque s'échappant de sa gorge.

« - Il ne reste plus que toi...Et moi. Je vais prendre un grand plaisir à te voler ton âme. »

Vankhar se concentra et attaqua mentalement le moine. Le démon récupérait plus vite que l'humain, l'assaut restait puissant. Dans un premier temps Ademenès réussit à contenir l'agression. Mais rapidement cela s'intensifia, il sentait la présence de Vankhar s'accroître. Elle devenait de plus en plus forte. Fermant les yeux fit tout pour ne pas laisser un fragment de son âme s'échapper. Voyant son allié en difficulté, Jotun attaqua aussi le démon, combinant ses forces avec celles d'Ademenès. Leur énergie combinée repoussa la vague psychique de l'infernal. Hélas le druide était trop blessé pour pouvoir combattre très longtemps, il s'estompa et sombra dans l'inconscience. A ce moment Vankhar redoubla d'effort, un sourire mauvais se rivant sur ses lèvres, il sentait qu'il avait gagné. Son adversaire résista encore un instant mais bientôt il entrait dans son esprit. L'humain serra les poings et tomba à genou, une sensation réellement désagréable l'envahissait. Son corps refroidissait, son âme tirée hors de son enveloppe. La situation lui retourna l'estomac, sa peau blanchie et devint parcheminée. Il ne fallait plus que quelques secondes au démon pour achever définitivement Ademenès. Cette âme le revigorerait complètement. Il soupira d'aise, ricanant d'un air victorieux.

Mais son expression se figea lorsque deux dagues se plantèrent dans sa nuque, en ciseau. Elles partirent toutes deux dans une direction opposée et la tête de Vankhar sauta dans les airs comme un bouchon sanglant. Elle rebondit et roula avant de s'arrêter.

Crista, couverte de blessure, se tenait sur ses jambes tremblantes.

« - Connard je t'ai eu... ! »

L'exclamation de l'assassin lui arracha une toux douloureuse. Elle se laissa tomber à genou et commença immédiatement à manger une partie du corps de sa victime. Il fallait qu'elle se régénère. Elle avait toujours rêvée de faire ça...

Ademenès s'était relevé, sauvé in extremis. Il apercevait toute les âmes volées par Vankhar flotter dans les airs. Avec aussi celle du démon... L'humain ne perdit pas de temps, capter des âmes sans enveloppe était extrêmement aisé pour le Porteur de Douleur. Il tendit les bras et elles furent toutes inoxérablement attirées vers lui.

Levant la tête, Crista capta exactement ce qu'était en train de faire le moine. Déjà revitalisée elle se redressa, arme à la main. Elle n'aimait pas que l'on puisse jouer avec les âmes des autres.

« - Arrête ça ! »

Ouvrant les yeux, Ademenès jeta un regard à la tueuse.

« - Tu ne m'en empêchera pas. D'ailleurs j'en ai fini ici ! Je vais te laisser avec la tempête du druide fou ! »

Alors que l'assassin s'élançait vers l'arrogant personnage celui-ci disparu, téléporté par un sortilège à probablement plusieurs centaines de kilomètres. Crista se retrouva seule au milieu de la plate-forme, perdue dans le chaos, comme sur un radeau au milieu du déluge.

Elle aperçu Jotun et ce précipita vers lui, peut-être pouvait-il arrêter ça ? Décidément elle haïssait les druides ! Elle secoua le colosse mais il ne bougea pas d'un pouce.

« - Debout gros tas ! »

De rage elle entailla la main de l'homme avec une dague, dans l'espoir que la douleur le fasse se réveiller. Mais rien.

« - C'est pas vrai ! »

Crista tourna la tête et vit une partie de la plate forme tombée, arrachée par les vents furieux. La mort-vivante chercha absolument une solution mais elle n'eue pas réellement le temps de trop réfléchir : Une tornade avançait vers elle en dévastant les restes de pierre qui flottait encore.

« - Je l'aurais au moins tué... »

Les éclats de roche voltigeaient dans tout les sens. La brise fit plisser les yeux de l'assassin, secouant ses cheveux sales. Elle ne pouvait rien faire. Sa vraie mort n'était plus qu'à quelques mètres, elle la regardait en face.
C'était dur. Voilà ce qui résumait assez bien la situation. Elle restait allongée sur le ventre, enfoncée dans une terre encore bien humide. Ses doigts étaient crispés dans la terre, son visage collé au sol. Une odeur d'humus s'accrochait à ses narines. Bien qu'elle soit consciente il lui fallu bien dix bonne minutes avant qu'elle esquisse le moindre geste. Sa tête bougea un peu, faisant craquer tout ses os. Ses yeux collés s'ouvrirent, la lumière du jour la blessa.

« - C'est la première fois... Que je dors... ? »

Les mots se frayent un chemin dans la gorge douloureuse de Crista. L'assassin n'en revenait pas d'être toujours là. Le choc avait réellement dû être puissant pour la mettre hors d'état pendant aussi longtemps. Lentement mais sûrement elle se redressa. Elle était couverte de boue. Ce n'était pas vraiment pire que d'habitude mais pour le coup elle l'air d'une fraîchement déterrée. Une fois debout elle rangea ses armes, restées fermement empoignées malgré la tempête. Le soleil brillait dans le ciel à présent, éclairant un ciel bleu azur. Il ne manquait que le chant des oiseaux. La forteresse de Vankhar avait totalement disparue, à des mètres à la ronde il y'avait des pierres entassées et dispersée. Le démon était mort, mais qu'en était-il de Daggot ? Kretor ? Et des autres humains ? Crista s'en fichait un peu mais elle avait bien envie de retrouver le cadavre de l'autre crétin sans cervelle... Ou mieux : Son corps agonisant pour l'achever.

Elle se mit à déambuler dans le champ de ruine, cherchant d'éventuelles traces suspectes. Ainsi elle marcha pendant plusieurs dizaines de minutes, sans rien trouver. Mais à un moment quelque chose attira son regard. Quelque chose de doré scintillait sur le sol, à moitié enfoncé dans la boue. Crista s'en approcha, il s'agissait du heaume d'Hélèna. Du sang séché marquait l'intérieur du casque. L'assassin le ramassa et jeta un coup d'oeil tout autour d'elle. Non loin un manche d'arme dépassait du sol. La mort-vivante avait une idée sur la nature de l'objet. Sans hésiter elle alla le retirer, c'était affreusement lourd. Contractant tout ses muscles elle parvint à tirer une arme bien connue. L'objet était réellement massif et pénible à tenir, il aurait vraiment fallu avoir une force impressionnante pour l'utiliser avec efficacité.

« - Il doit y'avoir un corps pas loin... »

Crista chercha encore. Sur un rocher plat, au pied d'un entassement, à quelques mètres, Hélèna était allongée. Son armure était intacte malgré l'impact. La roche s'était fissurée sous son poids, la chute avait vraiment due être rude : la pierre était recouverte de sang. L'assassin s'en rapprocha. La guerrière de Vif-Argent se trouvait sur le dos, immobile, les yeux clos.

« - T'es vraiment morte pour une fois ? »

La tueuse essaya de secouer l'humaine avec le bout du pied. A ce moment Hélèna ouvrit grand les yeux, mais ne bougea pas.

« - Ne me touche pas. »

Le ton était si froid et mécanique que Crista obéit, se contentant de fixer le regard de la combattante. Il était bien plus terne que la veille, bien que toujours totalement blanc. Mais là il s'agissait d'un blanc laiteux, plutôt caractéristique d'autre chose...

« - Tu es aveugle ? s'exclama l'assassin.

Hélèna fronça les sourcils et se redressa rapidement, sans aucune difficulté, comme si elle s'était juste arrêtée un instant. Elle se tourna vers la tueuse, l'air énervé.

« - Que fais-tu là ? Où est Ademenès ? »

Crista faillit envoyer paître la guerrière, mais elle se ravisa en se rappelant qu'elle ne savait pas comment la tuer, ce qui pouvait être extrêmement gênant.

« - Il est parti. J'ai tuée Vankhar, j'ai tranchée sa sale petite tête ! »
L'assassin s'arrêta un instant, pensant qu'à présent elle était entièrement libre. Sa vengeance complète. Voyant qu'Hélèna attendait la suite de la réponse elle enchaîna :

« - Ademenès a volé les âmes et il s'est tiré par un portail. J'aurais dû m'en douter... Votre maître a bien réussit son coup ! Même si j'aimerais le tuer je n'irais pas lui courir après... »

Le visage de la guerrière se ferma, tiré par la colère. Crista pensa d'abord que l'humaine en avait après la mort-vivante pour son arrogance. Mais en réalité il en était autrement. Serrant les poings elle siffla à voix basse :

« - Parti avec les âmes ? »

Ne répondant pas l'assassin se rendit compte qu'Hélèna était réellement surprise par la situation. Soudainement elle explosa d'une sourde rage, glacée. Elle n'était pas très expressive mais extrêmement chargée, concentrée. Crista sentit presque la haine transpirer par les pores de l'humaine.

« - Je vais le tuer. »

Penchant la tête sur le côté, la tueuse jaugea Hélèna sous un autre angle, elle ne pensait pas l'avoir autant contrariée.

« - J'en déduis que vous aviez passés une sorte de contrat ? Mais je doute que tu arrives à retrouver un homme possédant autant de pouvoir...
- Mes yeux le retrouveront. Rien ne m'échappe. »
Elle s'arrêta un instant, puis s'anima soudainement, sa voix moins agressive mais toujours aussi inflexible :
« - Mais je ne pourrais le vaincre seule.
- Tu n'as qu'à retrouver ton « ami » druide, railla Crista.
- Ce n'est pas mon ami, je hais Jotun. Ne serais-tu pas prête à m'aider ? »

L'assassin écarquilla les yeux, étonnée par cette demande. Elle secoua la tête, comme si elle venait d'entendre une grosse bêtise.
« - Te suivre ? Courir après un type ayant au moins autant de puissance que Vankhar ? Quelle idée... Ridicule ! J'ai bien mieux à faire. Je ne suis pas sortie de cette situation pour y retourner ! »
Fronçant les sourcils, Hélèna rétorqua lentement :
« - Pourtant... Tu ne connais rien de la vie, tu es morte très jeune. Seize ans, une jeune femme. Tu as été vouée à la mort très tôt. Tu n'as même plus ton âme. Tu n'es qu'une coquille vide, gangrenée par une soif de sang toujours plus forte. »
Elle fixa Crista qui essayait de masquer son étonnement. La guerrière reprit du même ton régulier :
« - Mais au fond de toi reste une minuscule parcelle d'humanité. Parce que tu n'es pas juste un cadavre ambulant et pourrissant, celui qui t'a réanimée a fait de toi un être plus complexe, un être avec une conscience propre. De ce fait, tu penses. Tu doutes, tu aimes, tu hais, tu as peur...
- Je n'ai pas de peurs... tenta d'affirmer Crista.
- Ces sentiments là tu arrives à peine à les ressentir, ils sont inhibés, enfouis. Tu ne les *connais* absolument pas. Car tu ne te *connais* pas toi-même. Et tu ne pourras jamais te comprendre de par ta nature, il te manque quelque chose : La vie. Une essence qui permet de transformer ton sang noir et pourri en un liquide vermeil. Et qui permet aussi de développer ta conscience et tes sentiments.
- C'est...
- C'est ce que tu souhaiterais sentir. Parce que tu voudrais connaître l'autre façade de l'existence. Et en tuant Ademenès, le pouvoir libéré par les âmes qu'il a volé, te permettrait d'y accéder. »

L'assassin ne su quoi dire, elle croisa les bras et se renfrogna. Elle avait beau essayer de se persuader que cela était faux elle savait que Hélèna avait raison sur toute la ligne. Et jamais elle n'avait autant entendue la voix de cette étrange guerrière... Comment avait-elle fait pour savoir cela ? Au bout de quelques secondes de silence, Crista réussit à marmonner :

« - Je crois que tu vas encore plus m'énerver si tu continue... Tu n'as pas à savoir tout ça ! »
Colérique, elle expira lentement pour se calmer.
« - Mais le pire est que je ne peux te donner tord. Je vais te suivre, pour un instant, pour voir de quoi il en retourne, elle s'arrêta avant de lancer un regard furibond et reprit, mais ne recommence jamais ça ! »

La guerrière ne répondit rien, elle se contenta de partir dans une direction, imperturbable.

« - Où allons-nous ? »
Ce fut sans se retourner qu'elle répondit :
« - En Orient, c'est là bas qu'est allé Ademenès.
- Comment le sais-tu ?
- C'est son pays natal, c'est là ou il a le plus d'influence. »

Cela restait assez logique. Crista restait très étonnée par la situation, elle n'aurait pensée se retrouver à suivre une humaine. Enfin pour peu qu'elle en soit bel et bien une, ce qui paraissait de moins en moins sûr.

Sans qu'aucun autre mot ne soit échangé la marche commença. Le chemin risquait d'être particulièrement long. Surtout à pied. Cela paraissait totalement fou d'effectuer un tel voyage sans aucun moyen magique. Il y'en avait pour plus d'un mois. Les heures passèrent, le soleil était au beau fixe, flagellant la peau des deux improbables aventurières.

Ce fut finalement Crista qui brisa le silence, presque à contre coeur.

« - Il faut que je me nourrisse de chair. Mes blessures ne sont pas encore totalement régénérées, et je n'ai pas envie de finir en sac d'os ! Il faut trouver un village. »

Hélèna continua d'avancer, sans répondre. Puis presque soudainement elle prit la peine de répliquer :

« - Le temps est trop précieux pour que nous le perdions à partir en chasse. »
Elle suspendit sa phrase, puis continua :
« - Combien te faut-il de chair ?
- Au moins un demi corps, dit Crista interloquée par la question.
- Prend le mien. »

L'assassin se stoppa en même temps que la guerrière, et elles tournèrent l'une vers l'autre. Elles se trouvaient au milieu d'une clairière, au coeur d'une forêt tranquille.

« - Tu me ferais suffisamment confiance pour que je risque de t'affaiblir à ce point ? demanda la tueuse avec un air sarcastique.
- Tu n'as pas les moyens de me tuer. »

Crista se rappela l'état d'Hélèna après l'immense brasier provoqué par Sethra, ainsi que sa reconstitution éclair.

« - Je me demande ce que tu peux bien craindre d'Ademenès.
- Nul n'est invincible, expliqua simplement la combattante, ne perdons pas de temps.

Elle passa ses mains à différents endroits de son plastron, détachant de nombreuses sangles de cuir. Elles étaient positionnées sous les plaques et difficile d'accès mais la guerrière semblait les connaître par coeur. Sans hésiter elle retira son armure dorée et la posa à même le sol. Sous l'acier enchanté elle ne portait qu'une simple tunique de toile blanche. Ses bras étaient nus, pas de bijoux, ni de tatouages. Sa peau étaient relativement pâle et ne devait pas souvent voir le soleil. Crista n'en revenait toujours pas... La situation lui paraissait surréaliste. Elle s'approcha d'Hélèna et l'humaine retira son haut d'un seul geste, mettant son corps à demi nu. Ses courbes parfaites n'étaient pas sans rappeler celles d'Illéisis... Il n'y avait la moindre imperfection. La mort-vivante s'approcha encore, n'ayant plus vraiment d'appréhension, elle s'arrêta un instant puis mordit profondément le cou de la guerrière. Elle s'attendit à l'entendre au moins crier, mais seul le bruit mat de la chair déchirée résonna. Néanmoins Crista pu ressentir tout le corps de sa victime frissonner. Un sang particulièrement sucré coula dans sa bouche, jamais elle n'avait goûtée quelque chose d'aussi bon, un véritable nectar. Elle dévora la femme jusqu'à l'os, avalant les muscles et engloutissant la chair si pure. Les jambes d'Hélèna fléchirent et la tueuse l'attrapa pour ne pas qu'elle tombe, la déposant plus doucement sur le sol. Le carnage dura plusieurs minutes...

Lorsqu'elle eue finit, Crista pu contempler le corps mutilé et meurtrie de l'humaine. D'abord il ne se passa rien, la tueuse douta, avait-elle tuée pour de bon ? Mais rapidement la peau éventrée commença à se tendre, comme douée d'une conscience propre, refermant les plaies béantes. Les muscles se reconstituèrent et bientôt il n'y eu même plus une seule cicatrices. Juste du sang séché.

Hélèna se releva et s'habilla de nouveau, comme si rien ne s'était passé.

« - Tu ressens la douleur, guerrière...
- En avoir conscience et la ressentir réellement sont deux choses différentes. Je ne *connais* pas la douleur. Seul le manque de sang dans mes veines m'a fait chuter. »

Crista n'était pas totalement convaincue. Mais elle ne pouvait pas non plus affirmer le contraire avec certitude. L'humaine endossa son armure, elle garda son casque sous le bras. La marche pu reprendre, durant des heures entières.

Elles traversèrent une épaisse forêt, les bois étaient colorés, vivants. La lumière filtrait par les feuillages des arbres, fournissant un éclairage qui ne blessait pas les yeux. Un léger vent suffisait à rafraîchir la peau des marcheuses. Aucune des deux ne ressentait la fatigue. Si bien qu'elles purent avancer jusqu'à la tombée de la nuit. Les hululements des oiseaux nocturnes commencèrent à s'élever partout dans les bois.

Les brindilles craquaient sous les pas d'Hélèna, qui restait muette comme une tombe. Bientôt le sol commença à être plus pentu, d'énormes rochers crevant la terre. Les racines d'une montagne. La marche se compliqua, des petites pierres roulant parfois sous les pieds des deux femmes, le relief lui aussi ralentissant l'avancée.

« - Tu connais réellement un chemin ou nous allons devoir voler par-dessus les montagnes ? »

La phrase de Crista se perdit, sans réponse. Etrangement cela ne l'étonna pas plus que ça. Elle accéléra pour se retrouver au niveau de la guerrière, celle-ci regardait droit devant, sans broncher ou cligner même cligner des yeux.

« - Réponds.
- Un chemin est toujours repérable, nous verrons bien. »

L'assassin ne fut pas vraiment satisfaite par la réponse. Ca ne voulait absolument rien dire. Pendant un instant elle eue de nouveau un doute sur l'intelligence de suivre Hélèna dans sa vengeance. Crista ne s'était jamais posée autant de questions. Le fait de ne plus avoir de maître lui offrait bien plus de possibilités qu'auparavant.

Slalomant entre d'énormes pins, la mort-vivante s'aidait de certaines branches pour avancer plus vite. Elle se perdait à s'imaginer humaine. Chose qu'elle n'arrivait pas à concrétiser. La lune apparue entre les arbres, coincée entre deux nuages. Elle était pleine. Unie. Une brise glacée siffla le long du val, suivie d'une étrange agitation dans la forêt.

Hélèna venait de s'arrêter, elle se tourna vers Crista. Ses yeux étaient devenus translucides, brillants, avaient repris leur étrange substance. Elle serra ses armes, jetant un coup d'oeil tout autour d'elle. Les ténèbres parurent s'épaissir, le vent secoua les feuilles. Doucement, la guerrière fit un signe à la tueuse, lui signifiant que quelque chose arrivait. Il ne se passa rien de notable, sauf Hélèna qui restait aussi immobile qu'une statue. Un craquement quelque chose paru bouger à travers les buissons.

Soudainement une silhouette sauta directement sur l'humaine, elle était beaucoup plus massive. Crista n'arrivait pas à déterminer de quoi il s'agissait exactement. Même si elle voyait dans le noir la créature était de dos et rapide. D'un coup de bouclier la guerrière repoussa vigoureusement l'assaut. Le monstre fracassa la protection et essaya d'attaquer avec son autre main. L'assassin pu apercevoir de longues griffes acérées. Sans hésiter elle s'élança à son tour. La montée cassa légèrement sa charge, mais elle arriva en bondissant sur la bête. Ses dagues retombèrent de haut en bas, traçant deux sillons sanglants perpendiculaires entre les omoplates de la créature. Elle grogna, s'agitant avec tant de force qu'elle projeta Crista sur le côté, qui se rattrapa à un tronc pour ne pas dévaler toute la pente. Hélèna encaissa une nouvelle avalanche sans trembler. Elle ne céda pas un pouce de terrain. Rageusement sa masse repoussa une patte griffue et elle déséquilibra le monstre en lui rentrant littéralement dedans. Son arme prit de l'élan par-dessus sa tête et retomba aussi vite, fracassant l'épaule de l'assaillant. Les os cassèrent nets et une vilaine plaie s'étira. Hurlant de rage la bête recula, elle comprit son erreur lorsqu'elle sentie de nouveau les dards de l'assassin lui entailler le dos. De manière suffisamment profonde pour qu'elle faiblisse, directement achevée par un revers de masse dans la tête. Sa mâchoire s'arracha en un horrible craquement, le visage morcelé.

S'effondrant au sol, les deux combattantes s'approchèrent. Elles examinèrent la carcasse pendant un instant.

« - C'est un garou. Ours je pense. »

Hélèna avait parlée tranquillement. Elle releva la tête et ajouta :

« - Il y'en a sûrement d'autres. C'est parce que nous ne sommes pas loin de la forêt de Jotun. Il y'a de nombreuses créatures déviantes, totalement abandonnées à la nature.
- Manquait plus que ça... Je déteste vraiment les druides.
- Dépêchons-nous, la nuit il y'a trop de risques. »

Crista secoua la tête, interloquée.

« - Qu'est-ce qui peut te tuer en réalité ? Tu pourrais bien tous t'en débarrasser...
- Je n'ai pas le temps. »

Fronçant les sourcils l'assassin ne trouva rien à ajouter. Il était logique qu'Hélèna ne veuille révéler son unique faiblesse. Après tout pourquoi avait-elle espérée avoir une réponse à une question pareille ?

La route qui restait à faire paraissait bien trop longue. Ademenès allait avoir le temps de se préparer. Même si Crista n'avait aucune idée de ce qu'il voulait faire exactement. Mais l'idée de pouvoir changer radicalement son existence l'attirait plus que tout autre chose. Et la compagnie de la guerrière n'était pas la plus insupportable. Elle n'aurait jamais cru préférer une humaine à un démon. Mais si dans le cas présent il s'agissait d'un spécimen particulier. Les guerrières reprirent leur longue route, sans pauses possibles, inlassablement.
Voilà ce qu'il restait, le désert. Un désert total, brûlant, dévorant, soulevé par un vent insidieux qui emmenait chaque grain de sable. Grain de sable agité qui blessait les yeux, obligeait à ne pas regarder l'ennemi en face, un ennemi monstrueux qui s'étendait sur des kilomètres. Il sifflait, hurlait, cognait sur les armures, emportait la moindre humidité pour ne laisser que la peau sèche et craquelée. Les cheveux de Crista étaient remplis de sable, elle avançait lentement, ses pas s'enfonçant dans les dunes. Ces maudites dunes qui se fendaient à chaque mouvement pour essayer d'engloutir les marcheuses.

Il y'aurait dû avoir une ville.

Mais il n'y avait que la mort.

Les bâtiments commençaient déjà à disparaîtrent sous la tempête, engloutis par l'avancée inexorable du désert. Les dernières pierres tentaient de résister mais aucune n'échapperaient à ce cruel destin, à ne devenir qu'un vestige du passé. Il allait de même pour les os blanchis qui peuplaient la cité détruite. Certains gardaient des vêtements, des armes, signe d'une existence passée. Tout avait été réduit à néant.

« - C'est ça Luth Golein ? »

La phrase de Crista était emportée par les vents, elle résonna dans toute la ruelle. Enfin ce qu'il en restait... Hélèna, qui ouvrait la marche s'arrêta, posant sa masse tête vers le sol.

« - Pourquoi a-t-il fais ça ? »

Pour raser une immense cité, il devait bien y avoir une raison, même obscure. Ademènes n'avait tout de même pas juste voulu tester ses pouvoirs ? Il était peut-être fou mais pas à ce point.

« - Il est encore dans la région. Je n'arrive pas à comprendre ses objectifs. Tout détruire ne lui ressemble pas, il préfère contrôler. »
Crista eu un rire amer avant d'ajouter :
« - Il est juste devenu totalement taré, le pouvoir lui a démoli le cerveau, ça ne serait pas la première fois... Personnellement il peut mettre Sanctuary à feu et à sang... Je m'en balance ! »

Se redressant Hélèna se contenta de jeter un nouveau coup d'oeil aux ruines. Le vent commencer à se faire violemment sentir, emportant les grains de sables tranchant comme des éclats de verre. Ils crissaient sur la peau, les parties de peau nue rougissaient à vue. Même sous son casque la guerrière devait déjà plisser les yeux pour ne pas être aveuglée.

« - Une tempête de sable arrive. »

Crista hocha la tête, un bras devant son visage pour se protéger des grains abrasifs. Bientôt c'était prendre le risque de s'étouffer avec le sable en respirant.

« - Foutons-nous à l'abri ! »

La mort-vivante avait criée par-dessus le souffle et commençait déjà à chercher une bâtisse pas trop effondrée. Une rue plus loin elle tomba devant une ancienne auberge. La structure n'avait vraiment pas trop souffert. Une enseigne pendait toujours au dessus de la porte, fixée à une tige en acier elle se balançait à cause du vent. « Auberge d'Atma ».

Ne restant pas plus longtemps dans la tempête Hélèna ouvrit violement la porte et avança à l'intérieur, le sable dans son sillage. Elle se rendit compte que malgré les fenêtres barricadées il ne faisait pas noir : Des bougies et des lampes éclairaient la pièce principale. Plusieurs personnes étaient assises là. Crista entra à son tour claquant la porte derrière elle. Les deux arrivantes s'immobilisèrent, pas un mot ne s'échangea, seul le sifflement du vent perçait le silence.

Au total il devait y'avoir une dizaine d'hommes et quelques femmes. Encore deux autres étaient allongés au sol, couverts de bandages ensanglantés et visiblement dans un sale état. L'un d'eux se leva, il était grand, musclé, basané, ses bras cousus de cicatrices. Il portait un pantalon blanc large ainsi qu'une veste en tissus de la même couleur. A la main il avait ramassé un cimeterre posé sur la table devant lui. La seule chose qui marqua vraiment Crista fut les cheveux du guerrier : un amas de dreadlocks.

Le type avança prudemment. Derrière lui d'autres hommes se levèrent sur le qui-vive. Hélèna suivit la scène du regard sans broncher, elle les stoppa net en une phrase :

« - Asseyez vous ou je vous tue.

Tous. »

L'impressionnante combattante posa son regard sur l'humain au cimeterre, qui semblait être le leader. Il le soutint et arriva même à répondre à la menace :

« - Qui êtes-vous pour marcher aux côtés des morts ? Et pour proférer de telles paroles ?
- Que s'est-il passé ici ? Se contenta de rétorquer la guerrière. »

L'interrogé ne répondit pas, visiblement énervé par la situation. Mais finalement il soupira et baissa son arme, paraissant extrêmement las.

« - Après tout il y'a suffisamment de mort comme ça, j'en ai assez vu. Ce qu'il s'est passé ici ? Je ne sais pas exactement... Mais c'était horrible ça je peux le jurer. »

Tous les humains hochèrent la tête. L'homme paru perdu dans ses pensées pendant un instant, se remémorant probablement les derniers évènements. Il grimaça et reprit d'une voix amère :

« - C'est à cause d'un seul monstre que tout est arrivé, un sorcier. Il disait être le nouveau Dieu de ces terres, il voulait voir le prince à son palais. Comme si un Dieu demandait des audiences... ! J'étais capitaine de la garde, croyez-moi j'ai bien essayé de l'arrêter. Mais cela n'a servi à rien, rien ne l'atteignait, absolument rien...
- Que voulait-il exactement ?
- Il voulait que tout le peuple se soumette à ses ordres. Il avait l'air dément et glacial à la fois... Le refus... Le refus de sa « noble proposition » l'a rendu ivre de rage et il a tout détruit. Je n'arrive toujours pas à croire ce qui s'est passé ! Si j'ai survécu c'est un miracle. Moi, et le reste de ma compagnie que vous pouvez voir ici, avons été repoussés par sa magie noire lorsque que nous nous sommes mis en travers de sa route... »
L'humain s'arrêta un instant, les yeux brillants de colère. La voix tremblante il articula en serrant les poings :
« - Il nous a écartés comme des enfants, d'un seul geste ! Lorsque je me suis réveillé il n'y avait plus que des ruines. »

Le silence retomba sur l'auberge en ruine, Crista restait perplexe. A moins qu'Ademènes soit réellement devenu fou à lier il n'avait aucun intérêt à détruire une ville. Quoique l'hypothèse de la démence, juste pour essayer ses nouveaux pouvoirs n'étaient pas totalement improbable, le type avait un gros problème de misanthropie et d'ego. En y réfléchissant Crista aurait peut-être fait la même chose...

« - Très bien, attendons que la tempête passe et reprenons la route. »

La voix d'Hélèna tira la tueuse de ses pensées.

« - Pour aller ou maintenant ?
- Sa route sera sillonnée par les cadavres, il ne sera pas difficile de le suivre. »

Sous cet angle les choses paraissaient plus évidentes. Lorsqu'elle tourna la tête la peau de Crista craqua comme du vieux parchemin, par la fenêtre elle contempla un instant le déluge de sable qui s'abattait sur les ruines. Il aurait été trop facile de se perdre dans un tel chaos. A présent on entendait plus que le bruit des rafales cinglantes, les humains fixant les deux arrivantes. Hélèna s'était immobilisée, comme une statue, le regard totalement vide.

« - Pourquoi cherchez vous un tel monstre ? »

La phrase du chef des survivants restant un instant sans réponse. La guerrière de Vif Argent ne broncha pas d'un cil. Ce fut finalement Crista qui se détacha de la tempête pour parler. Elle s'approcha un peu, ce qui ne manqua pas de rendre nerveux l'humain, et articula d'une voix lente :

« - On appellera ça une vengeance, mais tu n'as pas besoin d'en savoir plus. »

Il fronça les sourcils, dévisageant la mort vivante.

« - Je croyais que les démons avaient été chassés de Sanctuary... Et de par la même occasion les morts qui marchent...
- Les morts qui marchent hein ? Je fais bien plus que marcher, je tue les idiots comme toi qui arrêtent pas de parler. Si tu continues je te tranche la langue. »

Le type ne paru pas plus impressionné. Il jeta un coup d'oeil à Hélèna, toujours figée. Crista ne pu s'empêcher de regarder elle aussi, la guerrière paraissait totalement absente. N'osant pas la toucher pour ne pas provoquer une quelconque réaction la tueuse alla s'asseoir sur un tabouret. L'humain restait perplexe. Il fit un pas et tendit la main vers le bras de la combattante. Avant qu'il n'est eu le temps de l'atteindre la femme parla de sa voix mécanique :

« - Si tu me touche je te brise le bras. Laisse moi. »

L'intéressé eu un mouvement de recul et répondit :

« - Mais que faites vous ?

Crista répondit d'une voix agacée :

« - Tu n'as pas remarqué que cette fille est totalement folle ? Fais gigoter ce que t'as dans le crâne et retourne au fond de la pièce !

Cette fois-ci il se renfrogna vraiment et se tourna vers la tueuse d'un air partagé entre la colère et l'amertume.

« - Vous allez vous venger du malade qui a fait ça ? »
Il s'arrêta avant de reprendre :
« - Je veux venir avec vous, moi aussi je veux lui faire payer ! Compte tenu de sa puissance je ne pense pas qu'une lame soit de trop ! »

Les muscles de la mort-vivante se crispèrent, l'idée d'être encombrée d'un humain ne l'enchantait absolument pas. A part peut-être pour soigner ses blessures en ayant un corps a proximité...

« - Non, tu ne ferais que nous ralentir, tu n'es qu'un humain après tout.
- Je suis le meilleur combattant de cette région, je n'ai plus rien à perdre ! Il a détruit le royaume que j'ai juré de protéger, réduit ses habitants à la cendre, je ne peux pas rester ici à ne rien faire ! Que vous le vouliez ou non je vous suivrais...
- Bon je vais te tuer maintenant alors ça sera plus simple, soupira Crista.
- Je ne te crains pas non plus. »

Sa voix était devenue beaucoup plus calme, se posture s'était redressée. Hélèna avait enfin esquissée un mouvement, ses bras se croisèrent. Elle ne fit rien d'autre mais cela suffit à attirer l'attention des deux adversaires.

« - Qu'il suive, mais il devra tenir le rythme. Nous nous ne arrêterons pas. »

Crista haussa les épaules :

« - D'accord, après tout je m'en moque, si tu meurs en chemin ça me fera de la viande. »

L'horrible sourire qui étira le visage de l'assassin provoqua une grimace de dégoût chez l'humain.

La suite de la tempête se déroula dans une atmosphère tendue. Hélèna ne s'était jamais assise. Après réflexion la tueuse ne se rappela pas l'avoir vue posée une seule fois. Les minutes s'écoulaient au ralenti, il n'y avait rien à faire. Comme d'habitude Crista entretenait ses armes, les seules choses qu'elle avait. Leur nouveau « compagnon » la fixait d'un oeil intrigué. Au début elle s'en moqua, mais à force cela fini par agacer l'assassin.

« - Qu'est-ce que tu veux ?
- Je me demandais comment les créatures telles que toi vivaient ? Ressentaient les choses...
- Je ne ressens pas, mais je peux te faire ressentir quelque chose.
- Quoi donc ?
- Approche. »

Crista avait parlée sans agressivité, ce qui était étonnant. Attisé par la curiosité l'homme alla s'asseoir à côté de la morte. Elle tendit une main la posa sur le côté de son visage avec force. Le froid glacial qui traversa le visage de l'humain le fit frissonner.

« - Voilà ce que je suis. Maintenant fous le camp.
- Je me demande qui tu étais avant.
- Personne.
- Non c'est ce que tu es maintenant ça... »

Se crispant de nouveau la colère permanente qui irriguait Crista manqua de la submerger.

« - Barres toi... Vite.
- On dirait que tu as peur de t'en rappeler, peur de te souvenir de l'humaine d'avant.
- Et toi on dirait que tu ne comprends pas un traître mot de ce que je dis ! »
Joignant le geste à la parole l'assassin pointa ses deux dagues vers l'homme qui parlait beaucoup trop.
« - Je n'ai rien à faire, mais je vais me trouver une occupation dans le découpage de tes foutus boyaux si tu ne fermes pas ta putain de gueule tout de suite ! »

Cette fois-ci le type abandonna et s'éloigna, n'essayant pas de pousser Crista à bout. La patience de la mort-vivante était réellement limitée. L'idée que l'humain bavard suive son voyage suffisait déjà à l'agacer. Mais elle savait aussi que l'homme s'écroulerait au bout d'une journée de marche dans le désert. Ainsi elle pourra laisser sécher son corps sous un soleil de plomb.

La soirée s'écoula. Lentement. Crista essaya juste de réfléchir au sens qu'elle avait donnée à sa vie, sur les cent dernières années. Elle parvint rapidement à une conclusion simple : Le meurtre et surtout la servitude. Si cela pouvait paraître satisfaisant au premier abord cela ne fit que l'énerver encore plus.

Lorsque la tempête cessa le soleil pointait timidement ses rayons sur les ruines de la ville. Mais le temps s'annonçait déjà parfaitement clair. Hélèna s'anima une fois les derniers grains de sable arrêtés. La femme agissait comme une machine, une horloge parfaitement réglée. Sans dire un mot elle ouvrit la porte et s'élança à l'extérieur. Crista commençait à avoir l'habitude des réactions soudaine de la guerrière, elle comprit qu'il était temps de partir. Passant une main dans ses cheveux sales et encore emmêlés de boue elle prit rapidement le chemin de la sortie. Du coin de l'oeil elle aperçu l'humain qui lui emboîta le pas. Le type avala un liquide contenu dans une fiole en verre épais. La tueuse se demanda de quoi il s'agissait mais ne posa pas la question, elle n'avait pas envie de parler à l'autre idiot.

La chaleur du désert tira immédiatement sa peau sèche. Le soleil lui blessa presque le regard, Crista avait toujours préférée la nuit. Laissant Hélèna prendre la tête elle la suivie d'un pas suffisamment léger pour ne pas s'enfoncer dans le sable. Le rythme de marche était intense et la mort vivante fut surprise de voir que l'humain tenait la cadence sans aucun problème, même après plusieurs heures sous les rayons brûlants. Certes il devait être habitué au climat mais cela restait contrariant... Le type ne manqua pas de remarquer l'agacement de Crista, ce qui lui arracha un sourire. Sourire qu'il masqua rapidement lorsque l'assassin lui darda un regard meurtrier.

L'après midi touchait à sa fin, la marche sans pauses continuait. Bientôt le petit groupe arrivait dans un large canyon bordé de falaises arides et tranchantes. Ce que Crista avait d'abord prit pour un chemin était en fait une rivière asséchée depuis longtemps. Quelques buissons épineux et retors menaçaient les jambes de ceux qui ne faisait pas attention, tapissant les creux sombres de la roche. Alors que la tueuse se perdait dans ce paysage dévasté et mort, Hélèna s'arrêta brutalement. Ce réflexe aussi Crista commençait à le connaître : La guerrière avait sentie quelque chose. Prenant immédiatement ses armes en main elle essaya de capter un mouvement autour d'eux. Un crissement étrange parvint aux sens aiguisés de la tueuse, c'était sourd et cela venait vers eux.

Du sable bougeait, comme une vague, aussi fluide que de l'eau. L'onde marquait une trajectoire rectiligne droit vers Hélèna. Celle-ci se tourna face à l'étrange avancée. L'humain qui était en queue de colonne hurla :

« - Montez sur la roche il ne pourra pas vous atteindre ! Vite ! »

La combattante l'ignora totalement et se plaça en garde. Crista observa la situation en se rapprochant doucement, dagues au clair. Un mugissement fendit le silence relatif qui venait de s'installer, une bête immense s'extirpa des sables en réalisant un bond impressionnant. Une gueule grande ouverte s'abattit sur la guerrière, le monstre aux dents de la taille de couteaux paraissait pouvoir engloutir sa victime d'une seule bouchée. Montant son bouclier, Hélèna l'avança ou plus profond pour tenter de bloquer la mâchoire. De son autre main elle frappa violemment le côté du crâne de son agresseur. La créature, bien que visible à moitié seulement, faisait deux fois la taille de la guerrière de Vif-Argent.

« - Elle est totalement folle ! » Hurla l'humain en dégainant son sabre.

Même Crista devait admettre que la combattante ne manquait pas de cran... Le poids du monstre suffit à lui seul pour emporter Hélèna. Le coup de la guerrière tenta d'atteindre un deux yeux de la bête, mais il ne fit que briser une énorme écaille. Le bouclier ne plia pas sous la pression de la mâchoire, ce qui empêcha à Hélèna de se faire arracher le bras, mais la créature l'emporta au sol, hurlant si fort que cela en devint douloureux. Près de sa tête le monstre avait deux bras courts mais puissants, munis d'énormes griffes qui retombèrent brutalement sur la guerrière.

D'un mouvement de bras elle extirpa son bouclier de la gueule acérée, cassant un ou deux crocs avec le bord tranchant du pavois. Elle ramena sa protection devant elle, un des bras cogna durement sur l'acier, l'autre se planta profondément dans l'abdomen d'Hélèna, fendant son armure sous la pression. La gerbe de sang qui en résulta fut simplement impressionnante.

Sans perdre de temps Crista se mit à courir vers le monstre et réalisa un bond impressionnant. La bête ne fit pas attention à l'arrivée soudaine de la mort vivante qui retomba sur son dos écailleux et recouvert d'épines en chitine. Evitant se faire empaler par les pointes menaçantes, l'assassin planta ses dagues au plus profond qu'elle pu. L'acier magique se fraya un passage dans l'épaisse peau du monstre qui tressaillit de douleur. Sous mouvement aggrava la blessure d'Hélèna, manquant de la couper littéralement en deux. Mais malgré son état physique la guerrière repoussa un des bras de son assaillant avec son bouclier et fracassa une partie des dents qui la menaçait avec sa masse. Irrité par ses deux proies la bête se releva de toute sa stature, s'ébrouant pour essayer de faire voler Crista. La tueuse resta fermement empoignée à ses armes, mais se retrouva les pieds dans le vide, pendu au dos du monstre. La pesanteur fit que ses dagues tracèrent un double sillon sanguinolent dans la chair de la créature. L'assassin exulta mais sa cible retomba brutalement, arrachant le bouclier d'Hélèna d'un revers violent de griffe. La bouche affamée voulue mordre le haut du corps de la combattante mais celle-ci plongea profondément son bras libre dans la gueule menaçante, attrapant la langue avec son gantelet d'acier en débit du bon sens ! Le monstre s'étrangla et referma sa bouche, sectionnant net le membre de la guerrière. Loin d'abandonner Hélèna donna un coup violent à son adversaire. Ne s'attendant pas à une telle résistance la créature fut totalement surprise lorsque la masse lui fit exploser un oeil. Des fluides immondes giclèrent et la bête hurla un cri perçant.

Abandonnant sa proie elle tenta de replonger dans le sable, mais Crista était toujours accrochée à son dos. Nageant au ras du sol la tueuse fut emportée avec le monstre, ne voulant en aucun cas perdre ses armes si précieuses. La poussière lui brûla les yeux et ses bras s'engourdirent lorsque l'agresseur commença à s'enfoncer plus profondément dans le sol. Au milieu de la confusion Crista capta une silhouette apparaître devant elle et sentit la bête freiner. L'humain venait de frapper la base du cou du prédateur, juste au bon endroit. Son cimeterre s'était enfoncé d'une bonne quinzaine de centimètres dans la blessure, la créature se tortilla de douleur et l'assassin profita de cette pause pour se redresser et extirper ses armes du corps de sa victime. Elle fut surprise de voir la bête repartir subitement, mais cette fois-ci elle chuta sur le côté et la laissa s'échapper. Soupirant l'humain fit de même :

« - Vous vous en sortez bien mais je crois que nous ne pouvons plus rien pour votre amie. Seule la démence peut pousser quelqu'un à affronter un ténèbrant des dunes de la sorte ! »
Crista ricana et se releva souplement :
« - Imbécile... »

L'homme se contenta d'hausser un sourcil, interloqué. Il resta bouche bée lorsqu'il vit Hélèna se relever, à peine titubante. Elle était couverte de sang et il lui manquait un bras. Mais la blessure qui avait faillit la couper en deux avait disparue, l'armure même s'était aussi reformée ! Petit à petit le membre manquant se reconstitua : Os, muscle, chair, acier. Sans broncher la guerrière récupéra son bouclier.

« - Comment est-ce possible ? »
Ajustant son heaume Hélèna ne répondit pas à la question.
« - Ce ténèbrant a dû être attiré par la ruine de la cité, il y'a beaucoup de cadavres. Il a sous-estimé notre chair fraîche. Repartons et arrêtons-nous à minuit. »
Le ton de la femme de Vif-Argent était sans appels mais Crista ne pu s'empêcher de demander :
« - Pourquoi minuit, et pourquoi s'arrêter ?
- Je dois me reposer.
- Hein ? »

Tournant les talons Hélèna s'éloigna d'un pas rapide. Aux yeux de la mort vivante la combattante était immortelle, invincible et infatigable. Pourquoi cet arrêt soudain ? L'humain leur emboîta le pas mais n'essaya pas vraiment d'en savoir plus pour le moment, encore impressionné par ce qu'il venait de voir.

« - Pourquoi tu dois te reposer ?
- Pourquoi veux-tu savoir ? répliqua la guerrière sans broncher.
- Ce n'est pas ça la réponse... Merde qu'est-ce que tu es à la fin ? »

D'abord la combattante ne dit rien, laissant bouillonner Crista. Puis de manière mécanique elle articula quelques mots :

« - La guerrière de Vif-Argent.
- Si je te suis je veux savoir ce que tu es, car tu n'es pas humaine. J'arrive à croire que tu es une bête encore pire que mon sang noir...
- Je n'aime pas les mots, cette conversation m'insupporte, n'essaye pas de me parler maintenant. Plus tard peut-être. »

La voix glaciale et presque tintée d'arrogance énerva la tueuse au plus haut point. Elle hésita à planter ses lames dans le dos d'Hélèna, juste pour se défouler, car de toute manière cela n'aurait pas plus d'effet. Mais elle pouvait aussi riposter et essayer de la tuer avec une bien meilleure efficacité. Crista pesta et insulta la guerrière de manière acide.

La marche reprit dans un calme loin d'être serein. Le soleil alla bientôt se cacher derrière les roches asséchées pour laisser place à la fraîcheur de la nuit. Le ciel était magnifiquement étoilé. D'un oeil torve la mort vivante le contempla un instant, n'arrivant pas à le trouver beau. Elle se demanda comment les mortels pouvaient trouver un sentiment là dedans. Hélèna se mit à ralentir puis se stoppa de nouveau. Le groupe se trouvait au milieu de nulle part, entouré par des dunes animées par une brise légère.

« - Arrêtons-nous. »

Joignant le geste à la parole, surprenant Crista, la guerrière de Vif-Argent s'agenouilla dans un cliquetis d'acier. L'homme qui n'avait toujours pas abandonné s'assit lui aussi, sans se faire prier.

« - Je commençais a être un tout petit peu fatigué. »

Il sorti de nouveau sa flasque et en bu un trait. La tueuse serra les dents et lui jeta :

« - Un imbécile endurant... »

L'humain aux dreads eu un nouveau sourire.

« - Les guerriers comme moi utilisent des potions d'endurance, je n'ai plus besoin de dormir, de manger ou du boire. La magie y pourvoie pour moi. Cela coûte cher à fabriquer mais cela est très -...
- Silence, silence ! Je m'en fiche, fermes-là ! »

Crista, irritée par la situation s'en alla un peu à l'écart, laissant la maudite Hélèna et l'idiot d'humain se reposer. Elle n'arriver pas à cerner la guerrière... A trouver l'origine de cette faille, si sous l'invincibilité il y'avait une faiblesse potentielle. Car sans hésiter, à l'exception de Vankhar son ancien maître, l'assassin n'avait jamais rencontrée d'adversaire plus redoutable. Néanmoins Hélèna paraissait toujours modérer sa puissance, preuve qu'il devait y avoir une contrepartie à ce pouvoir incroyable.

Alors qu'elle s'éloignait encore un peu Crista sentie un vent glacial lui fouetter la nuque, soulevant ses mèches raidies par la crasse.

« - Qu'est-ce que... »
- Ne fais pas de bruits, parle dans ta tête, c'est Kretor. »

Le ton osseux et caverneux de la liche empli totalement l'esprit de l'assassin. Elle regarda autour d'elle mais il n'y avait pas de silhouette masquée dans les ténèbres.

« - Alors tu n'es pas mort ? Qui d'autre a survécu ?
- Le druide, Illéisis te traque toujours, mais cela est sans importance. Je viens t'avertir de certaines choses.
- Comment cela ? Tu sais ce que je fais en ce moment ? interrogea Crista, l'esprit animé par une soudaine curiosité.
- Oui, je suis tes mouvements par divination. Je sais aussi où est allé Ademènes, son pouvoir est grand et il ne fait absolument rien pour le cacher. D'après ce que j'ai pu observer il va a Harrogath, peut-être s'intéresse t-il aux vestiges de la Pierre-Monde. Il a levé une armée sur son passage... Je crois avoir vu clair dans son jeu... »

La liche s'arrêta un instant, comme si elle repensait à la situation. Elle capta l'impatience de la goule et reprit sa diatribe :

« - Il méprise visiblement les démons, je pense qu'il doit y'avoir une affaire entre lui et l'enfer, mais j'ignore laquelle. Il veut se venger. Peut-être en appelant les démons sur Sanctuary une nouvelle fois et les détruire ou les mettre en esclavage. Comme si cela était possible...
- Jusque là je ne vois pas où est le problème.
- Je me moque bien de l'avenir de Sanctuary moi aussi, mais je sais ce que tu veux faire, récupérer des âmes. Je te préviens juste de ce que tu pourrais rencontrer sur place : Une armée et des démons.
- Ta sollicitude m'honore, railla Crista.
- Je ne fais pas ça par bonté, cela sert mes intérêts, je t'aiderais toi et tes « associés ». Je te contacterais quand tu approcheras du nord, de manière physique. »
La voix de la liche commençait à s'estomper dans le crâne de l'assassin.

« - Attends, quels intérêts ? »

Mais l'antique sorcier était déjà parti.
Deux semaines s'étaient écoulées depuis le départ du désert. La compagnie avait marchée sans s'arrêter. Au damne de Crista l'humain était toujours là, il tenait bon grâce à sa maudite potion. Et il avait su défendre efficacement contre l'agression des quelques bêtes qui avaient interrompues le voyage, s'en sortant sans aucune estafilade. Les paroles échangées étaient peu nombreuses, Hélèna se faisait encore plus silencieuse depuis son arrêt brutal, avançant comme une machine à travers Sanctuary.

Le paysage avait beaucoup changé, le désert avait laissé place à une forêt clairsemée au fond d'un vallon. L'air était beaucoup plus frais, une brise à frémir secouait les feuilles. L'endroit n'était pas très gai, plutôt sombre inquiétant, un bois noir aux allures morbides. Cela sentait l'humidité et la terre vierge. Le groupe se trouvait sur la route du Nord, en direction d'Harrogath. Crista savait que l'accueil risquait d'être glacial, elle avait prévenue Hélèna des plans supposés d'Ademènes et de l'armée qui risquait de se dresser devant eux ainsi que de l'éventuelle arrivée des démons. Les deux femmes avaient d'ailleurs un point commun : La haine brutale de cette engeance.

Le sol commençait à se faire plus pentu, la route vers le Nord était encore assez longue. Le ciel lourd vibra, craqua, les nuages parurent se gonfler et ils éclatèrent soudainement en une violente averse. Un éclair sillonna l'horizon lorsque les première gouttes de pluie s'écrasèrent sur la terre. Crista grimaça, la pluie était réellement assourdissante. L'humain était enveloppé dans d'épaisses fourrures mais il souffrait plus du climat que lorsqu'il se trouvait dans le désert. Seule, comme d'habitude, Hélèna semblait se moquer du déluge. Les gouttes se fracassaient sur son armure, dégoulinant le long des plates. La pente fut grimpée au rythme des éclairs, une fois à son sommet elle redescendait brutalement dans une nouvelle vallée. L'endroit était escarpé et extrêmement glissant. Hélèna s'arrêta sur le début de la descente, scrutant le lointain. Elle retira lentement son casque et le mit sous son bras. Fronçant les sourcils Crista s'approcha, que se passait-il à présent ? La pluie colla les cheveux blonds de la guerrière sur son visage lisse, des gouttes perlant au bout de son menton.

« - L'averse n'est pas naturelle, dit-elle simplement. »

Sa voix était basse, quasiment couverte par le bruit.

« - Comment ça ? »

En apercevant le visage de la femme de Vif-Argent Crista comprit que quelque chose n'allait pas. Malgré la neutralité affichée de la combattante un spasme de colère contracta ses muscles un court instant.

« - C'est un cadeau de Jotun, expliqua t-elle acide.
- Que fait-il ici ?
- Je ne sais pas, mais il fait toujours ça. »

Crista allait poser une autre question mais la guerrière reprit la route. Les pierres devenaient traîtresses avec la pluie mais Hélèna dévala la pente sans plus de précautions. La mort vivante était agile et pu suivre sans problèmes le rythme de sa compagnonne mais l'humain fut un peu distancé. Voyant qu'aucune des deux ne jeta un regard un arrière il soupira et accéléra au risque de dégringoler. La coterie arriva en un seul morceau dans une forêt aussi sombre que la précédente. Un brouillard léger commença à slalomer entre les arbres, collé au ras du sol. Ca aussi ce n'était pas naturel. Crista était bien placée pour le savoir, elle se raidit en sentant une odeur qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle avança dans le bois, sortant ses armes.

Cette odeur c'était celle de la mort.

Quelques pas de plus et une dizaine de cadavres putréfiés s'avancèrent d'entre les arbres. Hélèna remit son casque et se posta en garde. Rapidement le groupe comprit qu'il était parfaitement encerclé par des vingtaines de squelettes et de zombis.

« - Tu ne peux pas parler à tes amis pour leur dire de se tenir tranquilles ? railla l'humain à l'attention de Crista.
- Crétin... »

Un corps s'approcha d'un peu trop et sa tête fut proprement arrachée par un revers de masse d'Hélèna. Le mort continua tout de même d'avancer jusqu'à ce que la guerrière l'est réduit en bouillie dans d'affreux craquements d'os. Secouant la tête Crista eue un pressentiment, le sorcier responsable de tout cela ne pouvait être que...

« - Krétor ! C'est nous liche ! »

Les morts avancèrent encore. L'assassin jura et planta sa dague dans l'oeil d'un premier assaillant, puis enchaîna rapidement en l'égorgeant. Elle termina en donnant un violent coup de pied dans le torse du cadavre qui fut envoyé plusieurs mètres en arrière. Sans magie il allait être difficile de se débarrasser d'autant d'adversaires...

« - KRETOR ! »

Se mettant dos à dos le groupe repoussa les premières vagues. L'humain trancha les mains tendues de deux zombis, puis cogna du plat de sa lame sur les crânes de ceux-ci pour les envoyer en arrière. D'une flexion de poignet il coupa un bras et cassa un genou d'un coup de talon. Sa victime tomba à la renverse en emportant un autre mort-vivant avec elle. Les râles lancinants des zombis s'intensifièrent, la marée pestilentielle avançait lentement mais sûrement. Hélèna donna du bouclier et de la masse pour essayer de tenir sa ligne, le sol boueux ne rendait pas la chose facile, chaque mouvement un peu trop précipité manquait de faire perdre l'équilibre. Les dagues de Crista décrivirent de meurtriers arcs de cercle, entamant profondément la chair pourrie des cadavres. Mais ce ne fut qu'une sorte de liquide noir et visqueux qui s'échappa des plaies, n'arrêtant en rien la progression des morts. Des bras se posèrent sur l'assassin, l'agrippant fermement. D'un geste elle en trancha un, puis deux, puis elle fut tirée dans la masse. Elle essaya de résister mais ses pieds glissèrent et elle tomba en avant. Son visage plongé dans une flaque d'eau elle se retourna instantanément, la pluie l'obligea à plisser les yeux, son champ de vision brouillé ne capta que les regards caves de ses assaillants. Alors qu'elle pensait être dévorée rien ne se passa, le temps semblait s'être arrêté.

Profitant de cet instant elle se releva d'un bond, les zombis ne bronchèrent pas d'un pouce. Totalement encerclée Crista n'arrivait pas à voir ou se trouvait le reste du groupe. Lentement les monstres s'écartèrent, reculant dans les ombres de la forêt. L'air devint alors encore plus froid, un vent puissant se mit à souffler, la pluie frappant maintenant à l'oblique.

« - C'est pas trop tôt, marmonna Crista, tes chiens de garde ont faillis nous avoir maudite liche !
- J'ai de nombreuses choses à surveiller, mais je ne pouvais permettre un tel désastre. »

La voix d'outre-tombe de Krétor s'accordait parfaitement avec le déluge. Parmi la nuée de mort-vivant une silhouette bien plus inquiétante s'avança. Dans sa vielle robe noire usée jusqu'à la corde le nécromancien aurait eu l'air anonyme si une épaisse aura de mal et de puissance ne s'accrochait pas à chacun de ses mouvements. Son bâton, d'apparence si simple, semblait pouvoir projeter des maléfices destructeurs à n'importe quel moment.

« - Par la Grâce, une liche... murmura l'humain en faisant un signe de protection. »

Krétor n'en tint par rigueur et se planta devant la compagnie, il fit un signe lent de la main et désigna Crista.

« - Je vais parler avec elle, vous restez ici pour l'instant. »

Hélèna ne broncha pas mais l'humain était nerveux. La guerrière de Vif-Argent ajouta tout de même à la déclaration :

« - Ne tardez pas trop, liche. »

Les os du sorcier grincèrent en une sorte d'assentiment puis il traça quelques traits dans les airs. Sans même prononcer un mot, lui et Crista disparurent dans un nuage de fumée qui stagna un instant au dessus du sol avant de filer droit vers une direction inconnue. Lorsque l'assassin reprit sa forme matérielle elle se trouvait à l'intérieur d'une structure en pierre, cela ressemblait à un laboratoire de magie.

« - Ou sommes nous ? Et pourquoi tu m'amènes ici ? demanda la voix impatiente de Crista.
- Dans un repère que j'ai construit pour l'occasion. Je lève une armée que je cache dans cette région désolée. Comme je l'ai dis je vous apporterais mon aide contre les démons, vous ne pourrez entrer dans le pays sans une diversion. »
Il marqua une pause et se tourna vers une des fenêtres de la pièce, fixant la pluie un instant.
« - Je déplore l'attaque de mes serviteurs, mais j'étais occupé dans l'éther à ce moment là, je ne pouvais les contrôler.
- L'éther ? Krétor arrête tes énigmes et dis moi ce que tu prépares... »
La liche sembla hésiter, comme si parler de ça l'ennuyait au plus haut point. Mais il fini par se résigner.
« - Il fut un temps ou j'étais humain, il y'a plusieurs millénaires. J'étais un nécromancien puissant qui fit face à la plus grande faiblesse des hommes : l'âge. J'avais plus de cent ans déjà lorsque je décidais de devenir une liche. Pour ta gouverne, enfermer son âme dans un phylactère est quelque chose de très compliqué, et il n'y a que deux moyens d'y arriver : Le faire par soit même, mais les risques d'échouer sont très élevés, à moins d'être Nagash en personne... Ou alors... »

Kretor se tourna de nouveau vers Crista, ses orbites rougeoyantes fixant la goule avec insistance.

« - Passer un pacte avec un démon suffisamment puissant. Je craignais tellement de mourir que j'ai choisis cette solution. Le démon s'appelait Vankhar. Il me conférait l'immortalité et en échange je me devais de le servir tant qu'il foulerait le sol de Sancturay. La guerre avec les démons n'éclata que plusieurs centaines d'années plus tard, mais à partir de cet instant je fus obligé d'obéir au moindre de ses caprices. Jusqu'à ce qu'on l'assassine.
- C'est passionnant mais pourquoi tu me racontes ça, liche ? lança Crista un peu lassée.
- Car en participant à sa mort j'ai brisé le pacte, et en brisant ce pacte j'encoure une peine bien précise. Un être dont je ne connais ni la forme, ni le nom, viendra à un instant pour me détruire, et aucun des pouvoirs que je pourrais contrôler ne saurais l'empêcher. C'est le Vengeur, celui qui puni ceux qui ne respectent pas les accords passés avec les anges où les démons. Je sondais l'éther pour en apprendre plus sur sa nature, essayer d'entrevoir une fenêtre sur le futur, mais je n'ai rien vu. »

Crista n'avait jamais entendue parler d'une telle créature. Mais pour que Krétor arrive à la craindre c'est qu'elle devait être d'une puissance phénoménale.

« - Mais le Vengeur peut-être vaincu, cela a été fait par le passé. Mais il ne peut être vaincu par sa victime. Je crois que tu comprends l'accord que je veux réaliser...
- Tu nous aides à tuer Adémènes et ensuite on t'aide à tuer le Vengeur ? proposa Crista en croisant les bras.
- C'est cela. »

L'assassin pesa la situation pendant un instant. Elle avait envie de récupérer une âme. Il paraissait impossible de franchir les nombreux obstacles qui se dressait devant elle pour y arriver. Il fallait vaincre une armée entière, et pour cela il fallait une autre armée. Les seuls soldats à dispositions étaient la légions de cadavres de Krétor, qui ne coûtait ni argent ni nourriture et qui ne se rebellerait jamais en affrontant les démons. Il aurait été stupide de refuser pareille proposition. Quant au Vengeur si il avait déjà été vaincu...

« - Très bien, siffla Crista, j'accepte. Je t'aiderais par la suite.
- Bien. Je te ramène avec tes compagnons. »
Mais avant que le sorcier incante l'assassin s'exclama :
- Attends ! J'ai une autre question... »
Se figeant dans son geste la liche attendit les mots de la tueuse.
« - Hélèna... Tu sais de nombreuses choses sur le monde, sais-tu ce qu'elle est ? »
Le crâne de Krétor hocha de l'affirmative et il expliqua de son ton morne :
« - Comme tu t'en doutais elle n'a rien d'humain. J'ai fais des recherches à son sujet, son titre m'a interpellé. J'ai regardé dans ce livre, il désigna un énorme tome posé sur une table à côté d'eux, écrit par un invocateur Vizerej nommé Magynar. Ce mage a écrit comment créé des golems de Vif-Argent.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? Elle n'a pas l'air d'un golem, elle est faite de sang et d'os.
- Le Vif-Argent est une matière magique très rare et précieuse, ses capacités sont illimitées. Il parle d'une unique expérience... »

Le corps grinçant de Krétor se dirigea vers le livre, d'un geste ample il l'ouvrit à la moitié où se tenait un marque page. Sur les feuilles de parchemin jauni une femme parfaite était dessinée, le corps nu correspondait en tout points à celui d'Hélèna. Des runes étaient tracées tout autour, relatant les faits de l'expérience.

« - Il se trouve qu'il a fondu le Vif-Argent, qui est normalement un métal, pour créer une statue réalisée par un maître artisan. Il a ensuite réalisé plusieurs centaines de rituel pour exacerber la magie de ce matériel. Il en a résulté l'être que tu connais, il devait s'agir d'un garde du corps, comme les golems. »
Refermant l'ouvrage la liche enchaîna sur le même rythme traînant :
« - Le Vif-Argent a réussit à donner une conscience propre à la machine qu'est Hélèna, mais ce n'est qu'une marionnette sans âme. Elle est donc assez proche de toi... »
La phrase énerva Crista, elle n'aimait pas être comparée à une « marionnette sans âme » même si cela était tristement vrai...
« - Mais a-t-elle une faiblesse ? demanda l'assassin pour changer du sujet de l'âme.
- Les rituels lui ont insufflés une parfaite maîtrise de la guerre. Le Vif-Argent la rend inépuisable et lui donne la capacité de se reconstituer à une vitesse effroyable. Elle ne perçoit pas les choses comme les humains, mais elle ressent les flux de mana autour d'elle... Elle voit tout ce qui n'est pas masqué par des sortilèges. Magynar ne parle pas d'éventuels points faibles. Il décrit sa création comme parfaite.
- Elle doit en avoir, répondit Crista, elle a demandée un arrêt lors de notre marche, sans donner de raison. Elle est tombée à genoux à minuit. Si c'est une machine peut-être à t-elle besoin de se recharger d'une manière ou d'une autre.
- Peut-être un effet du Vif-Argent... Ou un rapport avec le fait qu'elle ne soit plus sous le contrôle de Magynar, mort il y'a plusieurs centaines d'années.
- Sûrement... souffla la goule toujours aussi perplexe. »

Krétor retraça les mêmes gestes qu'auparavant et les deux individus se transformèrent de nouveau en fumée. Ils se matérialisèrent devant Hélèna, la pluie ne s'était toujours pas arrêtée. L'humain se tenait à l'abris sous un arbre tandis que la guerrière se moquait éperdument du temps.

« - Continuez votre route, articula la liche, je saurais vous ouvrir le chemin au meilleur instant. »

Crista hocha la tête et s'éloigna en prenant la tête de la marche. Hélèna emboîta le pas, rattrapée par l'humain agacé. Alors qu'ils sortaient tout trois du champ de vision des zombis l'homme ne pu s'empêcher de demander :

« - Que s'est-il passé ? Ce sorcier est-il ton maître ?
- Ca ne te regarde en rien, sache juste qu'il va nous aider à entrer dans le Nord, il fera diversion et mobilisera la majorité de l'armée d'Adémènes pour que nous puissions le frapper lorsqu'il ne s'y attendra pas. »

Le type ne paru pas totalement convaincu par la réponse, mais il savait qu'il ne devait pas trop insister. Maugréant à voix basse il prit la dernière place dans la file et replaça la capuche de son manteau.

Ils marchèrent jusqu'à ce que l'averse cesse enfin, laissant place à un soleil maladif. Le ciel restait lourd et menaçant mais au moins le silence était revenu. Toute la végétation était alourdie par les litres d'eau qui étaient tombés, les branches des arbres pointaient vers le bas, comme si elles voulaient se saisir des voyageurs. Le vallon fut traversé sans autres encombres, il fallut encore plusieurs jours pour atteindre un paysage bien plus plat. A présent des plaines s'étendaient à perte de vue devant la coterie. Des herbes qui arrivaient jusqu'à mi-mollet poussaient sur toute la terre. Un vent léger les faisait osciller comme l'onde à la surface de l'eau. Cette même brise faisait défiler les nuages devant un soleil couchant aux rayons orangés. L'endroit était vraiment magnifique.

« - Ce soir nous nous arrêtons, déclara Hélèna. »

Cette fois-ci Crista ne pu tenir et s'exclama :

« - J'aimerais savoir pourquoi, cela nous fait perdre du temps. La guerrière de Vif-Argent s'arrête pour quelle raison ? »

L'humain paraissait lui aussi intéressé et s'approcha un peu plus de la conversation.

« - Je ne parlerais pas de ça, c'est ainsi.
- Je sais ce que tu es, avoua Crista.
- Tu ne me connais pas. Tu ne te *connais* pas non plus. »

La combattante insista particulièrement sur le mot « connais », l'assassin avait déjà remarquée ça lors de leurs précédentes discussions. Hélèna allait reprendre la marche lorsque Crista l'interpella de nouveau :

« - Je crois surtout que toi non plus tu ne te *connais* pas, si je comprends bien le sens de ce mot. Tu es une machine, tu n'as pas de raison d'être, comme moi. Tu t'en aies rendue compte car tu as une conscience... Comme moi. »

Les yeux entièrement blancs de la guerrière fixèrent violemment l'arrogante goule qui se tenait en face d'elle.

« - Je ne suis pas comme toi. »

Le ton glacial d'Hélèna n'impressionna pas Crista qui se contenta de ricaner.

« - Ah bon ? Alors dis moi... Un sorcier t'a donnée naissance, façonnée dans un acier magique. Tu l'as servi durant des centaines d'années, des années de stupide servitude, puis à sa mort tu as errée en tuant des gens, sans ressentir la moindre émotion. Et nos buts sont communs : retrouver une âme. C'est cela que t'avais promis Adémènes ? »

La combattante se contenta d'inspirer d'une manière dangereusement calme. N'obtenant pas de réponses Crista enchaîna :

« - Tu n'es qu'une marionnette dénuée de vie, tu es vide, un ersatz d'existence. Tu te connais encore moins que moi car tu n'as aucun passé. Tu as juste essayée de comprendre mais tu n'y ais pas arrivée car il n'y avait rien à comprendre à ta condition minable. »
Elle s'arrêta puis compléta d'un ton railleur :
« - Tout comme moi. Nous ne vivons que de colère. Et nous ne connaissons même pas le sens de ce sentiment puisqu'il est permanent. »

D'abord elle ne bougea pas, puis Hélèna croisa ses bras d'acier.

« - Je m'arrête pour capter les effluves de mana qui composent le monde et trouver notre chemin. L'énergie que j'emmagasine aussi à cet instant permet de reconstituer la magie qui m'anime.

Sinon... Je tomberais comme une poupée désarticulée. »

La dernière phrase avait été ajoutée d'une manière étrange, teintée d'amertume et de tristesse contenue. Mais Crista savait très bien qu'en réalité il n'y avait que de la rage en ces mots. Elle le savait car elle n'était jamais triste, la haine remplaçait ce sentiment.

« - Je ne parlerais plus de ça. »

L'assassin n'insista pas plus, elle en savait assez et elle avait mit Hélèna à court d'arguments. Le groupe se fraya un passage dans les herbes de la plaine, la brise douce était apaisante pour ceux qui pouvaient la ressentir. A quelques mètres un arbre millénaire se dressait au milieu de ces étendues, comme une île au milieu de la mer. Sa cime devait facilement faire quinze à vingt mètres de haut, très large et massive. C'était un chêne colossal, il devait avoir vu plus d'empires s'effondrer que n'importe qui ici. Hélèna s'arrêta face à l'arbre, posa son bouclier contre l'écorce avec sa masse et son casque puis se mit à genou. Crista se jeta entre deux immenses racines qui lui servaient d'accoudoir. L'humain s'assit en face d'elle, ce qui ne manqua pas de l'agacer. Posant son sabre devant lui il releva sa capuche.

« - Ton but est de retrouver une âme ? »

Levant lentement les yeux vers le questionneur Crista servit un sourire malsain :

« - C'est pour ça que tu es là... »

Ne se démontant pas pour autant l'humain répliqua :

« - Je n'ai jamais vu de mort comme toi avant... J'ai tué beaucoup de squelettes et de goules durant la guerre, mais aucun n'était capable de penser. J'imaginais que seules les liches en étaient capables. Ton existence doit réellement être pénible, je comprends ton choix.
- Abruti, tu crois vraiment que j'ai en quelque chose à foutre de ta compréhension ? Le jour où je te demanderais ton avis, c'est à dire... Jamais ; ça sera juste pour savoir comment tu souhaites que je te fasse fermer ta gueule.
- Tu détestes toutes choses vivantes car tu es jalouse. Tu ne hais pas la femme de Vif-Argent juste parce qu'elle est comme toi. Mais tu n'arrives pas non plus à l'apprécier, analysa l'humain.
- Si tu continue comme ça tu mourra bien avant de rencontrer ton ennemi, siffla Crista.
- Je m'appelle Siddayi, de la famille...
- Pitié je m'en fiche...
- Rebranhim. »

Au dernier mot Crista ouvrit grand les yeux, instinctivement ses mains se dirigèrent vers ses dagues. L'humain capta le mouvement et saisi la poignée de son arme. Les deux combattants se figèrent dans leur élan, se jaugeant un instant. Profitant de cette pause l'homme demanda d'un ton méfiant :

« - Que se passe t-il dans ta tête ?
- Je connais assez peu de mots de ta langue, mais j'en connais suffisamment pour savoir que Rebranhim veut dire vengeur ?
- Ca signifie plutôt punisseur, voir parfois rédemption suivant le sens de la phrase. »
Crista fit mine de se détendre et de ranger ses lames.
« - Pendant un instant j'ai cru que tu faisais parti de la famille qui m'avait assassinée, menti t-elle. »

Siddayi se contenta d'hausser les épaules puis il se leva et s'éloigna un peu en lançant une dernière phrase :

« - Je ne fais pas parti d'une famille de tueurs, nous avons toujours combattu pour Luth Golhein en détruisant des démons ou des morts vivants.

Cela pouvait être un pur hasard mais pour l'assassin ce nom sonnait comme un signe après ce que lui avait dit Krétor. Il était possible que le vengeur lui-même ignore qui il est pour éviter qu'il ne se trahisse. Un élu désigné par les puissances pour frapper au moment opportun. Mais il n'y avait rien de mieux que de garder ses ennemis près de soi pour mieux les contrôler. Si Siddayi n'était pas encore le vengeur il ne valait mieux pas le tuer car dans ce cas une autre personne allait prendre sa place. Et il pouvait être utile dans les contrées humaines. Crista allait juste devoir garder l'oeil ouvert.
Le village avait été fortifié récemment, des palissades de bois dressées tout autour des maisons de pierres. Autour, la forêt avait été abattue pour laisser le champ libre aux archers, des douves avaient même été creusées pour ralentir au maximum les éventuels assaillants. L'afflux de réfugiés était si important que la petite bourgade avait triplée de population. Il n'avait pas non plus été difficile pour Crista et sa compagnie d'entrer discrètement. Le groupe s'était procuré des vêtements sales et suffisamment amples pour cacher leurs armes et leurs armures. Seul l'impressionnant bouclier d'Hélèna était encore visible, mais les guerriers ne manquaient pas dans la région...

Une auberge bondée se dressait juste à l'entrée de la ville, c'était le repos prisé par tout les arrivants après leur marche harassante dans les montagnes hostiles du Nord. Deux semaines de plus s'étaient écoulées depuis le départ du groupe. Crista se tenait dans une ruelle attenante à la taverne, dans l'ombre et au frais. Hélèna était à côté d'elle, droite comme un I. Pendant ce temps Sidd devait récolter des informations sur la situation. La goule commençait à s'impatienter, et le fait de voir tous ces vivants n'améliorait en rien son exaspération. Le bruit des conversations, les cris et les rires l'agaçait encore plus. Elle n'avait plus l'habitude d'aller dans des villes où il n'y avait pas que des cadavres étalés sur le sol.

Siddayi revint enfin de l'auberge, il avait relevé sa capuche, son visage tranchait avec les nordiques. Mais il n'était pas le seul à venir de pays lointains, les réfugiés venaient de toutes part. Il jeta un coup d'oeil autour de lui, esquiva un type ivre qui manqua de lui tomber dessus et se dirigea vers la rue sombre. Hélèna lui intima de parler d'un mouvement de tête.

« - La nouvelle Harrogath est totalement dominée, toutes les grandes villes sont tombées, il ne reste plus rien des armées barbares. Les démons marchent de nouveau sur Sanctuary... Mais ce qui intrigue le plus c'est qu'un homme soit à la tête des damnés et qu'il proclame haut et fort sa domination prochaine sur ce monde !
- Nul doute qu'il s'agit d'Adémènes... Mais comment a-t-il fait pour mettre les diables à sa botte ? s'interrogea Crista.
- Personne ne le sait. Un nom circule aussi énormément parmi les nordiques : Drakkor Lame-Tonnerre. Il serait le dernier chef de guerre en vie, un descendant supposé des premiers et fiers combattants barbares. C'est lui qui commanderait la résistance... Il a emmené les survivants aux coeurs des montagnes pour organiser une guérilla.
- Adémènes aurait le pouvoir de tous les tuer, assena Hélèna d'un ton morne.
- Il aurait arrêté de diriger l'offensive lui-même, il semble occupé à autre chose. Ses démons parcourent les pics pour y trouver les survivants. Et ne se sont pas encore lancé dans l'assaut des autres contrées... »
Crista s'adossa au mur derrière elle, les bras croisés. Elle réfléchi à voix haute :
« - Que peut-il fabriquer ? J'aime de moins en moins cette histoire... Si il est arrivé au point de dominer les enfers je ne sais pas si on pourra le tuer.
- Il faut en apprendre plus sur lui avant de l'attaquer, suggéra Sidd. »
Ne pouvant contredire les faits Crista se contenta d'ajouter :
« - Les démons sont capricieux il y'a peut-être un moyen de les retourner contre leur nouveau maître par un moyen ou un autre. »

Elle tourna ensuite la tête vers Hélèna pour voir si celle-ci avait une quelconque réaction face à la situation mais elle semblait totalement absente. Haussant les épaules l'assassin ne s'alarma pas mais soudainement la guerrière de Vif-Argent annonça :

« - Ce village va être attaqué. Des démons l'encerclent en ce moment même.
- Quoi ? ! S'exclama Sidd. »

Au même instant des cors résonnèrent dans toute la petite ville. L'agitation gagna rapidement toute l'avenue principale ou des dizaines de types armés déboulèrent en courant. Sur la palissade on se préparait déjà à encocher les flèches. Les cris des femmes vrillèrent aussi les oreilles de Crista.

« - On fait quoi, hurla t-elle par-dessus le vacarme.
- Il n'y a pas d'issues, combattons. »

Sur ces mots Hélèna arracha ses vêtements minables et mit son magnifique plastron à jour. Elle s'élança dans la rue avant même que l'assassin n'est le temps de contester. Exaspérée Crista vit Siddayi hausser les épaules et s'éloigner à son tour. Elle dégaina ses armes et s'avança la suite, l'air siffla au dessus de sa tête et lorsqu'elle leva les yeux un énorme boulet de catapulte enflammé aller l'écraser. Jurant copieusement elle réalisa une roulade pour éviter l'impact. L'imposant projectile secoua la terre et explosa le bâtiment qui se trouvait juste derrière elle quelques secondes plus tôt. Une partie du pan de mur s'effondra sur Crista alors qu'elle se relevait. Les pierres recouvrirent sa vue pendant un instant, meurtrie par le choc elle hurla de rage. Un de ses bras s'extirpa de l'ensevelissement et poussa les blocs pour lui permettre de sortir.

« - Je vais les tuer... ! »

Haineuse elle fit quelque pas pour retrouver son équilibre et perçu le souffle d'une nouvelle explosion. Mais cette fois elle n'était pas directement visée. Faisant volte face elle vit la palissade qui était au bout de la ruelle voler en éclats. Elle jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, l'avenue principale était toujours aussi bondée, elle décida de combattre ici. Les dernières échardes retombèrent et lorsque la fumée se dissipa une volée de démon enjamba les débris. Si ils prévoyaient une quelconque résistance ils ne s'attendaient sûrement pas à voir une silhouette seule, encapuchonnée dans un manteau miteux, au milieu de la rue. Crista avait quasiment l'air d'une mendiante.

Hurlant un cri incompréhensible le premier monstre s'avança, il s'agissait de la classe la plus basse des enfers : un déchu. Un diablotin à deux pattes stupide, piailleur et faible. Il allait tendre son épée pour tuer l'assassin lorsque celle-ci esquissa un geste si rapide qu'il ne pu que cligner des yeux. Il ne comprit même pas pourquoi il y'avait une dague plantée dans sa gorge. La créature tomba à la renverse et ses compères hésitèrent. Finalement ils se jetèrent tous à l'unisson, n'ayant toujours pas vraiment saisi la situation.

Crista effectua un ballet mortel avec ses pitoyables cavaliers. Elle avançait et anticipait toutes les attaques, esquivant avec souplesse, piquant ses ennemis au visage ou à la gorge, ne laissant que des mortels sillons sanglants dans leurs chairs. Mais alors qu'elle venait de tuer un fuyard d'un rapide coup de dague dans la nuque celui-ci se releva comme si de rien était. Agacée Crista leva les yeux vers l'auteur de cette farce : Un sorcier déchu qui balançait son bâton tordu de gauche à droite. Il incanta une petite boule de feu que l'assassin esquiva d'une roulade. D'un mouvement continu elle se releva et lança une de ses dagues qui se planta violemment dans le front de sa cible. Le monstre loucha stupidement avant de s'écrouler. S'élançant pour récupérer son arme, Crista croisa le diablotin ressuscité qui tenta de la frapper en pleine course mais elle lui donna un coup de pied brutal dans la mâchoire. La créature sonnée ne vit pas arriver le coup de grâce. Soupirant de mépris l'assassin ramassa sa dague et se mit en garde : Après cette introduction lamentable une nuée d'hommes boucs arrivaient en mugissant.

Un tir de catapulte manqué arracha une partie de la charge, fauchant trois démons qui disparurent définitivement du champ de vision de Crista. Les survivants ne ralentirent pas pour autant. Le premier brandissait une lourde hache à deux mains, son coup fuit puissant mais maladroit. Emporté par sa charge la tueuse le fit tomber d'un croc-en-jambe, elle recula et admira le spectacle : Les autres attaquants trébuchèrent et se piétinèrent les uns les autres. Profitant de la confusion Crista réalisa sa macabre moisson d'égorgements. La seconde ligne lui tomba rapidement dessus, elle esquiva un coup d'épée en lacérant le bras de son propriétaire au passage. Une seconde lame la menaça sur sa droite, cette fois-ci elle feignit de ne pas voir l'attaque et l'évita au dernier moment, la posture en fente de son adversaire lui permit d'enfoncer sa dague dans le cou poilu de la bête. Elle retira l'arme et recula d'un pas pour éviter une masse hérissée de pointes meurtrières. Un coup de pied dans le torse pour repousser ce nouvelle assaillant et un bond sur la droite pour échapper à une hache. L'espace vital de Crista commençait à être sérieusement menacé. Elle ne pouvait combattre autant d'ennemis à la fois. Le bouc qu'elle avait blessé revint à la charge, l'assassin se baissa pour esquiver un coup de taille tout en continuant à avancer, elle se redressa juste en face du démon, ses deux dagues plantées en croix dans le ventre de la bête. Lorsque Crista les extirpa une masse de viscères fumants coulèrent sur le sol.

D'autres cris retentirent alors derrière elle, une bande de nordiques venait de débouler pour contrer l'afflux infernal. Crista recula en déviant une épée et en égorgeant un démon un peu trop précipité. Poussant le cadavre d'un coup de pied elle fit tomber un autre assaillant. Sans perdre plus de temps elle s'écarta de la charge des humains. En une seconde l'acier hurla dans les deux camps. La mort-vivante quitta peu à peu l'affrontement, elle ne voulait pas qu'un des humains ne s'aperçoive de sa nature...

Lorsqu'elle déboucha sur l'avenue principale elle constata le chaos incroyable qui régnait sur la petite ville. Nombre de bâtiments étaient en feu et la porte principale avait déjà cédée. La bataille ne pourrait clairement pas être gagnée, le déséquilibre des troupes en présence était trop important. Crista n'avait pas envie de tomber entre les mains des stupides démons, il lui fallait trouver une solution de fuite assez rapidement. Mais soudainement un rugissement surpuissant couvrit les cris de tout les combattants, un unisson qui arrêta même l'affrontement durant un instant. Les têtes se tournèrent vers les montagnes qui surplombaient la ville : Sur les flancs courraient des milliers de bêtes. Des ours, des loups, des cerfs et d'autres créatures plus méconnues qui venaient des profondeurs de la forêt... On comptait parmi elles des homme-arbres, des métamorphes, des dryades ou encore des faunes. Une véritable légion descendait en direction des armes de siège des démons. Crista avait une idée sur le responsable de cette étrange armée. Ses doutes furent de nouveau confirmés lorsque le ciel se mit à gronder, d'épais nuages noirs s'accumulant au dessus des infernaux. La foudre frappa en plein coeur des lignes ennemies, les cris de désespoir des monstres carbonisés donnant de la hargne aux humains survivants.

Crista s'élança alors vers la ligne de défense des portes principales, autant faire quelques morts de plus. Ses lames trouvèrent rapidement une victime à trancher. Se frayant un passage à travers les humains acharnés elle tomba nez à nez avec un infernal rouge sang. Le regard méprisant du démon se posa sur Crista, elle devina immédiatement qu'il devait s'agir d'un officier. Il portait une armure de plate et une lourde épée bâtarde crantée. Son acier venait tout juste de fendre un adversaire en deux. L'assassin couru vers lui et lorsque l'arme de l'infernal fila en un coup de taille furieux elle réalisa une roulade en avant pour l'esquiver. Se relevant d'un bond juste sur le flanc du démon elle lui planta une dague en plein dans l'épaule, aux jonctions de son armure. Crista enchaîna d'un coup de pied latéral dans le plastron de son adversaire qui tituba en arrière. Le monstre ne s'attendait sûrement pas à une telle résistance de la part de cette étrange silhouette encapuchonnée. Il tenta de se remettre en garde mais la goule était déjà sur lui, le lardant d'estocs rapides. Dans un ultime sursaut il para une dague qui lui visait la gorge et riposta d'un coup de poing. L'assaut fut aisément évité par Crista qui se pencha en arrière. A peine remise en position qu'elle se glissa souplement sur le côté du démon pour lui attraper un bras et planter une lame dans le creux de son coude. Il hurla de douleur avant d'être promptement achevé, il n'avait pas fait un pli.

L'ennemi reculait, mais il savait très bien qu'il ne pourrait fuir : L'armée sylvestre l'avait déjà prit à revers. L'offensive en tenaille écrasa les infernaux qui n'étaient plus du tout supérieurs en nombre. Lorsque Crista avança dans la mêlée elle repéra Hélèna qui était en tête des humains, balayant la racaille démoniaque sans trembler. Un seul coup de sa masse suffisait à faire éclater les têtes hideuses des monstres. Alors qu'elle s'attardait un instant sur l'avancée destructrice de la guerrière de Vif-Argent, Crista fut renversée par un démon colossal affublé d'une tête de porc. Il aurait eu l'air ridicule si il ne tenait pas une immense hache à deux mains. Le monstre l'avait chargée et l'assassin était tombée en arrière. Ses réflexes l'empêchèrent de s'écraser lamentablement et elle se releva en un rien de temps. Un groupe d'humain se jeta alors sur lui. Son arme faucha une tête, il grouina et para une attaque conjointe. Son erreur était d'avoir perdu Crista de vu pendant une fraction de seconde. La tueuse se trouvait sur son flanc découvert et sans hésiter elle s'accrocha à son épaule pour se catapulter sur son dos. D'un geste souple elle planta ses dagues de chaque côté de la gorge du monstre. Un véritable flot de sang gicla lorsqu'elle retira ses armes. Elle exulta mais lorsque qu'elle se rétablit au sol elle se rendit compte que quelque chose n'allait pas : Les humains la fixait avec d'un air étrange. Elle remarqua que sa capuche était tombée durant sa manoeuvre.

« - Merde... »

Les démons se firent écraser, les gagnants hurlèrent alors en coeur. La clameur se répercuta à travers les cimes des montagnes. Crista se retrouva encerclée par des épées tendues. Elle ne comptait pas non plus poser ses armes.

« - Tu es... »

La goule coupa l'humain d'un ton énervé :

« - Une morte, oui je sais merci ! Je combat avec vous et estimez vous en heureux... Alors arrêtez de me menacer comme ça ou ça va mal finir ! »

Un des guerriers à la longue barbe blonde ricana d'une voix rauque et puissante. Ses camarades l'imitèrent de manière plus timide. Il désigna Crista de sa main libre et lança :

« - Je ne crois pas que tu sois en position de négocier. Poses tes armes où c'est toi qui va mal aller... »

Mais la phrase de l'homme fut couverte par d'autres hurlements qui se rapprochaient de plus en plus.

« - Gloire à la grande guerrière ! Gloire à son bras destructeur ! »

Crista vit Hélèna suivie par plusieurs dizaines de soldats survoltés. Elle ne semblait même pas y faire attention, totalement détachée de la situation. Mais lorsqu'elle s'arrêta près du cercle qui retenait Crista toutes les têtes se tournèrent dans sa direction.

« - Cette goule est avec moi, j'en ai besoin. Ceux qui y toucheront modifieront mes objectifs, elle ajouta d'un ton encore plus froid, et je tuerais ceux-là. »

Les clameurs cessèrent, remplacée par des chuchotements surpris. Le barbare blond, qui semblait en fait être le chef, hésita un instant avant de prendre la parole :

« - Qui es-tu pour marcher avec une morte ?
- La guerrière de Vif-Argent, répondit une voix grave et profonde. »

Hélèna grimaça juste à l'entendre. Escorté par des faunes et des dryades, un colosse bien portant s'avança. Il était plus grand que le plus fort des combattant présent, et plus massif que n'importe lequel des ours qui l'accompagnait. Mais ce n'était pas tant sa stature qui imposait, mais plutôt l'incroyable impression de calme et de puissance qui en émanait, un peu comme une tempête sur le point d'éclater. Un sourire étira le visage barbu du druide alors qu'il l'ajoutait :

« - Et moi je suis Jotun ! Quand j'ai vu les démons ici je me suis dit qu'un peu d'aide ne serait pas de refus. Hélèna et moi sommes de très bons amis, et les amis de mes amis sont mes amis. Donc la morte ici est libre si vous voyez ce que je veux dire... »

Son sourire éclatant ne le quitta pas. Il croisa ses mains sur son gros ventre et avança encore un peu, dépassant Hélèna qui le fixait avec un visage crispé.

« - Avec l'aide qu'elle vous a apporté vous bien la laisser tranquille. Nos objectifs sont tous communs : Nous débarrasser du tyran qui vient de s'établir. »

Personne n'aurait osé défier Jotun et son armée. De plus ses paroles tenaient du bon sens absolu.

« - Oui vous avez raison, admit le chef barbare, et nous vous remercions pour votre aide. Nous sommes fier de combattre aux côtés de Gaïa, les druides ont toujours étés nos alliés. »

Les armes des humains se baissèrent progressivement, Crista jeta un ultime regard de mépris à leur attention. Haussant les épaules elle quitta le cercle en remettant sa capuche. Jotun lui fit signe de venir avec lui.

« - Nous devons discuter entre nous, si vous voulez bien nous excuser... Après il faudra aussi que je vous parle à vous. »

Le blond hocha la tête et lança des ordres à ses hommes, il restait la moitié de la ville à éteindre. Les trois immortels s'éloignèrent dans un endroit plus calme et plus isolé. A peine eurent-ils fait trois pas qu'Hélèna interpella Jotun.

« - Druide, ton arrivée inopportune est des plus agaçante.
- Je prendrais cela comme un compliment... Après tout vous ne me devez qu'une vie, rétorqua le géant d'un ton ironique.
- Suffit. Qu'est-ce que vous voulez ? »

Crista se contenta d'écouter, mais la haine que semblait nourrir la guerrière vis-à-vis du druide l'intriguait.

« - Ce que je veux ? Rien... Juste vous apporter mon aide.
- Nous avons déjà de l'aide, signifia Hélèna. »

Le colosse fut secoué d'un rire franc et puissant. Posant ses mains sur ses hanches il prit quelques secondes pour redevenir sérieux.

« - La liche ? Oui elle vous aidera je pense... Je me doute déjà de ce que vous voulez tenter : L'assassinat d'Adémènes. Mais vous n'irez pas très loin pour deux simples raisons... »
La guerrière de Vif-Argent inspira lentement, elle paraissait au bord de la rupture.
« - D'abord pour l'approcher sans vous faire repérer il vous faudra un moyen de vous masquer à sa magie. Et il se trouve... Que je possède ce moyen. Deuxièmement vous n'avez absolument aucune chance de le battre. Je ne sais pas ce qu'il prépare exactement mais la terre est déjà déchirée, les pouvoirs qu'il a accumulés sont bien trop puissants. Le combat de Vankhar suffira à vous rappeler que vous ne pourrez gagner sans magie, la force des armes est bien trop insignifiante pour lui. »

A cet instant quelque chose interpella Crista, un détail auquel elle n'avait pas pensée depuis le départ. Elle ne pu retenir la question qui lui brûlait les lèvres :

« - Lorsque Vankhar a réalisé son rituel pour capturer les âmes il n'a cessé de nous rappeler que seuls les démons pouvaient en bénéficier. Comment Adémènes a-t-il pu le retourner à son avantage ? »

Un nouveau sourire étira l'épais visage de Jotun. Il toussota et répondit à voix basse, comme si il évoquait le plus grand secret :

« - Hé bien... Il se trouve qu'Adémènes n'est pas un humain et que Vankhar a oublié de préciser que le rituel pouvait marcher avec n'importe quelle créature d'ascendance planaire... Un démon ou... Un ange ! »

Crista haussa un sourcil, la révélation ne manqua pas de l'intriguer. Un ange ? Comment était-il arrivé ici ? Comment était-il arrivé si bas dans l'échelle de la décadence ?

« - Pour le peu que je sais de lui Adémènes n'est pas son vrai nom, c'est un archange banni des cieux pour une raison que j'ignore. La majorité de ses pouvoirs ont été confisqués. Vankhar était l'occasion pour lui dans retrouver d'autres, encore plus puissants. Il n'a pas été difficile pour lui d'extirper le rituel à la carcasse mourante du démon. Lorsque je l'ai aidé j'ignorais ses réelles motivations, je savais qui il était mais il parlait de rédemption. Je pensais qu'il voulait tuer Vankhar pour essayer de ses racheter aux yeux du Paradis. Je ne ferais pas deux fois cette erreur. »

Le ton du druide était devenu grave, Crista se rappela a quel point le magnétisme d'Adémènes était puissant, il paraissait pouvoir obtenir n'importe quoi de n'importe qui. Mais néanmoins elle se douta qu'il ne s'agissait que d'une partie de la vérité. Un immortel comme Jotun ne se serait pas engagé a son service pour une raison aussi faible, il devait y'avoir une contrepartie. Contrepartie probablement flouée par le départ précipité du Porteur de Douleur après la mort de Vankhar.

- Histoire intéressante, lança Hélèna, mais que veux-tu vraiment ? »

Jotun passa une main dans son énorme barbe, puis descendit sous le col de sa vieille toge. Dans son poing il tenait à présent une étrange lame. L'arme devait faire une trentaine de centimètre de long et ressemblait à une dent d'un animal colossal. La garde était faite d'une simple bande de cuire enroulée.

« - C'est une dent dragon, enchantée par mes soins. Une frappe de cette arme suffit à drainer la magie hors du corps de sa victime. Elle pourrait briser le rituel et laisser échapper les âmes, ainsi que priver Adémènes de ses pouvoirs pendant un instant. Inutile de dire qu'elle est votre seul salut. »

Il la tendit à Crista. L'assassin fixa l'arme rudimentaire. Elle avait du mal à croire qu'autant de pouvoir soit enfermé là dedans. Néanmoins elle n'avait aucune raison de croire à un mensonge. Sans trop hésiter elle se saisit de l'étrange dague, c'est à cet instant qu'elle comprit. Un léger picotement parcouru son corps, la garde de l'arme paru crépiter entre ses doigts. L'objet paraissait être gorgé de magie. Le druide arbora un nouveau sourire :

« - Et ne l'utilisez pas sur moi, la terre me protégerait. »

De quelle manière Crista ne souhaitait pas le savoir.

« - Que gagnez vous à faire ça ? demanda t-elle méfiante.
« - L'équilibre de toute chose. La nature va être entièrement détruite par les légions démoniaques. La terre souillée par cette engeance perdra sa force et s'éteindra peu à peu. Il faut qu'Adémènes meure et que les infernaux soient bannis à nouveau ! »

Il s'arrêta et ajouta avec ironie :

« - Je peux facilement disposer des bûcherons mais les enfers sont plus difficiles à contrôler ! »

Hélèna ne paraissait pas trop convaincue mais ne pouvait refuser de l'aide gratuite. Elle se contenta d'hocher la tête en silence. Crista rangea l'arme à sa ceinture.

« - Donc nous faisons le sale boulot pendant que vous vous planquez quelque part ? »
La pique fit ricaner le géant qui répliqua immédiatement :
« - Non je serais là. J'ai moi aussi une armée comme vous pouvez le voir, j'irais me battre avec l'horrible liche. J'essayerais aussi de faire venir les humains survivants, leur chef à l'air d'avoir envie d'en découdre. L'ennemi est largement supérieur en nombre...
- Et en compétence, ajouta Crista d'un ton sombre. »

Un court silence s'installa, c'est à ce moment là que l'assassin remarqua quelque chose d'inhabituel : Sidd manquait à l'appel. Elle s'en était rendue compte car elle n'avait pas eue à supporter sa voix et ses remarques impertinentes.

« - Où est l'humain ? » Demanda la goule à Hélèna.

La guerrière de Vif-Argent ne répondit pas immédiatement, faisant comme si la question ne lui était pas adressée. Mais face au regard insistant de Crista elle daigna à jeter une réponse :

« - Je ne sais pas, nous avons été séparés dans la mêlée. Il est peut-être mort. Je m'en moque.
- Moi aussi après tout, dit l'assassin en haussant les épaules. »

Mais en réalité la mort-vivante était ennuyée, non pas parce qu'elle tenait à Sidd, mais plutôt car elle le perdait de vue. Elle voulait absolument le surveiller après le marché passé avec Kretor. Peut-être que l'humain venait de se faire posséder par l'entité en plein milieu du combat. Mais pour l'instant Crista n'avait pas trop le temps de s'en préoccuper...

Les flammes de la ville commençaient enfin à mourir, contrôlées par les efforts conjoins des survivants. D'autres hommes traînaient déjà les cadavres des démons pour les entasser à l'extérieur de la cité. Mais il s'agissait d'une maigre victoire, car au sol gisaient encore plus de corps des résistants.

Jotun fit un signe à l'un de ses serviteurs, la plupart étaient repartis à l'extérieur des murs mais quelque uns restaient proche de lui. Il s'agissait sylvestre, bipède à la peau d'écorce. Il faisait deux bons mètres, recouvert de mousse et de champignons, il aurait eu l'air totalement pacifique si ses mains ne se terminaient pas en griffes acérées encore couvertes de sang. Le druide parla dans un langage incompréhensible, les mots de la terre. La créature passa ses doigts dans l'amas de feuilles qui lui servait de cheveux. Une lumière paru se mettre à scintiller et il grogna en secouant la tête, un petit être s'envola rapidement au dessus de lui.

C'était une petite femme de vingt centimètres environ. Des ailes colorées battaient à toute vitesse dans son dos, elles dégageaient en permanence une légère lumière dorée. La créature était nue et bien proportionnée, un magnifique brin de fille miniature. Dans ses cheveux détachés traînaient encore quelques feuilles. Elle s'agita un instant de droite à gauche puis s'approchant de Jotun elle lui murmure une phrase à l'oreille. Le druide eu un immense sourire et annonça :

« - Je vous présente Linésys, c'est une fée des bois. Il va falloir que vous en preniez soin, la magie des fées vous permettra de vous dissimuler de la divination. Ainsi vous pourrez approcher Adémènes plus facilement. »

La fée hocha la tête sans dire un mot et s'approcha de ses nouveaux compagnons. Crista ne retint pas une terrible grimace de contrariété. Elle ne pu s'empêcher de critiquer la situation :

« - Génial encore une bestiole des bois... Je vois mal comment on va être discret avec cette lanterne ! »

Linésys souffla de dédain et croisa les bras sur ses seins, se postant devant le visage de la goule. Une petite voix pleine de fierté lança :

« - Tu me vois car je le veux bien, idiote ! »

Et sur ces mots la créature disparue soudainement. Crista voulu frapper l'endroit ou se trouvait la fée mais elle ne rencontra que le vide. Elle sentit ensuite un murmure dans son oreille :

« - Inutile de t'énerver... Tu me remercieras plus tard !
- Quel cadeau, druide ! »

Jotun éclata de rire, leva les bras au ciel et déclara :

« - Bon j'ai des affaires, vous avez les vôtres. Je crois que vous avez un peu de marche à faire. Rejoignez Harrogath, enfin ce qu'il en reste, et trouvez Adémènes dans son palais. Bonne chance car vous en aurez besoin ! »
Il se retourna et s'apprêta à partir, mais il ajouta une dernière phrase alors qu'il s'éloignait :
« - Et faite confiance à la fée, elle sera votre seul effet de surprise ! »
Elles n'avaient pas arrêtées de croiser les armées des démons. Une agitation permanente régnait sur les troupes infernales. Jotun et les humains arrivaient des montagnes et avaient balayés les premiers avant-postes ennemis. La marche silencieuse de Kretor avait aussi fait des dégâts. Ce qui était certain c'est que les diables ne s'attendaient pas à une contre-attaque d'une telle ampleur, leur arrogance démesurée avait laissée une ouverture. Mais à présent, alors que des conflits erratiques avaient dévastés la campagne, une terrible bataille s'apprêter à faire rage. Toutes les légions démoniaques s'étaient amassées dans les régions proches d'Harrogath, et bien qu'elles soient attaquées sur deux fronts elles restaient suffisamment nombreuses pour triompher.

L'ancienne ville d'Harrogath était devenue un immense campement militaire, la seule structure qui tranchait avec les bâtisses simples de l'armée était le palais d'Adémènes. Tout comme Vankhar il devait l'avoir lui-même érigé... Il s'agissait d'une immense forteresse en forme de tête de lance. Ses lignes en pics la rendaient agressive et menaçante. Les abords d'Harrogath étaient quasiment vides, la majorité des infernaux se préparaient au front, la diversion avait fonctionnée. Et lorsque la bataille éclatera Adémènes lui même aura l'attention détournée.

Même si Crista n'appréciait pas la présence de la fée, elle ne pouvait nier son efficacité à la dissimulation. D'un sortilège elle avait rendue les deux guerrières invisibles à la plupart des regards. Cette ruse avait permis aux assassins en puissance de passer toutes les dernières patrouilles sans encombres. Les rues de la cité étaient mornes et sombres, dans le centre ville une sorte d'immense silo avait été dressé. Juste à l'odeur qui s'en dégageait Crista devinait ce qu'il contenait. Les démons étaient friands de viande humaine... La pierre était trempée de sang et l'endroit encore plus lugubre que le reste de la ville. Le palais n'était plus très loin.

Les alentours d'Harrogath constituaient une immense vallée découverte. C'est là que les démons s'entassaient. Sur les flancs sud et nord se préparaient les armées attaquantes. Si elles avaient l'avantage du terrain rien n'était joué. Jotun scrutait les mouvements de troupes ennemies du haut d'une colline. Il n'avait jamais vu autant d'infernaux de sa vie, même lors de la première dévastation de Sanctuary. Il s'était préparé à déchaîner les pouvoirs de la nature, mais il ne fallait pas non plus qu'il détruise ses propres troupes. Si l'ennemi s'était trouvé au bord de mer un tsunami aurait facilité les choses... Plongé dans ses réflexions il vit Drakkor arriver du coin de l'oeil. Lame-Tonnerre n'était pas aussi grand que Jotun mais il était loin d'être chétif. Sa carrure tout en puissance allait parfaitement à un chef de guerre. Sa barbe était tressée et retenue par de nombreux anneaux métalliques gravés de runes. Son visage couturé de cicatrice paraissait avoir été taillé dans la plus dure des roches, angulaire et déterminé. Les cheveux du guerrier étaient enroulés en une longue natte blonde, sa tête supportant un casque à cornes décoré par des aigles. Une armure à plaque couvrait son torse imposant et se terminait en lanières métalliques au niveau du bassin. De grosses bottes ferrées et des jambières en mailles couvraient ses jambes. Son bras droit était protégé par une série de plaques emboîtées les unes aux autres tandis que le gauche était à nu. D'un côté une épée longue et de l'autre une hache à double tête. Autour du cou il portait un nombre incroyable de colliers.

« - Mes guerriers sont prêts, annonça t-il d'une voix pierreuse, mais aucun n'est enchanté à l'idée de combattre avec l'aide de mort-vivants. »
Jotun esquissa un sourire, comme d'habitude. Il comprenait les craintes des humains.
« - Personne ne le serait. Mais ils sont de l'autre côté du champ de bataille... Contentons nous d'éliminer les démons. »
Drakkor hocha la tête puis ajouta :
« - J'espère que le plan de vos amies va fonctionner. Sinon ce combat pourrait bien être le dernier et nous rejoindrons tous nos Dieux aux cieux. »

Le barbare retourna vers ses hommes. Jotun fit un signe à l'un de ses lieutenants sylvestres. L'arbre transmit le message à un autre de ses camarades : Un ent de près de six mètres de haut. La créature craqua et étira ses membres. Le seul bruit de son écorce suffit à attirer l'attention, mais lorsqu'il poussa un rugissement grave et profond les humains et les créatures de la forêt se mirent en marche. Le cri se répercuta et fut reprit par d'autres ents, l'unisson atteint une intensité surpuissante, couvrant les cors des démons en contrebas. La charge allait être d'une violence inouïe.

Les deux combattantes entrèrent dans le palais par la porte principale. Il n'y avait même pas de gardes. L'intérieur de l'édifice était aussi sombre que son extérieur. Mais c'est à cet instant que Crista remarqua une chose : Le bâtiment n'était pas fait de pierre mais d'un acier noir et glacé. La décoration se limitait souvent à des pointes malsaines qui sortaient des cloisons. L'assassin ne savait pas si c'était l'odeur de l'endroit, l'ambiance ou bien les deux, mais elle savait qu'elle se rapprochait du but. Instinctivement elle avait déjà dégainée sa nouvelle arme. Si elle ratait son premier coup le combat risquait de devenir extrêmement compliqué.

Les deux femmes suivaient un long couloir qui ne semblait pas avoir de fin. Linésys guidait les aventurières, la fée arrivaient à ressentir les immenses émanations magiques de l'aura d'Adémènes. Le sorcier ne faisait visiblement absolument rien pour les masquer, il montrait sa puissance sans hésiter une seconde. Elles parcouraient un escalier en colimaçon de plusieurs dizaines de marches lorsqu'elles entendirent un son si puissant qu'elles s'arrêtèrent un court instant. La bataille débutait, Jotun venait de jeter ses troupes dans un affrontement meurtrier. Il fallait frapper au plus vite. Arrivées au sommet du long escalier elles déboulèrent sur une salle rectangulaire dont le toit était soutenu par des colonnes d'acier. A l'opposé il y'avait une autre entrée alors que sur les côtés on pouvait observer l'horizon. Elles devaient se trouver au dernier étage de la bâtisse. Décidées elles s'avancèrent au pas de course.

La terre se mit alors à trembler, d'abord une simple vibration puis ce fut une secousse dévastatrice qui manqua de faire tomber les combattantes. L'acier du bâtiment hurla et sembla se tordre de douleur. Un sifflement aigu fut suivit d'une pulsation régulière qui se mit en place, comme un marteau battant le fer. Des dizaines de machines parurent se mettre à fonctionner en même temps.

Les premières lignes des démons avaient été écrasées par la charge furieuse des bêtes et des hommes. Le sang coulait à flot, le fer contre la chair. Les cris des guerriers noyés par ceux des blessés, les hurlements des infernaux et leurs visages obscènes comme ultime vue. Des soldats maintenaient une formation précaire, piétinant les cadavres de leurs frères. Drakkor s'avança à la tête de ses hommes, repoussant les monstres trop intrépides. Il chargea l'ennemi si vite et si fort que la terre sembla se fendre sous ses pas. L'impact renversa une ligne entière de démon, sa hache tranchant les têtes sans relâche et son épée déviant la majorité des attaques. Sous une apparente brutalité le chef de guerre possédait une technique sans failles. Lorsqu'il avançait ses guerrier le suivait sans hésiter, redoublant d'ardeur.

Jotun chevauchait un ours colossal, une bête surnaturelle qui arrachait les têtes des démons d'un seul revers de patte. Le druide hurlait des mots de pouvoirs, projetant des éclairs dévastateurs sur ceux qui osaient s'opposer à lui. Le temps changea rapidement, le ciel craqua et déversa une violente averse. Mais la boue et les corps trempés n'étaient qu'une part du sortilège, la foudre se mit à tomber au hasard sur les détachements infernaux. La fureur des bêtes renversait pour l'instant l'ennemi.

De l'autre côté du champ de bataille le combat était beaucoup plus méthodique. Les infernaux avaient été surpris par l'arrivée souterraine d'une partie des mort-vivants. Des centaines de squelettes s'étaient extirpés de la terre sous les pieds même des défenseurs. Les mains osseuses avaient d'abord tirées les monstres au sol alors que d'autres leur arrachait la chair. Les zombis et les goules se jetaient sans hésiter sur les démons prit de panique. Les premiers détachements s'étaient littéralement enfuis, prit d'une peur incontrôlable induite par la sombre sorcellerie de Kretor. Les officiers infernaux avaient eux du mal à maintenir un semblant d'ordre dans leurs régiments. La liche se tenait en retrait et observait l'affrontement, faisant surgir des troupes ou l'ennemi s'y attendait le moins, lançant des sorts d'une noirceur sans nom, neutralisant les commandants et les magiciens. Mais il remarqua quelque chose que les humains n'avaient pas captés dans leur fureur : La terre tremblait. Et ce que vit Kretor lui confirma que la bataille était perdue d'avance. A l'horizon, au-delà du massacre intense, une masse noire s'arrachait progressivement du sol. Une masse imposante, une masse qui annonçait l'arrivée d'Adémènes, le Porteur de Douleur.

Ce ne fut qu'au bout d'un instant que Crista comprit ce qui était en train de se passer : Le bâtiment s'envolait, s'extirpant du sol. Il s'agissait d'une citadelle volante, ou d'un navire de guerre. La structure décolla d'abord lentement puis commença à prendre de la vitesse.

« - Il faut arrêter ça », hurla Crista par-dessus le vacarme.

Hélèna hocha la tête et elles traversèrent la salle aux colonnes. Mais lorsqu'elles arrivèrent de l'autre côté la fée leur intima de s'arrêter et de se préparer. L'assassin se figea, se plaqua lentement contre un mur et écouta. Et ses sens aiguisés entendirent des voix par-dessus le chaos. Elles se rapprochaient. Ce qui lui fit écarter les yeux fut qu'elle reconnue celle d'Adémènes bien entendu mais aussi...

« - Illéisis ! Deux pour le prix d'un... »

La guerrière de Vif-Argent se mit de l'autre côté de l'entrée et se prépara à frapper. Les quelques secondes qui s'écoulèrent parurent durer une longue éternité. La victoire était à porté de main. Une première silhouette s'avança, il s'agissait de la damnée succube, derrière elle venait Adémènes. Ils parlaient tout deux en infernal. Crista inspira et leva son arme alors que sa cible arrivait à son niveau. La magie de la fée se dissiperait dès son premier coup.


Krétor observa l'avancée rapide de la forteresse volante. Elle ressemblait en fait à un long navire en acier pointu bardé de pointes. Outre le nombre impressionnant de balistes et de catapultes sur le pont principal du vaisseau, la liche se doutait que d'autres moyens d'assaut magiques étaient dissimulés. La pluie torrentielle et les éclairs qui tombaient du ciel le rendait encore plus imposant, un navire bravant la tempête. A peine arrivée à mi-parcours la barge commença à bombarder le côté de Jotun. Une pluie de boulets et d'éclairs magiques fila en direction des humains. Au sol ce fut un désastre total. La charge engagée tourna au cauchemar. Si des projectiles se perdaient et écrasaient une partie de l'armée infernale, la majorité atteignaient les assaillants en plein coeur. Nombre de barbares furent emportés par la soudaine avalanche, broyant leurs os sans aucune pitié. Jotun lui-même ne semblait pas avoir prévu cette attaque. Hurlant de rage il se rua dans une masse de démons. Son ours renversa un premier barrage, d'une main tendue il projeta une grêle d'épines tranchantes comme des rasoirs. Les fines aiguilles transpercèrent la chair, les muscles et l'acier. Une vingtaine de monstre au moins s'effondrèrent, dégoulinants de sang. Le druide fut prit d'une colère sans nom en voyant les créatures qu'il chérissait se faire écraser par le vaisseau d'Adémènes. Il commença à incanter un nouveau sortilège. Ses mots teintés de haine suffirent à indiquer qu'il aller projeter tout son pouvoir.

Kretor n'attendit pas que ses troupes soient broyées pour réagir. Sans perdre de temps il cria une incantation et une étrange monture apparue devant lui, sortant de terre. Le colossal monstre fit voler le sol en éclat, projetant la boue et les pierres sur plusieurs mètres. Il déploya des ailes décharnées animées par la magie, attachées à un immense corps qui avait dû être celui d'un dragon. A présent il n'est plus qu'os et nécromancie. La liche ordonna au monstre de pencher la tête et elle grimpa sur le cou de la bête. Alors qu'il prenait de l'envol il commença un nouveau sortilège, ses mains dessinant des arabesques chargées de ténèbres.

L'aura d'Adémènes était puissante, mais cela ne fit pas frémir Crista. D'un geste gracieux elle plongea son arme en plein dans le coeur du sorcier. Tout du moins c'est ce qu'elle croyait... Sa lame s'enfonça d'un pouce seulement, un léger filet de sang se mit à tremper la toge du Porteur de Douleur. Hurlant de rage l'homme repoussa l'assassin d'un sortilège. Un éclair s'échappa de la main tendue d'Adémènes pour venir frapper Crista au torse, la projetant plusieurs mètres en arrière. L'air sembla se saturer de magie alors qu'il arrachait la dague de son corps blessé. Du mana pur fut extirpé de sa victime, des filaments noirs entrèrent dans la dague mais pas une âme ne filtra. Illéisis encocha promptement une flèche. Son geste fut brutalement stoppé par une charge d'Hélèna. La succube reçu un coup de bouclier qui l'envoya bouler au sol. Adémènes forma rapidement un pavois magique devant lui, cela lui sauva la vie face à l'assaut de la guerrière de Vif-Argent. Reprenant son souffle il repoussa l'attaquante avec un véritable barrage de flammes.

« - Hélèna... Je me doutais que tu reviendrais... Mais pas alliée avec cette horreur, je la pensais morte pour de bon ! »

Crista se releva, elle remarqua qu'Adémènes tenait la dague voleuse de magie dans sa main. La situation commençait à devenir difficile.

« - Vous êtes venues pour les âmes ? L'arme une bonne idée, mais il va falloir l'enfoncer plus profondément. Votre petite coalition a assez durée. Vous voulez une âme ? »

Le sorcier s'avança, Hélèna se plaça devant lui, prête à frapper. Mais Adémènes semblait d'ores et déjà invincible. Il tendit un bras vers les deux assaillantes qui se jetèrent sur lui d'un seul mouvement. Ce qui les frappa ne fut pas un terrible éclair ou un quelconque horrible maléfice, mais une âme. Le sorcier arrogant offrait une âme, comme un bon seigneur. Crista ne s'attendait à ressentir ce nouveau changement, le simple fait qu'elle ressente était d'ailleurs une nouveauté. L'énergie effleura d'abord sa peau puis elle s'y accrocha profondément, pénétrant le corps de l'assassin. Un fourmillement intense chatouilla ses muscles, son coeur se mit à battre plus fort. Le choc fut si puissant qu'elle perdit toute force et tomba au sol, sa peau craquelée sembla se tendre et prit une nouvelle teinte, perdant son grisâtre habituel. Le cuir qui épousait son corps était rugueux, l'acier du sol contre sa peau, glacé, l'air humide à cause de l'averse et le bruit autour d'elle assourdissant. La respiration de Crista devint haletante, l'oxygène ne lui avait jamais paru aussi important, ses pupilles se dilatèrent, conscientes du danger environnant. Lorsqu'elle leva ses mains pour se redresser elles tremblèrent, tout était si fort, si vrai, si réel. Quelque seconde auparavant tout paraissait étouffé, comme si elle était restée la tête sous l'eau durant des années. Une fois debout Crista tenta de maîtriser ses sens exacerbés, choqués. Elle était vivante. Mais elle n'eue pas le temps d'apprécier ces nouvelles sensations, Adémènes l'attrapa au cou d'une poigne d'acier. Il la souleva du sol sans efforts. La tueuse essaya de se débattre, essayant de se dégager de l'étreinte, donnant des coups de pieds. La force incroyable du sorcier l'intimida, en tant normal elle aurait insultée, crachée. Mais Crista se laissa envahir pas quelque chose qu'elle avait totalement oubliée : La peur.

Elle s'insinua dans l'esprit de la jeune femme pendue au bras d'Adémènes. L'air lui manquait, elle n'avait presque plus de force. Elle aurait voulue hurler mais ce nouveau sentiment la paralysait, n'ayant strictement aucune familiarité avec celui-ci.

« - Tu apprécies la vie ? Tu aimes les sensations ? Comment trouves-tu la douleur ? »

Le sorcier encapuchonné soupira d'aise comme si il n'avait pas espéré meilleure situation. Il tourna la tête vers Illéisis, la succube venait de se redresser après sa chute brutale.

« - Va rejoindre le pont et prend le commandement pour le moment. Fait suivre mes ordres, juste le temps que je règle cette affaire. »

Le ton autoritaire ne laissait pas de place à la réponse. Bien qu'elle paru ennuyée l'archère se contenta d'obéir. Sa silhouette gracile s'éloigna de la salle à pas rapides. Adémènes reporta son attention sur Crista qui était sur le point de tourner de l'oeil. L'assassin si terrible avait a présent l'air d'une adolescente de seize ou dix-sept ans, vagabonde et sale.

Krétor approchait de l'immense vaisseau, il avait invoqué un puissant bouclier pour se protéger des flèches et des sorts qui se précipitaient vers lui. Dans un langage antique il incanta un nouveau sortilège. Le mana noir forma une rangée de crânes cristallins gros comme des boulets de catapulte qui se mirent à flotter autour de la liche. D'un geste il les projeta sur le pont du navire, visant l'artillerie et les archers démons. Les crânes filèrent exploser sur l'acier. Certains furent stoppés par des boucliers mais la plupart touchèrent leur but. Une baliste fut désintégrée par l'énergie pure, un bataillon de soldats se trouva réduit en cendre, des flammes blanches consumèrent aussi une section de l'acier du vaisseau, lui infligeant une vilaine cicatrice.

Au sol la bataille continuait de faire rage. Les démons étaient en train de prendre l'avantage, causant de lourdes pertes chez les humains. Jotun venait d'attirer un épais et immense nuage noir au dessus du navire infernal. D'un mot de pouvoir il fit claquer l'orage et une série de coups de foudre frappèrent l'ennemi, une multitude de flash lumineux éclairèrent l'affrontement, donnant une allure apocalyptique au combat. Bientôt il allait falloir sonner la retraite ou mourir, en espérant que toutes ces vies n'aient pas été sacrifiées en vain.

Le choc qui ébranla le navire surprit Adémènes, visiblement la résistance était un plus forte que prévu. Crista gisait par terre, inanimée. Le sorcier venait de la jeter comme une poupée de chiffon. Il se tourna alors vers Hélèna qui se tenait appuyée sur un genou.

« - Alors comment la guerrière de Vif-Argent trouve son dû ? »

Il tourna autour de la combattante silencieuse alors qu'un nouveau choc fit trembler l'acier.

« - Je me demande a quel point cela peut-il t'affecter, toi, la machine. Cela a-t-il occulté tes capacités ? Devrais-je user de beaucoup de sortilèges pour te faire disparaître de la surface de Sanctuary ? »

Hélèna se redressa lentement, les yeux clos. Lorsqu'elle les ouvrit ils brillaient, incandescents. Son visage était aussi impassible que d'habitude.

« - Cela ne m'affecte pas. »

Adémènes haussa un sourcil et la guerrière se ruait sur lui. Il fut si surprit qu'il manqua de recevoir un coup de masse en pleine tête. Mais il esquiva à une vitesse effrayante, contre-attaquant en se déplaçant derrière Hélèna. Son placement fut presque instantané et il frappa si puissamment que la combattante tituba en avant. Il enchaîna en se replaçant devant elle pour lui donner un direct dévastateur. Il continua ses assauts éclairs, meurtrissant sa victime, l'humiliant par sa rapidité et sa force. Hélèna ne sembla pas trop souffrir des blessures mais elle n'avait pas le temps de combattre ou de se mettre en garde contre un pareil adversaire. Les quelques coups qu'elle essaya de porter se perdirent désespérément dans le vide. Adémènes finit par prendre du recul, croisant les bras face à la guerrière désorientée.

« - Bon tu es toujours aussi résistante. Il va falloir procéder autrement. »

Il regarda la dague voleuse de magie qu'il tenait dans la main.

« - A quel point la magie t'imprègne ? Si je te vide d'elle est-ce que tu tombera lamentablement ? »

Avec un sourire horrible il s'avança tranquillement comme si il s'apprêtait à mener une expérience de routine. Hélèna ne trembla pas et se prépara. Adémènes s'élança à une vitesse furieuse mais cette fois-ci la combattante s'y attendait. Anticipant parfaitement la manoeuvre elle feinta de frapper devant elle alors qu'en réalité elle prévoyait de faire volte-face. Lorsque que le sorcier se déporta derrière sa cible Hélèna s'était retournée et asséna un coup brutal. Surprit par la parade et trop confiant de ses capacités Adémènes se contenta de lever son arme pour se protéger. La lourde masse lui arracha la dague et la main. Il grogna et recula, fixant son moignon sanglant.

« - Bravo... »

D'une pensée sa blessure se referma et un nouveau membre se forma. Il pointa ensuite son index vers la guerrière qui fut plongée dans un torrent de flammes. Adémènes savait que cela ne la tuerait pas mais il devait gagner du temps pour incanter un sortilège plus dangereux. Hélèna commença à se régénérer et lorsque sa peau brûlée fut reconstituée elle comprit ce que tenta son adversaire : Créer une brèche dans la magie qui coulait dans ses veines. Elle chargea sans hésiter mais tout son corps lui paru soudainement extrêmement lourd, ses muscles raides. Pour la première fois depuis sa création elle se trouvait réellement en danger, la magie quittait son corps, aspirée par Adémènes. Il était un des rares à avoir trouvé le point faible de la guerrière. La détermination d'Hélèna la poussa a faire encore quelques pas mais bientôt elle s'effondra à genoux. Usant de toute sa force elle se redressa et se rétablit, son bras s'arma et elle se concentra pour tenter une ultime attaque.

Tout bon assassin sait rester dans l'ombre, faire croire que l'on est mort fait parti des techniques utiles à maîtriser. Crista ne comptait plus le nombre de fois ou elle avait employée cette ruse pour frapper un ennemi trop confiant. Cela avait marché avec Vankhar, cela marcha aussi avec Adémènes. La jeune femme s'était relevée doucement, prenant le temps de récupérer. La fée l'encouragea silencieusement, mais elle tenait surtout la dague voleuse de magie à bout de bras. La créature vola jusqu'à Crista pour lui apporter l'arme. L'assassin la remercia d'un signe de tête, il fallait qu'elle se dépêche car Hélèna allait bientôt succomber. Tout en souplesse elle se glissa derrière le sorcier triomphant, cette fois-ci elle allait enfoncer sa lame au plus profond. Elle fit un pas et frappa, Adémènes fit volte-face, comme prévenu de l'attaque sournoise. Mais si ses pouvoirs l'avaient averti du danger imminent il n'avait plus rien pour parer. De toute sa force Crista plongea la dague entre les côtes de sa victime, elle l'attrapa derrière la nuque pour l'attirer encore plus violemment sur l'acier. Adémènes hurla d'un cri dément, un torrent de magie quitta son corps, la lame pénétra un peu plus sa chair et les âmes volées s'échappèrent une à une. Animé par la colère il tenta de se défendre de manière brutale, il frappa Crista au ventre, lui coupant le souffle et enchaîna en donnant un coup puissant sur le bras qui tenait l'arme. L'os se brisa net en un affreux craquement, l'assassin laissa échapper un cri de douleur et fut repoussée en arrière. Adémènes continua de hurler, se vidant de son énergie, bientôt plus aucune âme ne quitta son corps réduit à l'impuissance. D'un dernier geste il retira l'arme plantée dans sa poitrine, ses mains tremblaient et du sang noir goutta sur le sol. Sa respiration était haletante, il toussa et grogna comme une bête à l'agonie.

« - Maudits... Mon pouvoir.... »

Crista tenait son bras cassé contre ventre, Hélèna était en train de se relever, le vent avait tourné. De nouveaux chocs ébranlèrent le vaisseau mais à l'extérieur le signal de retraite de Jotun sonna. Adémènes extirpa lentement un objet de sous sa robe, il était gros comme son point et tenait dans un chiffon de velours. A cette distance il semblait émettre un battement régulier.

« - Comment je contrôle les démons ? Car je contrôle leurs maîtres... »

Il exhiba alors l'objet, une gemme de bonne taille, rouge sang. Même si Crista n'en avait jamais vue elle savait de quoi il s'agissait, un fragment de la pierre monde, une pierre d'âme. A l'intérieur était emprisonné l'esprit d'une puissante créature. Ce que les humains avaient mit des années à faire pour capturer les trois frères, Adémènes l'avait fait en quelques jours. D'un quelconque manière il avait réussit à influencer les pierres pour contrôler l'armée des enfers. Et à présent Crisa se doutait exactement de ce que le sorcier acculé allait faire.

« - Je ne voulais pas arriver à ce stade mais mes objectifs ne peuvent êtres contrariés, vous m'obligez... »

D'un geste sûr il planta la gemme dans son front, la magie que contenait la pierre se fractionna et une horrible métamorphose s'enclencha.

« - Merde ! »

Kretor allait battre en retraite face à l'afflux de projectiles qui usaient son bouclier. Bien que ses sorts aient entamés la puissance ennemie il ne pourrait jamais triompher à lui seul d'autant d'adversaires. Néanmoins quelque chose attira son attention. Sous le pont arrière une lumière rouge et puissante fendit les ténèbres. L'air devint malsain, comme si un vent peste s'était mit à souffler sur le champ de bataille. La liche avait une idée du phénomène mais ne pouvait y croire, le retour d'un démon fondamental sur Sanctuary ? Il fit virer sa monture en direction de la source du maléfice, esquivant adroitement plusieurs tirs de baliste. Au passage il riposta par une bordée de crânes explosifs, ravageant deux machines de guerre et semant la confusion dans les rangs ennemis. Il descendit au niveau du pont inférieur et par les grandes arches qui le constituaient il distingua clairement Hélèna ainsi que Crista. L'être en chasuble qui était en train de hurler en se tenant la tête devait être Adémènes. Le sorcier grandissait à vue d'oeil, sa chair se déforma de manière immonde, explosant pour laisser place à une nouvelle créature. Kretor envoya sa monture qui posa ses énormes griffes sur des piliers métalliques, s'accrochant à la structure. Crista se retourna en voyant le mastodonte osseux.

« - Montez, cria la liche par-dessus le vacarme de la tempête. »

Sans hésiter Crista boitilla jusqu'au dragon mort-vivant. La créature imposante baissa sa tête et l'assassin pu l'escalader d'une main. Elle regarda derrière elle pour voir ce que faisait Hélèna. La guerrière se tenait face à un colossal démon. L'infernal devait faire près de trois mètres, la peau blanche et musculeuse. Sa tête était celle d'un chacal, ses yeux s'ouvrirent et se posèrent sur la combattante intrépide. Il avait deux paires de bras, portait d'amples vêtements et paraissait gorgé de puissance. La précédente faiblesse d'Adémènes avait totalement disparue.

« - Asmodan, seigneur infernal, commenta Kretor d'un ton impressionné. »
Crista se pencha en avant et hurla à plein poumon :
« - Hélèna, qu'est-ce que tu fous ? !
- Ca ne marche pas pour moi, répondit-elle sans se retourner. Son ton était calme mais parfaitement audible.
- Ca ne marche pas, je ne peux pas avoir d'âme, je ne suis pas prévue pour en avoir une. Partez je combattrais. »

Crista voulu répliquer mais Kretor ne se fit pas prier et ordonna à sa monture de décoller. Derrière eux ils entendirent des cris de rage rapidement couverts par ceux du démon. L'assassin avait l'estomac noué, mais ce n'était pas à cause de l'altitude. Sans qu'elle arrive à comprendre pourquoi elle se laissa envahir par une étrange sensation. Après tout elle n'avait jamais vraiment détestée Hélèna, elles avaient le même but, les mêmes problèmes. Sa gorge était sèche, elle avait des remords. Une lueur apparue au niveau de son épaule, la fée se tenait fermement accrochée à l'armure de Crista. Elle luttait contre le vent pour ne pas s'envoler comme un fétu de paille.

La jeune femme attrapa la fée dans une main, délicatement, sans la serrer.

« - Merci, chuchota Linésys. »

L'assassin ne répondit rien, se contentant de regarder les nuages gonflés par l'orage. Ils volaient par-dessus la tempête et ne pouvaient voir le massacre qui se déroulait au sol. Lorsqu'ils furent suffisamment éloignés Kretor entama la descente. Le dragon marqua d'abord un piquet violent avant de se rétablir progressivement, pour finalement se poser tout en douceur en centre d'une clairière. Crista sauta a terre, grimaçant lorsque son bras bougea. La liche murmura un mot et sa monture se désassembla progressivement tout en s'enfonçant dans le sol, le spectacle était assez surprenant.

« - Je vais nous téléporter en lieux plus sûrs. Je pense que nous devons faire un point sur la situation. »

Kretor était extrêmement calme, comme si il revenait d'une journée des plus banales. Mais il se figea soudainement, son incantation arrêtée.

« - Que se passe t-il ? demanda Crista soudainement nerveuse.
- Je ne peux... Je n'arrive pas à... Mon sort s'est perdu. Ca ne peut-être que... »

Le sorcier était perturbé et regarda tout autour de lui, à l'orée de la forêt une silhouette sombre se découpa, elle avançait très vite. Ayant le soleil couchant dans le dos il était difficile de voir de quoi il s'agissait.

« - Qu'est-ce c'est que ça ?
- C'est le vengeur... Ca ne peut-être que lui ! »

Crista n'avait jamais vue la liche aussi inquiétée. L'heure de son jugement était arrivée, elle avait brisée le pacte. Et la jeune femme qui devait défendre sa cause n'était pas vraiment en meilleure forme. Outre ses blessures elle avait aussi perdue la dague voleuse de magie ainsi qu'une autre de ses armes. Il ne lui restait qu'une lame pour combattre. La créature s'arrêta de courir une fois arrivée à quelques mètres de sa victime.

« - Je ne peux invoquer aucun sort ! Pourquoi arrive t-il maintenant ? »

La liche recula de quelques pas. Le vengeur faisait une taille humaine, Crista savait de qui il s'agissait, elle avait reconnue la silhouette de Siddayi. L'ancien humain releva sa capuche et montra son visage. Il avait l'air parfaitement normal si on oubliait qu'un étrange symbole paraissait pulser sur son front. Ses yeux étaient fixes et morts, sans émotions. La créature s'avança en articulant de manière puissante et claire :

« - Kretor Neryntha, les puissances te condamnent. Tu as brisé un pacte avec une force supérieure. Tu connaissais les lois, tu étais conscient de tes actes. Par conséquent ton existence doit être annulée. Et rien ne pourra te sauver ou tu pardonner. »

Le sorcier essaya d'incanter mais aucun mana ne vint à lui. Il semblait isolé de son pouvoir. Il cria d'attaquer à Crista. Ce que fit instantanément la jeune femme malgré sa blessure, elle avait passée un accord. Elle s'élança en même temps que le vengeur. Sauf que la créature allait bien plus vite, l'assassin étant handicapée par sa blessure. Elle leva sa dague mais son adversaire tombait déjà sur la liche. Kretor voulu esquiver mais il n'était pas vraiment rompu à ce genre d'exercices. Le vengeur toucha sa cible de sa paume, de l'énergie pure s'échappa du bout de ses doigts. Le sorcier poussa un cri à glacer le sang, se désagrégeant en quelques secondes à peine. Cela avait était si rapide que Crista faillit rater sa cible qui se retourna vers elle. Sa dague s'enfonça profondément dans le coeur du vengeur qui tomba à genoux. Sans ses blessures elle aurait pu sauver la liche et remplir son contrat ! De rage elle poignarda une nouvelle fois le corps de Siddayi qui cligna des yeux. Elle allait recommencer lorsqu'elle entendit l'homme chuchoter :

« - Pourquoi tu fais ça ? Tu... Tu as changée ? »

Crista se figea dans son mouvement, le symbole qui ornait le front de l'humain avait disparu. L'entité envoyée par les puissances était sûrement partie elle aussi.

« - Comment... Merde... ! » L'assassin laissa tomber son arme et attrapa Siddayi qui s'affaissait.
« - Pourquoi tu m'as tué ? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que je fais là ?
« - Je ne voulais pas te tuer toi mais... »

Les mots de Crista se perdirent, les yeux de Sidd s'étaient fermés et sa respiration arrêtée. Il était mort.

L'assassin recula et se releva. Elle fit quelques pas mal assurés. Elle trébucha et décida de s'asseoir. Passant une main tremblante dans ses cheveux sales elle murmura d'une voix cassée :

« - Qu'est-ce que c'est que ça... ? »

Des dizaines de souvenirs lui revinrent, les souvenirs des meurtres qu'elle avait perpétrés. Les hommes qu'elle avait tuée en combat ou bien ceux dont elle avait tranchée la gorge dans leur sommeil. Les femmes et les enfants exécutés, les villages incendiés, les suppliques de ses victimes avant le coup de grâce. La joie malsaine que cela lui avait apporté. Elle n'arrêtait pas de revoir le dernier regard de Sidd, juste de l'incompréhension. Elle n'arrêtait pas de revoir tous ces regards, de la peur, de la colère, de la tristesse, du regret. Il y'en avait tant qu'elle ne pouvait même pas les compter, ce n'était plus qu'une masse de visages qui se confondaient les uns avec les autres. Crista renifla, cligna des yeux, ses yeux humides. Elle fut surprise, sa respiration se coupa, jamais elle ne s'était sentie aussi mal, elle avait oubliée cette expérience douloureuse. Une larme roula le long de sa joue, rapidement suivie par un flot continu. Son corps fut secoué par les sanglots. Elle n'avait jamais souhaitée tuer, elle n'était qu'une fille de seize ans. Se mort s'était produite lors de son incorporation dans un ordre d'assassins, c'était la plus prometteuse, mais elle voulait combattre pour une cause juste. Contre les démons ou les tyrans pour lesquels il ne restait plus d'autres solutions. Pas pour le meurtre gratuit, pour infliger des souffrances ou pour lutter contre sa propre patrie. Elle pleura sans s'arrêter, envahie par la tristesse et le dégoût d'elle-même ainsi que par les monstruosités qu'elle avait commise.

Crista se leva lentement, se dirigea vers son arme couverte de sang et l'a prit dans sa main valide. Doucement elle posa la lame contre sa gorge, fermant les yeux. Son esprit agité et choqué n'avait qu'une envie : celle reposer enfin en paix après des années de carnages stupides.

« - Ne fais pas ça ! »

Cria une petite voix. Crista ouvrit les yeux et vit Linésys voler à quelques centimètres de son visage.

« - Ne fais pas ça pour l'amour de la terre ! Je me doute que tu as perpétrée beaucoup d'atrocités, mais tu n'étais pas toi... Tu étais une créature sans âme, sans émotions, sans conscience, sans but. Qui étais-tu avant ça ? As-tu seulement eue le choix ? Non... On t'a arrachée à ton existence, arrachée à ta vie, à tes rêves ! Je te vois si jeune... Personne ne devrait pouvoir être condamné à ça ! »

Crista écouta la fée, la fixant de ses yeux brûlés par les larmes. Elle se rappela son passé englouti par sa non-vie. Elle se rappela à quel point elle voulait changer le monde, de son père et de sa mère et de l'endroit où elle vivait ainsi que des amis qu'elle avait totalement effacée de sa mémoire.

« - Oui j'étais différente, souffla Crista, mais je ne peux vivre avec ces souvenirs... Des tueries. »

La fée secoua la tête et posa une de ses petites mains sur la joue de la jeune humaine.

« - Tu as vécu une courte jeunesse et tu as été tuée pour servir d'exécutrice sans coeur. Le monstre qui t'a habitée était une autre personne, ce n'était pas toi... En combattant Adémènes tu as obtenue une seconde chance, cette nouvelle vie est une manière de réparer l'injustice qui a été commise, de chasser l'horreur qui te possédait. Ce n'est pas toi qui as causée ce désastre, tu as juste été le réceptacle d'une créature sanguinaire... Tu peux vivre et tenter de faire ce que tu voulais lorsque tu étais humaine, tu peux combattre l'invasion qui arrive et sauver des centaines voir des milliers de vies ! Ou alors tu peux te tuer maintenant, mourrant avec les regrets d'une existence qui n'était même pas la tienne et abandonner le combat, laissant flétrir le monde que tu chérissais. »

Baissant la tête Crista planta son arme dans la terre, Linésys avait raison. Sa mort n'effacerait rien, sa vie pouvait changer des choses. Elle était une bonne combattante et connaissait l'ennemi en son coeur pour en avoir fait parti malgré elle. L'oubli était impossible mais elle pouvait réparer des erreurs et reprendre la vie qu'on lui avait volée. Ses larmes arrêtèrent de couler, le soleil était en train de se coucher, doucement. Pour la première fois depuis longtemps Crista le trouva magnifique.
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