Les sectateurs, d'après le manuscrit d’Abd al-Hazir (Diablo III)
En voyant ce poignard à lame courbe, dégoulinant de sang et violemment planté dans ma porte ce matin, j’ai compris que les sectateurs ont fini par me trouver.
Cela fait des semaines que j’essaie d’apaiser les visions fiévreuses qui me tourmentent depuis cette rencontre d’il y a à peine quelques mois, mais sans succès.
Et maintenant, ils savent qui je suis.
Il y a une sorte d’obscurité, complète et oppressante, qu’on ne trouve que dans la nature, loin des villes, la nuit. C’est pour cela que je me suis réjoui en
apercevant au loin la lueur d’un feu lors de ma traversée de l’impénétrable forêt de Tristram. J’espérais rencontrer là des compagnons de voyage. Mais, au fur
et à mesure que j’approchais, quelque chose de plus sombre encore que l’obscurité de la forêt s’insinua en moi. Cette sensation était si effroyable que je décidai
de rebrousser chemin, jusqu’à ce qu’un chant psalmodié parvienne à mes oreilles et me pousse à aller plus loin. Je remercie les dieux, quels qu’ils soient, qui me
donnèrent la présence d’esprit de m’arrêter avant de pénétrer en l’endroit impie d’où venaient ces voix. Au lieu de cela, je me mis en quête d’un poste d’observation
bien caché, d’où je pourrais examiner cette clairière glaciale qui se détachait si violemment des profondeurs de la forêt.
C’est alors que je les aperçus : les sectateurs, placés en cercle. Leurs torches illuminaient cette macabre cérémonie d’une lumière blafarde, dont les ombres dansaient
sur des robes aux couleurs criardes, couvertes de runes. Je connaissais les histoires qui parlaient de ces sectateurs encapuchonnés et de leurs rites dépravés, et je
dois admettre avoir été pris d’une certaine curiosité en les voyant là. Ils poursuivaient leurs psaumes monotones et je comptais m’échapper de là avant qu’ils ne me
voient, mais mon attention fut alors capturée par un adepte pâle aux yeux vides que l’on poussait en avant. Je ne sais pas s’il était mentalement attardé, perdu dans
une transe religieuse démente ou simplement drogué, mais une chose est sûre : l’homme qui s’agenouilla au centre de ce cercle frémissant n’était pas sain d’esprit.
Les voix se turent lorsque leur chef, le visage dissimulé derrière une capuche lourdement décorée, s’avança et se mit à déclamer un rituel dans une langue
incompréhensible. Un sectateur, grand, puissamment musclé et masqué de cuir, recouvrit la tête de la victime d’un voile noir, puis sortit un pieu de trente
centimètres de long de sa ceinture. Je cherchais à quoi pouvait bien servir cette abjecte pique lorsque je remarquai l’immense marteau à l’allure infernale
qu’il tenait dans l’autre main. D’un geste rapide, il le leva au-dessus de la tête, puis enfonça le pieu dans le dos de l’adepte avec une incroyable brutalité.
J’étouffais un cri... mais la victime ne fit pas un bruit.
Lorsqu’ils sortirent un autre pieu, je sus que je ne pourrais pas en endurer plus. Je tremblais à l’idée de subir le même sort si on m’attrapait, et je détournais
les yeux en entendant le son répugnant d’une nouvelle pique pénétrant dans la chair offerte. Mon regard tomba alors sur la robe du chef des sectateurs. Le lacis des
runes brodées dessus ondulait et tourbillonnait d’une manière épouvantable, et, en regardant ce terrible mouvement, je sentais avec horreur ma santé mentale vaciller.
Je commençais à fuir cette scène néfaste en me forçant à avancer lentement, tandis que tout en moi me hurlait de détaler à toutes jambes. Quand je ne pus plus tenir,
je me mis à courir pour de bon, sans plus me soucier du bruit que je ferais. Je courus jusqu’à m’écrouler. Puis, dès que j’en fus de nouveau capable, je me remis à
courir en titubant.
Il n’y a pas si longtemps, je racontais la déception qui avait été la mienne en voyant que la Nouvelle-Tristram ne dégageait pas cette palpable sensation d’effroi
que sa réputation nous laissait attendre. J’aimerais ne jamais avoir provoqué le destin avec ces mots inconsidérés. La déception est de loin préférable à la terreur
pure, et la terreur est ce que je vécus cette nuit-là.
Depuis mon retour chez moi, je recherche fiévreusement toutes les informations disponibles sur ces sectateurs possédés par le démon, pour apaiser mon esprit et me
prouver que je n’ai pas vraiment vu ce que j’ai vu. Mais chaque histoire que je trouve, chaque murmure apeuré ne fait qu’intensifier les frissons qui me glacent.
Je ne sais pas laquelle de mes actions a attiré leur attention, mais les pires de mes craintes se réalisent. Je porte la marque.
Pour autant que nous le sachions, il s’agit du dernier document écrit par Abd al-Hazir. Connu pour ses compilations de faits étranges et merveilleux sur notre
incroyable monde, il a malheureusement disparu l’an dernier.